parler ?

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   En quittant son appartement, j'ai le sentiment de mieux le connaître. Même, d'être liée à lui. Non seulement par le fait qu'il m'ait sauvé (en repensant à ça je me sens étouffée et prise de nausées) et que j'ai passé la nuit chez lui, mais aussi par des secrets, et même une promesse. Est-ce que c'est une bonne chose ? Je n'en sais trop rien...

Je prends le bus pour rentrer chez moi.

J'arrive au seuil de ma porte et je stresse. Je stresse beaucoup. Je voudrais repartir à nouveau mais je ne peux pas. Je rentre et préviens ;

- Je suis rentrée.

Ma mère déboule dans le couloir à la vitesse de la lumière et plaque ses mains devant sa bouche en me voyant. Elle est partagée entre plusieurs émotions, je la connais. Mais la colère semble prendre le dessus ;

- Où étais-tu passée et où as-tu dormi ? crie-t-elle.

- J'étais à Voisie et j'ai dormi chez une amie.

- À Voisie ? Mais qu'est-ce q'il t'est passé par la tête ?! Voyons !

J'avance et pénètre dans le salon. Mon père est en train de descendre l'escalier.

- Répond à ta mère Léanne ! Tu as intérêt à te faire petite pendant un bon bout de temps ! C'est du jamais vu ça ! relaye-t-il.

J'ai à nouveau envie de partir en courant. Ça me paraît tellement plus facile qu'avant maintenant que je l'ai fait une fois...

- J'avais envie de changer d'air, désolée. Je suis désolée, vraiment, c'est une action irréfléchie, complètement idiote, je sais.

Je déteste m'écraser de cette façon devant mes parents mais je n'ai pas trop le choix présentement si je veux adoucir leur humeur et éviter que ma vie devienne un enfer, ou en tout cas, atténuer ma sentence comme je peux.

- Mais tu te rends compte ou pas ? Tu ne répondais même pas au téléphone ! On a eu très peur !

- J'ai donné de mes nouvelles comme je pouvais.

Comment leur expliquer que j'ai cassé mon téléphone sans leur raconter l'agression ?

À ce souvenir, une vague froide de dégoût me parcourt. Soudain, je suis prise de nausées...

Ma mère se rend compte de mon changement d'état puisque elle me fait remarquer ;

- T'es toute blanche.

- Je vais vomir, débité-je avant de me précipiter vers les toilettes.

Là, je vomis. Ma mère s'approche de moi et pose une main sur mon épaule ;

- Tu es malade ? Tu as mangé quelque chose qui ne passe pas ?

Sa voix n'est pas totalement épurée de toute forme de colère mais elle est quand même compatissante. C'est fou comme une mère sait remplir son rôle avec recul et abstraction des dernières disputes.

Là, on sent le pouvoir des mères et de l'instinct maternel. C'est dommage qu'il soit réduit chez ma mère. Ses propres problèmes effacent des aspects de ce rôle mais je m'y suis habituée, si bien que maintenant, quand elle joue la maman parfaite à me demander si je vais bien, ça m'énerve.

- Je ne sais pas.

Les visages des deux hommes me reviennent en mémoire ainsi que la sensation d'incapacité à me défendre que j'ai ressenti... Et je vomis à nouveau.

Mon père dit quelque chose à ma mère que je n'entends pas bien car un bourdonnement s'installe dans mes oreilles et brouille mon audition. J'ai à peine le temps de voir tourner la pièce que je tombe dans les pommes sur le carrelage.

La fois de tropOù les histoires vivent. Découvrez maintenant