À perte de vue

Chapitre 18

Pdv Sixtine

Le soleil brille ce jour-là et je décide de sortir de chez moi, pour la première fois depuis mon baiser avec Clarke. Je suis bien sortie pour promener Ten, mais jamais dans le but de réellement me faire plaisir. Je suis sûre de croiser deux ou trois touristes dans l'eau ce matin pour pouvoir faire de nouvelles rencontres et m'amuser sur de nouveaux défis avec eux.

Il est encore tôt mais je suis bien incapable de dormir plus. Depuis trois jours, mes nuits et mes journées sont remplies de Clarke. Je rêve de la voir dans mon lit le matin et le soir. Je nous imagine chaque jour cuisiner, que ce soit chez moi ou chez elle. Je parviens sans peine à nous imaginer ensemble sur le canapé, critiquant un des derniers navets du cinéma.

Plus j'y pense, plus je la veux cette vie qui se miroite devant moi.

Laissant mes affaires dans la cabane que je loue chaque année sur le bord de plage, je prends ma planche et cours vers les vagues, enivrée par ce sentiment de liberté que j'avais presque oublié. Il y a bien longtemps que je n'ai pas surfé. Avec l'hiver, le travail et mes problèmes personnels, j'ai pas mal déserté les groupes. 

Allongée sur la planche, j'avance à la force de mes bras et, souris en sentant mes muscles travailler à nouveau. J'adore l'eau et la natation mais, tristement, mes complexes m'empêchent toujours de passer la porte de la piscine. Sa voix vient vibrer dans mes tympans, jouant sur mon estime de moi.

"Épile-toi pour moi bébé j'aime ça."

"Tes fesses seraient bien plus bandantes si tu faisais plus de sport."

"Ton ventre n'est même pas plat. Si tu n'avais pas d'aussi gros seins, tu serais même pas baisable."

Je ressens alors à nouveau ses mains sur moi, aussi humiliantes que lorsque je les ai ressenties dans le bus en face de Clarke. Je suis à deux doigts de fermer les yeux dans l'espoir de chasser ces idées mais, par habitude, je sais que ce sera pire et que je ne verrais plus que lui au-dessus de moi, dans des positions qui me donnent la nausée.

Pourtant, encore une fois, je cède à la tentation et laisse mes paupières se fermer. Je me laisse alors glisser de ma planche et plonge la tête la première dans l'eau. Celle-ci glisse sur mon corps, me débarrassant de la sensation de ses mains sur moi.

Quand je ressors la tête à la surface, il n'est plus ni sur moi, ni dans mon esprit. Je porte bien la combinaison que j'ai achetée il y a quelque temps, me permettant de recouvrir intégralement mon corps et, par conséquent, les marques qu'il a laissées sur ma peau.

Je regrette de ne pas avoir Clarke à côté de moi à cet instant. Il n'y a qu'elle dont le touché ne me dérange pas. J'aime avoir sa main dans la mienne, l'entendre rire avec moi ou encore embrasser ses lèvres. Contrairement à lui, elles sont douces, agréables et ne cherchent jamais à me mordre pour le simple plaisir de me faire souffrir. Avec elle, j'ai l'impression de découvrir quelque chose qui, jusqu'ici, ne m'était apparu que de manière négative.

Remontant sur ma planche, je repars vers le large, rejoindre la dizaine de personnes qui sont déjà en train de titiller la vague. Quand je les regarde s'amuser au loin, je me demande si leur vie est facile ou si, tout comme moi, ils sont des casseroles bien trop lourdes à supporter derrière eux. Ils ont l'air si libre à s'amuser que, parfois, j'aimerais pouvoir donner cette même impression de liberté mais, aussi, de la ressentir au fond de moi.

En imaginant les secrets que peuvent cacher les surfeurs à quelques mètres de moi, mes pensées partent aussitôt vers Clarke. Que peut-elle faire en ce moment ? Est-ce qu'elle repense à notre journée ou est-ce qu'elle est bien trop prise dans son quotidien ? Je me demande si Mathurin l'a revue depuis qu'il a annoncé à sa grand-mère qu'ils allaient se marier. Peut-être sont-ils ensemble en ce moment même. Je suis alors envahie par une espèce de jalousie que je n'imaginais pas et même, ne connaissait pas. C'est nouveau mais j'adore presque ça.