stay with me. - idy 5

Addict

Nuit entre le 10 et le 11 septembre 2035.

Dès que j'ai pu tenir sur mes jambes, j'ai dévalé les escaliers et suis sorti en trombe de la maison de mon père. Je me retrouve à présent à courir dans les rues de mon quartier en direction de chez Mid. Les larmes n'ont pas coulé mais ma vue est encore un peu floue. Je suis d'ailleurs ravi de connaître ce trajet par cœur après vingt ans à le faire.

Je tourne à gauche et leur maison apparait dans mon champ de vision. Je sens déjà le soulagement m'envahir. La fenêtre du salon comme celle de la chambre de mon meilleur ami sont encore illuminées. Au moins, je ne réveillerai personne. Une fois à la porte d'entrée, je ne prends même pas la peine de frapper. Je ne le fais plus depuis une éternité. Puis j'entre.

Les parents de Mid détournent leur regard de la télévision où l'épisode d'une série est diffusé. Quand ils me découvrent dans leur hall, ils ne font aucun commentaire. Mon état doit être si lamentable qu'ils ne veulent sûrement pas en rajouter une couche et je leur en suis reconnaissant. Je m'excuse malgré tout et m'élance dans les escaliers qui mènent au premier étage.

La maison a trois étages. Le rez-de-chaussée regroupe le salon, la salle à manger et le bureau du paternel. Au sous-sol, en plus de la cuisine, se trouvent la suite parentale et une salle de sport. Des baies vitrées donnent directement sur le grand jardin qu'ils possèdent derrière. Puis enfin, il y a les combles. Enfin anciennement les combles.

Depuis de nombreuses années, Mid y a installé son royaume, ses parents n'y mettent jamais les pieds. Nous avons fait énormément de soirées ici. La majorité était agréables, voire très agréables comme lorsque nous jouions aux jeux vidéo ou regardions des films ou encore explorions notre sexualité ensemble. D'autres cependant me laissent encore un goût amer comme toutes ces fois où je venais pleurer dans les bras de mon meilleur ami après que ma mère m'avait frappé.

Ce soir sera l'une de celles qui me blessent au cœur.

Quand j'arrive à l'étage, je me dirige aussitôt vers la chambre de Mid dont j'ouvre la porte sans réfléchir. Assis dans son lit, il sursaute en me découvrant. L'une de ses mains est glissée sous la couette. L'autre abat brusquement l'écran de son ordi installé sur ses genoux. Ses yeux écarquillés par la peur d'avoir été surpris ne laissent aucun doute sur son activité avant mon arrivée.

Malgré ce que je ressens, je ne peux empêcher un sourire de se dessiner sur mes lèvres. Je ne suis pas spécialement gêné de le déranger dans un tel moment, ce n'est pas comme si c'était la première fois. Dans une autre situation, je lui aurais proposé de l'attendre dans le salon avec ses parents pendant qu'il termine mais pas aujourd'hui...

— Lave-toi les mains, réclamé-je.

Je me vautre sur l'un des fauteuils qui se trouve en face du lit, posant ma tempe sur mon poing fermé. Mid retire les écouteurs de ses oreilles et ouvre la bouche, prêt à me faire une réflexion dont lui seul a le secret mais aucun son n'en sort. Il a dû remarquer mon état. Il éloigne son ordinateur, envoie balader sa couverture et se lève enfin.

— Je reviens.

Il rejoint sa salle de bain, me laissant seul. Malheureusement, mon cerveau n'est plus occupé et peut repenser à ce que j'ai appris. J'ai toujours essayé d'être ouvert d'esprit. Vraiment. Je peux accepter beaucoup de choses. La preuve en est avec le fait qu'Iven soit un ancien taulard. Cela ne me gêne pas. Mais il y a une chose pour laquelle je ne peux pas passer outre...

— Allez raconte-moi tout, me dit gentiment Mid en revenant dans la pièce.

Il s'assoit en tailleur sur son lit, me faisant face. Ma tristesse forme une boule dans ma gorge et m'empêche de parler. Un sanglot m'échappe.