fugue à deux

69 3 0
                                    

   Le lendemain, je n'ai pas eu trop de difficulté à cacher ma gueule de bois. J'ai cherché des remèdes de grands-mères sur Internet. On a beau juger ces méthodes, mais malgré leur âge et leur bizarrerie, elles marchent. 

Je reçois un message de Steeve ;

« Tu me donnes une autre chance ? »

Je n'ai pas envie de répondre. Alors je ne réponds pas. Et je ne répondrai pas. D'ailleurs, j'efface la conversation pour ne pas être tentée de le faire.

La journée passe très vite malgré ma fatigue cuisante. La totalité du déroulement de la soirée de la veille revient par épisodes dans ma tête. Je me remémore certains moments et ça me donne des nausées. Tout tourbillonne dans mon petit cerveau. 

J'ai tellement ressassé toute la journée que le soir arrive et je sens une envie croissante de me graver... C'est bizarre de mettre des mots sur cette sensation et cette envie, même ce besoin. Ça vient comme ça, le soir, à cette heure-ci, de temps en temps... 

Je ne dois pas... J'ai fait une promesse à Steeve. 

Mais à quoi bon tenir des promesses faîtes à un tel abruti ? 

Tant pis, j'y vais. 

Et Dany ? 

J'attendrais que ça cicatrise avant de recoucher avec lui. De toute façon je dois me détacher de lui. C'est mieux pour lui qui semble commencer à s'attacher et pour moi qui couche avec lui pour les mauvaises raisons comme il me l'a si bien fait remarquer... 

Peut-être aussi que moi-même, inconsciemment, j'ai peur de m'attacher. 

Je prends ma lame de taille-crayon et c'est reparti...

__________________________________

Le lundi suivant, à l'entrée du lycée, je tombe nez à nez avec Adrien et sa copine qui s'embrassent à pleine bouche. Je détourne le regard. Le frottement de mon pantalon sur mes plaies d'hier-soir m'irrite fortement.

J'arrive aux casiers en trainant de la patte pour que le frottement soit moins douloureux. Et qui je vois appuyé sur le mur à côté de la rangée de casiers où se situe le mien ?

 Steeve. 

Parfait. 

Je l'ignore et ouvre mon casier. Je sens son regard posé sur moi mais il ne dit rien et reste à distance. Quand je me retourne, il discute avec une fille rousse que j'ai déjà vue plusieurs fois avec lui. Ça ne me regarde pas. Je pars chercher Lorrie dans la cour. Je la trouve rapidement.

- Salut toi ! lance-t-elle gaiment en me voyant arriver.

Elle se sépare de l'étreinte de son nouveau petit ami et vient à ma rencontre. Alors, on marche toutes deux pendant quelques minutes durant lesquelles je lui explique tout pour Steeve, pour Dany, pour l'agression... Elle m'écoute en s'exclamant parfois ou en donnant son avis, en s'étonnant... Evidemment, j'omets de raconter le détail de mes scarifications. Ça, elle ne saura pas. JAMAIS.

- Léanne, c'est juste oufissime tout ça ! Je ne sais pas quoi te dire... Tu le revois quand Dany ?

- Mercredi.

- Pour ? demande-t-elle un sourire en coin.

- Détrompe toi, ce n'est pas pour coucher cette fois. Il veut qu'on fasse quelque chose de différent, autrement dit, qui ressemble plus à un rencard, soufflé-je en montrant ma réticence. 

- Et ça ne te convient pas visiblement ?

- Je crois qu'il commence à s'attacher et... moi je ne veux pas de relation avec lui. Je veux seulement m'évader... Dit comme ça, oui ça ressemble un peu à un discours malsain je sais ; du sexe, uniquement du sexe... Mais pour tenir cela il ne faut qu'aucun de nous deux ne commence à ressentir un petit quelque chose de compromettant.

La fois de tropOù les histoires vivent. Découvrez maintenant