Courses

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31 juillet 2035.

Les portes automatiques s'ouvrent devant moi, comme m'invitant à entrer. Je ne devrais pas, je le sais. Ça fait un quart d'heure que je tourne en rond dans la rue en me le répétant et pourtant, je fais un pas dans l'épicerie. Le sourire aux lèvres en prime.

Iven est là, derrière son comptoir. La tête est penchée en avant alors qu'il s'applique à dessiner. Je découvre alors qu'il est gaucher. Mon regard glisse sur ses cheveux roux désordonnés, son oreille percée et sa chemise dont le col cache encore et toujours son tatouage dans la nuque mais dont les manches courtes laissent ceux de son bras, visibles. Il est beau.

Il relève les yeux vers moi et je peux les détailler un court instant, tout comme ses petites taches de rousseur. Dès qu'il me reconnait, un sourire illumine son visage et aussitôt, un identique étire mes lèvres. Iven retourne son carnet de dessins sur le comptoir, ne me laissant pas le temps d'apercevoir son œuvre. Je penche la tête sur le côté, un peu déçu.

— Qu'est-ce que tu fais ici à cette heure-là ? me demande-t-il, avenant.

J'enfonce les mains dans les poches de mon pantalon en m'approchant de lui.

— Des courses, dis-je. Blake m'a demandé deux, trois trucs !

— Pourquoi tu m'as pas écrit ? Je les aurais ramenées à la fin de mon service, ça t'aurait évité de sortir.

Je hausse les épaules, le plus décontracté possible. Pendant un moment, nous n'ajoutons rien, nous contentons de nous observer puis je me reprends enfin.

— Je passais dans le coin en rentrant à la maison...

Je fais quelques pas vers un rayon de chewing-gum. Le haut de mon corps se penche en avant pour mieux distinguer les différents goûts alors que ça ne m'intéresse pas le moins du monde.

— Puis je voulais te voir en action, annoncé-je en me redressant.

Je lui adresse un sourire en coin, légèrement moqueur.

— Enfin ça n'a pas l'air d'être très intense par ici !

Il rit et mon rictus s'agrandit à ce son.

— Ça semble même être d'un ennui mortel, non ?

— Non. C'est tranquille, reposant. C'est agréable, déclare-t-il, sincère. Puis c'est pas toujours comme ça. Je fais très souvent la réception des livraisons et c'est moi qui dois réapprovisionner les rayons !

— Donc tu sous-entends que je suis tombé au mauvais moment ?

Il s'accoude au comptoir et me souffle :

— Si ton but était de me voir soulever des cartons alors que la clim a rendu l'âme ? Alors... ouais, t'as pas de chance !

— Zut ! Moi qui voulais te voir transpirer...

Ma blague a un tel fond de vérité que je ne peux pas l'assumer devant lui alors je me dirige dans le premier rayon qui se présente. Mes yeux examinent les produits autour de moi mais mon cerveau se répète en boucle mes mots, m'empêchant de réaliser ce qui m'entoure.

Si le destinataire de mes mots n'était pas Iven, alors je m'en ficherais. Je serais même en train d'en rigoler et peut-être même d'en rajouter une couche. J'aime taquiner tous mes proches. Mais Iven est mon colocataire depuis quatre petits jours, je ne peux pas lui dire des trucs comme ça. Je ne suis pas assez proche de lui pour ça bien que je l'ai accueilli avec une érection matinale.

Mais au-delà de ça, ce n'est pas mon manque de proximité qui me gêne le plus, c'est la réalité de mes propos. Être heureux de le voir, c'est une chose, vouloir le draguer... c'en est une autre... bien pire dans une colocation.

stay with me. - idy 5Où les histoires vivent. Découvrez maintenant