14 MAI

27 5 5
                                    

Dimanche. Il pleut des courges à un tel point que le centre de desintox est encore plus flippant que d'habitude. Jill ne me lâche pas, je n'ai même plus moyen d'être tranquille dans ma propre chambre car elle passe son temps allongée sur mon lit à me raconter des choses que je sais déjà. À la réunion d'hier j'ai apprit qu'elle avait seulement 16 ans et qu'avant de débarquer ici elle se défonçait à la coke, ça me fout la gerbe qu'une gamine aussi jeune se retrouve déjà en desintox. Je prend sur moi pour ne pas l'envoyer chier quand elle me raconte pour la quatrième fois la journée qu'elle a passé au parc aquatique avec sa tante il y a 3 ans.

Je fais rebondir mon stylo sur le rebord du bureau plein de gribouillages des anciens toxicos passés par là avant moi et j'ajoute parfois quelques détails au dessin que je viens de faire. Honnêtement je ne sais pas dessiner mais ça me fait passer le temps et m'empêche de me tirer une balle.

Jill se redresse brusquement sur mon lit en entendant mon téléphone sonner. Je n'y fait pas attention jusqu'à ce qu'elle lise à haute voix ce qu'il y a d'écrit sur l'écran « Nouvel appel entrant : Julien ». Mon sang ne fait qu'un tour, je lui fonce dessus et lui arrache mon portable des mains si violemment que je manque de lui mettre mon doigt dans l'œil. Je n'ai clairement aucune envie de parler à ce qui me sert de beau père, mais j'ai encore l'espoir que ça soit Maman qui lui ai demandé son téléphone pour m'appeler, même si c'est idiot j'ai envie de croire qu'elle en a quelque chose a foutre de moi. J'ouvre le clapet du téléphone et le pose contre mon oreille en faisant signe à Jill de dégager, pas envie de lui raconter ma vie, je suis pas aussi sociable qu'elle.

*

Le voix de Julien à l'autre bout du fil massacre sans pitié le peu d'espoir que j'avais d'entendre Maman. Son ton est encore plus froid que d'habitude et ses mots tellement tranchants que j'ai l'impression qu'il me taille les veines à chaque phrase. Je lui demande de me passer Maman, il refuse en prétextant qu'elle n'est pas là alors que je l'ai clairement entendu hurler « Isa' tu veux parler à l'autre camée ? » et que j'ai pu distinguer un « Non. » froid malgré le brouhaha que fait la télé en arrière plan. Je hais cet homme encore plus que moi même, c'en est monstrueux. Je lui demande pourquoi il m'appelle, il lâche juste « tu passeras prendre tes affaires à ta sortie. ». Et il raccroche. Je le hais tellement c'en est presque fascinant.

*

La réunion est chiante à en crever, quand Cyrielle me demande si je regrette d'avoir prit de la drogue, évidemment que non je ne regrette pas, je dis le contraire car sinon je ne sortirais jamais d'ici, tant pis si c'est pour aller à la rue. Je sais qu'elle sait que je mens mais elle n'a pas de preuve concrète contre moi alors elle ne pourra pas me garder ici éternellement. On a eu droit à l'histoire de Meg qui a laissé son bébé crever dans son berceau car trop défoncée pour se rappeler qu'elle avait un môme et ça m'a fait penser à la nana de Sick Boy dans Trainspotting, c'est triste pour elle mais c'est pas ce qui me fera tirer un trait sur la drogue étant donné que je n'ai pas de gosse.

Cyrielle répète sans cesse qu'il ne faut pas ressasser sans cesse nos erreurs faites à cause de la drogue et apprendre à nous accepter nous même, et tout et tout sans jamais se dire que dans la tête de tout le monde se répéter « j'ai le sida car je me suis piquée avec la même seringue qu'un séropo' mais c'est pas grave » c'est pas forcément très joyeux. Son problème, à cette psy de supermarché, c'est qu'elle n'arrive pas à admettre que certaines personnes ont besoin de la drogue pour se retenir de se jeter d'une fenêtre car depuis toujours leur vie est si merdique que y a que ça qui leur permet de rester vivant.

ALICEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant