Chapter 16 : Trying

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-Tu foutrais en l'air toutes tes années de sobriété pour me culpabiliser de ne pas être sobre ?

Je soutiens son regard pour lui montrer que je suis sérieuse mais il éclate de rire. Il rit à en avoir mal au ventre et j'essaie malgré tout de ne pas perdre la face.

-Je le ferais pour te montrer pourquoi ce n'est pas à faire.

Je regrette instantanément les mots qui viennent de sortir de ma bouche. Je me retourne en prenant ma tête dans mes mains pour ne pas faire face à son regard maintenant. Il est silencieux, ne rigole plus.

-Je voulais pas dire ça.

Je me retourne vers lui et répète :

-Tu sais que je ne voulais pas dire ça.

Il ricane.

-Bien sûr, dit-il. Et tu t'attends à ce que je gobe ça ?

-Je veux juste te convaincre que tu as besoin de changer.

-Mais tu crois que j'ai pas essayé ? Hurle-t-il soudainement.

J'ai un mouvement de recul.

-Tu crois que je veux pas arrêter ? Tu crois quoi, hein ? Je me hais d'être comme ça ! Je me hais de pas être capable de me contrôler et je me hais de m'être laissé devenir le salaud que je suis aujourd'hui ! T'es devenue meilleure et moi je suis devenu con, c'est ce que t'essaies de me dire ? Mais ça n'a jamais été tout blanc ou tout noir, tu seras jamais parfaite et je l'ai jamais été. T'es toujours une connasse égocentrique qui n'en fait qu'à sa tête, tu réussis juste à ne plus gober des médocs tous les jours dans l'unique but de planer. Et moi, j'y arrive pas. Ça fait des années et j'arrive pas à lâcher la bouteille et des fois, j'ai même pas envie, en fait, parce que oui, ça me fait du bien quand j'en ai besoin et ça me fait du mal en retour. Mais toi t'es pareille. Tu me fait du bien puis sans prévenir tu me plantes dans le cœur encore et encore et encore et encore et tu t'arrêtes jamais de le faire. Je veux juste la paix, Lily, rien de plus. J'ai toujours voulu que la paix.

-Moi aussi, je veux la paix. Et être sobre, ça m'aide sur ce chemin.

-On dirait une putain de Témoin de Jéhovah, là, tu t'en rends compte ?

-Mais arrête de dire des conneries pareilles !

-Toi aussi, merde !

On se regarde intensément les yeux dans les yeux, reprenant notre souffle comme si on venait de courir.

Quand on a mal au cœur, que se soit sans prévenir ou qu'on se raccroche à quelque chose en espérant une réalité inatteignable, c'est comme si on se prenait un coup dans les tripes et que nos poumons se vidaient d'air d'un seul coup. C'est comme si le sang dans notre corps n'atteint plus ni notre cœur ni notre cerveau et qu'on ne tient plus debout. Mais c'est aussi comme si on n'avait jamais eu autant d'air dans nos poumons pour crier et hurler comme on l'aurait jamais fait. C'est aussi se sentir d'un coup trop vivant de ressentir autant de douleur, on se sent soudainement bien réel, bien là, bien présent, quand à ce moment précis on voudrait simplement ne plus être. C'est tous ces contraires mélangés et on ne sais plus où est notre place. On ne comprends plus rien car plus rien ne fait sens. Dans tous les cas, même si on est heureux, cette douleur existe fatalement. Car il y en a un qui partira le premier. Qu'on passe la porte ou qu'on rende notre dernier souffle, il y en a toujours un qui finit par partir. Pourquoi avoir tant mal quand on aime aussi fort ? Pourquoi notre amour est récompensé par une douleur inévitable à vous mettre à terre ?

Et je me mets à rire. Je pars dans un fou rire qui tourne vite aux larmes.

-T'as raison, je lui dis. T'as raison, c'est que des conneries. Bien sûr que le monde est pas meilleur quand t'es sobre, la réalité est horrible à affronter. Mais je préfère l'affronter en voyant clair et étant fière du chemin que je parcours, plutôt que d'avoir ma vision complètement embrumée et que je fais du sur place qui m'épuise encore plus vite. Je veux que tu avances. Je veux que tu te sentes mieux. Je veux que tu t'aimes de la façon dont je t'aime.

-Non, non ! Ça aussi c'est des conneries. Sois honnête.

-Je veux que tu apprennes à t'aimer. C'est difficile mais pas impossible. Et tout est plus facile quand on s'aime et qu'on a les idées claires.

-Mais je te l'ai déjà expliqué, Lily. J'y arrive pas. C'est tout. C'est pas pour moi.

-Je disais exactement la même chose quand tu me demandais d'arrêter la drogue. Je refusais. Je ne croyais pas en moi.

-Mais arrête de croire que t'es un exemple à suivre, putain !

-J'ai jamais dit que j'en étais un.

-Tu le penses très fort.

Je sens que la tension redescend d'un coup. L'ambiance est juste épuisante.

-Écoute, Tom, je...

Il me regarde, m'écoute réellement. Et alors que je voulais prendre mon courage à deux mains pour mettre mes sentiments de côté et faire la bonne chose à faire, c'est-à-dire partir et lui laisser l'espace dont il a besoin, ses yeux fixés dans les miens me troublent plus que jamais. J'avale ma salive avec difficulté et oublie la réalité. Cette façon dont il transperce mon cœur par un regard probablement sans le savoir me fait oublier jusqu'à mon propre prénom. Et avant que je le sache, nos corps se sont rapprochés, comme-ci c'était la chose la plus naturelle qui soit. Il m'observe d'une manière dont il ne m'a jamais regardée auparavant et je ne saurais dire ce qu'il ressent. J'ai l'impression de lire de la tristesse, du soulagement, de l'impatience, de la tendresse et de la surprise sur son visage si fatigué. Je passe ma main doucement sur sa joue, le long de mâchoire.

-J'en ai marre qu'on se dispute tout le temps, me dit-il.

Je souris de façon à acquiescer ces propos.

-Je sais qu'on est dans le même camp, continue-t-il. Mais j'ai l'impression qu'on l'oublie souvent.

-C'est juste... difficile pour nous de communiquer. On doit apprendre. C'est jamais trop tard pour le faire.

Il reste silencieux quelques instants et je vois qu'il réfléchis à sa réponse. Ou plutôt, je sais qu'il a sa réponse en tête mais ses mots ont du mal à franchir la barrière de ses lèvres. Et quand il parle enfin, sa réponse provoque en moi une joie et un espoir immenses que je m'efforce à contrôler du mieux que je peux.

-Je veux être meilleur avec toi.

TALENTED IIIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant