La fois de trop

pulsion

   Je rentre dans le hall du lycée. On est mercredi. Hier, je n'ai rien dit à la psychologue, en tout cas, selon elle, pas assez. Elle veut me revoir ce week-end.

C'est l'anniversaire de mon petit doudou. Je ne l'ai pas vu ce matin, il n'était pas levé quand je suis partie. Je lui achèterai son cadeau cet après-midi et prendrai le bus pour lui apporter.

Dans le couloir je croise Steeve. Il se contente de me regarder froidement. Je n'arrive plus à savoir ce que ça veut dire. Je ne comprends plus rien. Je suis trop fatiguée pour comprendre. Tout s'est passé si vite, ça n'a ni début ni fin cette histoire... J'ai l'impression que ce n'était qu'illusoire. Un rêve, un mensonge. Certaines personnes ne sont que de passage. Le truc c'est que dans ma vie celles qui ne doivent pas rester semblent le savoir d'avance et moi pas...

Je reprends l'excuse intelligente de l'intoxication alimentaire pour expliquer mon absence à tous ceux qui me posent la question. La matinée semble longue. Très longue.

Je prends mes médicaments discrètement le midi pendant le repas à la cantine. Je mange seule pour une fois, car mes amies internes sont parties manger au mac do. J'ai prétexté qu'à cause de l'incident de l'intoxication, je préférais éviter. Etre seule me fait du bien maintenant car je commence à supporter de moins en moins la présence des autres alors qu'avant elle m'était vitale.

Un mec me regarde à l'autre bout du réfectoire. Il est grand, brun, yeux noirs et métisse. Il est beau. Je baisse la tête. Quelques secondes plus tard je relève les yeux vers lui. Nos regards se croisent à nouveau. Il est avec un groupe d'amis à lui mais il ne semble pas prendre parti à leur conversation. Je l'ai déjà croisé au lycée, sa tête me dit quelque chose mais je ne lui ai jamais adressé la parole. Il est en seconde il me semble.

Je me lève pour débarrasser mon plateau. Il me suit du regard. Inconsciemment je me mets à cambrer. Je sais où il pose son regard. Je crois même savoir ce qu'il y a dans ses yeux...

Avant de sortir de la salle, je me retourne et lui lance un petit sourire en coin. Je le vois se lever et je ferme la porte. Je m'arrête quelques pas plus loin de la sortie, dans un recoin caché derrière un arbre et contre un muret. Le beau gosse, comme je m'y attendais, passe la porte en scrutant les environs. Il me repère et s'avance vers moi. Je suis adossée au mur. J'ai laissé ma chemise assez déboutonnée pour entrevoir distinctement la naissance de ma poitrine. 

- Salut, lance-t-il.

- Salut.

- Très intéressant comme conversation ça.

- En effet.

Il rit surpris par mon sarcasme.

- Tu t'appelles Léanne c'est bien ça ?

- Exact et toi tu es ?

- Louis.

Sa voix est rauque pour un seconde. Si on rajoute à cela, sa façon d'être et son physique, on lui donne largement deux ans de plus.

- Tu es en seconde ? demandé-je tout de même.

- Oui, mais on peut dire que je suis précoce.

- Puis-je savoir pourquoi ?

- Parce que je sais très bien ce que je veux en venant te parler et ce n'est pas une manière d'aborder que n'importe quel petit puceau de seconde oserait.

Je ne réponds rien et l'observe, muette. J'ai très envie de jouer. Jouer pour oublier. Pour qu'enfin mon cerveau se mette en veille. Je vois son regard tenter de descendre furtivement sur ma poitrine. Il en profite, cette fois sans retenue ni efforts pour se cacher, pour faire le tour de mes hanches et descendre jusqu'à mes cuisses.