À perte de vue

Chapitre 47

Pdv Clarke

Je sens la main de ma petite-amie serrer la mienne alors que nous sommes face au commissariat. Elle doit pouvoir admirer sans peine l'écriteau apposé sur le bâtiment, aux couleurs de notre pays. Je n'ai pas besoin d'avoir la vue pour savoir à quoi il ressemble.

"Je serai là, quoiqu'il arrive."

Ses lèvres viennent se poser sur ma joue et je profite de court instant. Dans quelques secondes, nous allons franchir ces portes, nous diriger vers un guichet et attendre que quelqu'un souhaite bien nous recevoir pour prendre notre déposition. Dans une salle sûrement peu personnelle, Sixtine devra raconter tout son enfer à un inconnu, croisant les doigts pour que celui-ci la prenne au sérieux.

"Quoique je dise, tu seras toujours là quand on ressortira de là ?

-Je serais toujours là quand tu auras porté plainte, quand on entrera au tribunal, quand le juge prononcera sa sentence et je serais surtout là après pour que l'on fête la fin de tout cela."

Je l'embrasse pour sceller cet accord mais on finit par devoir se séparer, une tâche affreuse ayant été repoussée depuis bien trop longtemps. Soufflant un grand coup, ma courageuse compagne s'avance vers les portes automatiques qui s'ouvrent aussitôt, nous plongeant dans une ambiance presque tendue.

"Je suis censée faire quoi une fois que je suis rentrée ? Ils ne se posent jamais cette question dans les histoires.

-On aurait peut-être dû entrer en courant pour qu'ils viennent nous voir. Ou alors... Si je suis la bande rugueuse, on doit pouvoir atteindre un comptoir.

-Oui... Oui je suppose. Allons-y."

Coinçant ma canne blanche dans le chemin, je serre un peu plus fort la main de ma compagne afin de la guider dans le poste. C'est assez contradictoire mais je crois qu'à situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle.

"Bonjour, en quoi puis-je vous aider ?

-Bonjour, ma compagne souhaiterait porter plainte. Elle est un peu intimidée mais je vous assure que contrairement à moi, elle est totalement valide."

J'entends un petit rire de la part de la personne en face de moi, une fille vue son parfum et son timbre de voix. De plus, elle ne semble pas juger, juste écouter.

"Dans quel cadre souhaitez-vous porter plainte ? Vol ? Dommage à l'encontre votre personne ou un bien ?

-Viol.

-Oh."

J'avoue que ni elle, ni moi nous attendions à entendre la voix de Sixt'. Une prononciation neutre, comme un de ces robots que l'on voit dans les reportages. J'en serais presque effrayée si je ne savais pas qu'il s'agit là du seul moyen qu'elle ait trouvé pour se protéger des séquelles physiques.

"Je vois. Je vais appeler ma collègue et vous passerez l'entretien avec elle."

J'ai la sensation que ce n'est pas n'importe qui qui va prendre en compte la plainte de ma petite-amie. Je me sens rassuré, je n'aurais pas voulu que cela se passe n'importe comment et que la requête ne soit pas réellement prise au sérieux.

Nous ne patientons pas longtemps. Juste le temps que la dame passe un coup de fil, énonce un petit "quelqu'un a besoin de toi" et qu'une porte plus loin claque. Je ne savais pas que le commissariat était si petit mais qu'importe, ce sera assez pour que nous puissions avancer.

"Bonjour les filles. Laquelle est venue pour me parler ?

-C'est moi mais euh... En fait... Je ne ferais rien sans elle alors... elle m'accompagne. Enfin, c'est possible ?