Chapitre 21

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Pdv Sixtine

Son regard croisant le mien, je m'empresse de fermer rapidement les yeux, évitant autant que possible ses iris. Mais c'est déjà trop tard, ils sont imprimés sur mes paupières, me narguant dans le noir. Ils n'ont pas changé et c'est bien là que réside mon horreur. Il est toujours le même.

J'ouvre rapidement les yeux pour ne pas paraître trop suspecte. Lui n'a pas réellement bougé. Il est désormais appuyé contre la porte mais son sourire de charmeur est toujours collé sur son visage. Il a peut-être un peu vieilli mais, au fond, je sens que rien n'a vraiment changé. 

Je me détourne alors pour fixer ses yeux. Ils sont toujours aussi bleus, me faisant déglutir difficilement. Je les ai trop vu, bien trop pour mon bien-être. Il y a une étincelle au fond qui apparaît lorsque nous commençons à nous fixer. Celle-ci aussi je la reconnais. Je la voyais souvent lorsqu'il s'approchait dangereusement de moi.

"Hey coucou ma belle ! Longtemps que je ne t'avais pas vu !"

Il se penche vers moi, passant sa langue sur sa lèvre inférieure. Je sens son parfum m'agresser les narines tant l'odeur est forte. Je n'ai rien mangé ce matin et la bile est en train de remonter le long de ma gorge.

Quelques-unes de ses boucles viennent chatouiller mon front alors qu'il se penche vers moi. S'il continue comme cela, je ne suis pas sûre de pouvoir retenir encore longtemps la bile qui joue au yoyo dans ma gorge. Il est trop près. Beaucoup trop près. 

"Bah alors ma belle ? On a perdu sa langue ?"

En plus de son parfum, son haleine mentholée vient agresser mes narines, faisant remonter encore un peu plus mon envie de vomir et m'empêchant de déglutir. Je me souviens de cette odeur qui me prenait le nez avant, alors qu'il sentait qu'il allait gagner sur moi.

"Tu étais plus expressive avant pourtant."

Un sourire carnassier prend place sur son visage, symbole même de mes cauchemars. Je subis les flash des années que j'ai passé sous son joug. Un enfer que, encore aujourd'hui, je suis totalement incapable de décrire tant il est horrible mais aussi brouillé dans mon esprit.

Bien que j'ai été refroidie par son arrivée dans la maison, la colère se ravive à nouveau en moi alors qu'il évoque le passé. Je ne sais pas pourquoi cela tombe aujourd'hui, si c'est parce que tout le monde me cherche ou si c'est simplement que j'ai trop accumulé, mais je me sens craquer.

Aussitôt, mon poing se serre avant d'atterrir violemment dans sa mâchoire, le forçant à reculer de quelques pas. Le gémissement de douleur qu'il ne parvient pas à retenir me soulage. Sa main qui vient tenter d'apaiser la douleur de mon poing me ferait presque rire.

"Bonjour Kévin ravi de te... Sixt' ?! Mais putain qu'est-ce que tu as fait ?! Merde !"

Je vois la seule figure paternelle que je n'ai jamais eue se précipiter vers cet homme que je hais plus que tout. Je le vois prendre sa tête entre ses mains pour inspecter son visage et s'assurer que sa mâchoire va bien. Au fond de moi, alors même que je pensais qu'il était déjà détruit, mon cœur se brise un peu plus.

"Contrairement à toi, il est chez lui ici. Et si tu veux tout savoir, il vit dans ta chambre, celle que tu n'as jamais daigné revoir."

Je ne sais pas si mon père dit ça seulement pour me faire mal ou s'il le pense vraiment. Tout ce que je gagne pour ma part, c'est de me précipiter sur le porche pour vomir sur les si jolies fleurs de belle-maman. 

À perte de vueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant