Squattage

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Nuit du 14 au 15 août 2035.

Réveillé en sursaut par des bruits obscènes, je sors de ma chambre, mon oreiller sous le bras. Cela ne s'était pas produit depuis plusieurs semaines parce que Dae et Blake ont passé quelques temps dans leur famille respective, alors ils étaient absents de la coloc. Là, alors qu'il est une heure du matin, je regrette qu'ils ne soient pas restés en vacances encore quelques jours. J'ai dû prendre la décision de fuir mon lit.

Je soupire en me dirigeant vers l'escalier. Je suis crevé et de mauvaise humeur ce qui est pourtant assez rare chez moi. Je n'ai aucune envie d'entendre leurs exploits sexuels. Mon poing m'a démangé un petit moment pour taper contre le mur et leur signifier de la fermer mais ma gentillesse a refait surface. Mais je ne peux pas rester là-bas. C'est au-dessus de mes forces.

Je me fige quand j'aperçois la porte ouverte de la chambre d'Iven. Avec la lumière des réverbères de la rue passant par la fenêtre, je peux facilement distinguer le pied de son lit.

La proposition d'Iven me revient à l'esprit. Il travaille, je pourrais me faufiler dans son lit sans problème et me rendormir dans la seconde. L'envie ne manque pas. Loin de là. Me glisser dans ses draps et sentir son odeur tout autour de moi. Cependant, ça ne se fait pas, même si l'idée vient de lui.

Je pense alors au conseil de Mid. Ses mots ne m'ont pas quitté ces dix derniers jours et résonnent en moi :

Ne réfléchis pas trop avec Iven ! Fais confiance à ton instinct, il ne t'a jamais fait défaut.

Est-ce que mon instinct me dit d'aller squatter son lit ? Bien entendu et plutôt deux fois qu'une. J'hésite encore un peu mais un gémissement plus fort que les autres finit par me décider. Je laisse l'escalier derrière moi et me rends dans la chambre de mon coloc.

À l'entrée de la pièce, j'inspecte les lieux. Cela se sent qu'il a pris ses marques à présent. Un t-shirt ou deux pendent du dossier de la chaise de bureau. Ce dernier est d'ailleurs enseveli sous le matériel de peinture. Sa valisette en bois s'est transformée en un beau chevalet sur lequel une toile drapée est installée. Ma curiosité me crie d'aller y jeter un œil mais n'en fait rien. Si elle est recouverte, c'est pour une bonne raison.

Je referme la porte derrière moi. D'un mouvement sec, je tire les rideaux et la pièce se retrouve presque dans le noir. Je me traine jusqu'au lit et après un nouvel instant de doute, je m'y allonge. Ma tête touche mon oreiller, je remonte la couette sur moi et un soupir de bien-être m'échappe. L'odeur d'Iven est divine. Grâce à elle et au silence, je ne tarde pas à me rendormir.

Mon cerveau met longtemps à se resituer après avoir été tiré du sommeil par des bruits. Qui suis-je ? Où suis-je ? Pourquoi ? Comment ? Remettent-ils le couvert ? Ne me dites pas que je peux les entendre de là ? C'est impossible ! Je soupire avant de basculer sur le dos.

Grâce à la lumière du couloir, j'aperçois la silhouette d'Iven qui se faufile. Il attrape un t-shirt qui était sur sa chaise et fait demi-tour. C'est là que je prends conscience de la situation. Je me suis caché dans sa chambre pour pouvoir dormir un peu sans les bruits sexuels de nos chauds lapins. Je me redresse aussitôt et m'écrie alors qu'il s'apprête à sortir :

— Reste, reste !

Je sors du lit, me prends les pieds dans la couette et évite de peu de m'étaler de tout mon long.

— Ça va ? s'inquiète-t-il.

— Ouais, ouais...

Comme si de rien n'était, je continue :

— Je suis désolé, je vais retourner dans mon lit, ils ont dû finir maintenant !

Alors que je contourne le lit, je remarque son regard passer sur mon corps. Je m'arrête, figé par son intensité. Comme toutes les nuits, je ne porte qu'un boxer. Heureusement, cette fois, je n'ai pas l'érection qui va avec. Quoi que... S'il continue de me reluquer ainsi, je ne pourrais pas me contrôler.

— Je...

Iven ne finit pas sa phrase. Il fait un pas vers moi, ses yeux s'accrochent aux miens. Je ressens un frisson bien trop agréable dans mon échine. Je m'humidifie les lèvres alors que mon cerveau est en train de surchauffer. Je crois que c'est bien trop pour lui alors que je viens de me réveiller.

— Tu peux rester, réussit-il enfin à me dire.

Il effectue un autre pas dans ma direction. Je l'imite sans réfléchir.

— J'aimerais beaucoup, chuchoté-je.

Il a un sourire trop craquant. Une de mes mains se cale sur sa joue et la caresse doucement. Un court instant. Dans son regard, je comprends que Mid avait peut-être raison. Iven a autant envie de tout ce que j'aimerais. Lentement, je m'approche et dépose ma bouche sur la sienne. Une douce chaleur emplit tout mon abdomen, me faisant fermer les paupières.

Depuis mon premier baiser au collège, je n'ai jamais embrassé une personne avec autant de retenue et de timidité. Ses doigts glissent sur mes hanches alors qu'il initie un mouvement des lèvres. Je le suis avec plaisir. Contrairement à ce que j'aurais pu imaginer, c'est doux et lent. Tendre. Léger. Incroyable.

Ma main dévie vers sa nuque. L'autre s'empare de son haut et le serre avec force. Je désire juste qu'il poursuive son baiser et il semble me comprendre. Sa langue s'invite et je l'accueille sans rechigner. Elle est fraîche et a un léger goût de soda.

Nous restons ainsi quelques secondes. Une heure. Le temps n'est plus qu'une notion abstraite. Puis en un accord silencieux, nous nous éloignons un peu l'un de l'autre mais nous gardons le contact tactile malgré tout. J'ouvre la bouche pour parler mais je suis coupé par le portable d'Iven qui vibre dans la poche de son pantalon.

Je me recule et mes bras retombent le long de mon corps. Ce dernier se sent esseulé maintenant qu'il n'a plus Iven à câliner. Il m'adresse un sourire navré. Je déglutis et je suis soudain mal à l'aise, ne comprenant pas comment ni pourquoi j'ai craqué comme ça. J'ai besoin de prendre du recul et de penser à tout ça.

— Je devrais y aller, murmuré-je.

Il hoche la tête, peu enthousiaste. Je lui passe devant et sors de la chambre.

— Nine ! m'interpelle-t-il.

Je me tourne vers lui, surpris. Il me tend mon oreiller et je crois que je suis déçu. Je ne sais pas ce que j'aurais voulu. Qu'il insiste, peut-être. Qu'il m'embrasse à nouveau, sûrement. Mais en tout cas, pas à ça. Je l'attrape mais il ne le lâche pas. Il tire dessus et je suis projeté contre lui. De son bras libre, il m'enlace. Il me souffle :

— Tu ne vas pas m'éviter maintenant ?

Je secoue la tête, souriant.

— Non... J'ai juste besoin de comprendre. Mais...

J'approche mon visage du sien et lui avoue :

— Je ne regrette pas.

Ses traits se détendent à mes mots.

— Tant mieux.

Il m'embrasse à nouveau. Un simple baiser chaste mais qui a le pouvoir de me transporter au Paradis en une seconde. Il nous lâche, mon oreiller et moi. Je traverse rapidement le couloir et alors que je referme la porte derrière moi, il me souhaite une bonne nuit. Je ricane et m'appuie contre le mur, la tête basculée en arrière et le coussin serré contre mon torse.

Vu ce qu'il vient de se passer, je ne suis pas sûr de pouvoir fermer l'œil et à présent, ça ne sera pas la faute de nos chauds lapins.

stay with me. - idy 5Où les histoires vivent. Découvrez maintenant