Carnet : Souvenir n°2.

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30 Janvier 2010.

Je suis incapable de me concentrer. Assis dans le coin de la bibliothèque, je relis sans cesse la même phrase dans le livre que je tiens ouvert sur mes genoux. Je suis incapable d'en comprendre le moindre mot. Je suis complètement déconnecté. Mon regard posé sur Louis qui révise, assis à une table à quelques mètres de moi, je ne peux m'empêcher de penser aux dernières semaines qui viennent de passer.

Depuis l'événement à la cafétéria, nous n'avons pas réellement eu de nouveau contact lui et moi, mais d'après ce que j'ai pu observer ces derniers jours, il n'en a pas non plus eu avec Johan et sa bande. Il ne mange plus avec eux, ne traine plus avec eux. Parfois, lorsqu'ils se croisent dans les couloirs, leurs regards s'accrochent, mais la haine que je peux lire, comme tous les autres élèves, dans celui de Louis ne donne envie à personne d'approcher, et Johan semble de cet avis.

Même si je ne comprends toujours pas pourquoi Louis a pris ma défense au réfectoire quelques semaines plus tôt, je dois avouer que sa démarche semblait sincère. J'étais terrifié à l'idée que sa bande et lui soient en train de me tendre un nouveau piège, mais je dois avouer que le froid qui persiste entre eux depuis me rassure.

Depuis l'accrochage à la cafétéria, Johan est un peu moins sur mon dos. Même si quelques insultes et moqueries continuent de fuser dans les couloirs lorsque nous nous croisons, il ne m'a pas humilié à nouveau publiquement comme il avait pris l'habitude de le faire.

Je peux encore entendre le rire de certain sur mon passage lorsque je vais en cours, mais j'apprends doucement à faire comme si je ne les entendais pas. Bien sûr ce n'est pas aussi simple, car mon cœur se brise à chaque fois que ça arrive, mais je fais comme si ça ne m'atteignait pas.

Je soupir en me rendant à l'évidence, je suis incapable de réviser maintenant. Je referme mon livre et sors mon téléphone de ma poche. Il est déjà plus de dix-huit heures et la bibliothèque s'est déjà bien vidée. Nous ne sommes plus que quatre. Louis, toujours penché au-dessus de son manuel, ses lunettes de vue posées sur le haut de son nez, et deux autres jeunes filles qui semblent être en train de préparer un exposé ensemble.

Je me lève et récupère mon sac de cours que je glisse sur mon épaule. Mon livre en main, je me dirige vers l'allée dans laquelle je l'ai emprunté plus tôt. Je cherche quelques secondes sa place exacte et le glisse entre les autres livres. Je prends le temps de les aligner les uns aux autres.

Lorsque je me retourne pour faire marche arrière et rentrer chez moi, mon corps entier se fige dans un brusque sursaut lorsque je réalise que quelqu'un se tient près de moi dans l'allée.

Louis me fixe sans un mot, sa hanche appuyée contre l'étagère, ses bras croisés de manière nonchalante contre son torse.

-Qu'est-ce que tu veux ? Je demande, essayant de calmer tant bien que mal les battements rapides de mon cœur.

-Est-ce qu'on pourrait en parler ?

Je fronce les sourcils, perdu.

-Parler de quoi ?

-De ce qu'a dit Kevin.

Je recule d'un pas, heurté par ses mots, et me braque aussitôt, sur la défensive.

-Ce n'était pas assez clair ? Je crache. Il a pourtant été précis lorsqu'il m'a affiché devant tout le lycée. Je suis attiré par les garçons, et même si je n'étais pas encore prêt à en parler ouvertement, c'est fait. Content ?

-Je ne parle pas de ça.

Sa voix est calme, lente, alors que son regard continu de me scruter.

-Est-ce que c'est vrai ? Il demande.

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