une rencontre étrange...

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   L'après-midi, madame Violette vient me trouver. Elle s'occupe du CDI, où je passe beaucoup de temps en ce moment quand je veux être seule car ça devient compliqué de cacher mon mal être. Elle brandit vers moi une feuille et m'accoste ;

- Léanne, j'ai ici la feuille d'inscription d'une activité que je viens de mettre en place pour redonner vie au CDI. Je peux te présenter le concept ? J'ai tout de suite pensé à toi ! Je suis sure que ça va te plaire.

Son excès de bonne humeur m'agresse et me donne comme un sentiment d'étouffement.

- Expliquez-moi ça, répondis-je après avoir repris mon calme.

- En fait je voudrai quelques élèves, une dizaine, peut-être organisés par duo, pour ranger, trier, redécorer le CDI. J'aimerais lui redonner un coup de neuf !

- Ca me tente ! dis-je sans grande conviction en essayant de paraître sincèrement excitée.

Le projet était bien, évidemment, et j'aurai été vraiment ravie en temps normal... J'y voyais quand même une occasion d'éviter la foule de lycéens trop heureux à mon goût. Eviter aussi de croiser Steeve ou bien Adrien qui fourre sa langue au fond de la gorge de sa copine.

Je m'inscris. Il n'y a que trois prénoms pour l'instant. Je les connais de vue. Ils sont sympathiques et discrets. Je ne leur adresserai pas la parole et ils ne me dérangeront pas le moins du monde. Madame Violette m'explique que chaque jour ce sera un duo différent qui viendra. Et que si c'est problématique certains pourront faire chemin seul. Le premier jour, c'est-à-dire lundi, tout le monde viendra pour organiser tout ça.

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Le soir, je pousse la porte de chez moi, tremblante. J'ai peur... Très peur...

- Léanne ? appelle ma mère.

- Oui ?

Mais alors que je croyais qu'elle allait me sermonner dès mon entrée sur le seuil du perron, il en est autrement.

- Ca était ta semaine ? demande-t-elle.

- Oui.

- Ton père et ton frère sont partis faire des courses.

- Ok.

Je suis un peu soulagée que ce sermon soit reporté et je me sens soudain vidée de toute émotion. Vide, entièrement vide. Mais un vide qui fait mal. Comme si mon âme était fatiguée et que le sommeil n'y changerait rien...

- Tu as l'air fatiguée, remarque tendrement ma mère.

Son comportement me surprend et je reste sur mes gardes ayant peur que ça cache quelque chose de louche...

- Tu sais, tu peux me parler si ça ne va pas Léanne... Je pense que tu n'agis pas de cette façon en ce moment sans raison. Si tu as un problème, même plusieurs, on peut retourner voir la psychologue qui s'est occupée de toi après l'agression. Peut-être même que c'est toujours ça qui te travaille ?

Je pense que ma mère est tombée sur la tête. Ca fait des mois qu'elle ne se préoccupe plus de moi, même si ça fait des mois que je suis dans cet état-là. Il a fallu que mon comportement au lycée change pour qu'elle ouvre enfin les yeux. Pathétique.

- Je ne veux pas voir de psy et je n'ai pas besoin de te parler, répondis-je un peu trop sèchement.

Se pourrait-il que ma mère soit tout de même sincère et se préoccupe vraiment de mon état ? Elle a beaucoup de problèmes elle-même a géré avec son travail donc c'est presque excusable qu'elle ne s'en soit pas rendu compte avant. Peut-être même qu'elle s'en veut pour ça. Elle a compris que le problème ne se traiterait pas avec des engueulades c'est déjà un sacré progrès. Et même si elle s'en était rendu compte avant, qu'est-ce que ça m'aurait apporté au final puisque je ne lui aurais sûrement rien dit ? Ou peut-être que si, mais là c'est trop tard. Je suis déjà trop enfoncée dans mes mensonges et mes secrets. Après, je me demande tout de même si savoir que certaines personnes voient que je vais mal ne m'aide pas au fond ? Même si je ne leur dit rien... je sais qu'elles sont là et que je ne suis pas invisible pour elles. C'est un peu égoïste comme comportement non ?

La fois de tropOù les histoires vivent. Découvrez maintenant