Prude

24

Lola

Le regard fixé sur mon lieu de travail, je souffle la fumé inspiré quelques secondes au paravant, la clope crépitant au bout de mes doigts. Je peux toujours faire demi tour, personne ne me le reprochera, à part ma boss, mais il faut bien que je me fasse du frique. Entre la bouffe et ma poubelle qui me sert de voiture, j'ai de la marge avant d'être riche.
J'écrase ma cigarette sur un poteau avant de la lancer en pichenette dans la poubelle. Je retrouve Marcus à l'intérieur et la terrible Fiona qui me jette un regard sanglant dû à mon retard.

- Tu sais le pire dans tout ça ? C'est que tu es en retard car tu le VEUX, je t'ai vu sortir ta clope alors que t'avais déjà 10 minutes de retard.

Je l'écoute en passant derrière le comptoir, et Marcus me lance le tablier.

- Qu'est ce que tu veux Fiona, j'ai une réputation à tenir.

- Une réputation qui va se transformer en sdf, et sbptg.

Je prend ma place devant la caisse et Marcus vient enfoncer la demi casquette à l'arrache sur ma tête.

- Sbptg ? Je demande en remettant droite la casquette.

- Sans boulot pour ta gueule ! Lance Marcus de la chambre froide.

Je lève les yeux aux ciel et lance un chewing-gum dans ma bouche. L'embêtant avec la clope, c'est que j'ai une haleine de vieux bouffeur de tabac âgé de 70 ballets.

Un jeune couple arrive devant moi et je prend leurs commandes. Je tapote sur l'écran pour sélectionner leurs menus en tentant de leurs sourire quand Fiona me lance un nouveau mauvais regard. J'ai bien tenté de lui dire que sourire c'était pas mon truc, mais si je veux garder mon job, j'ai intérêt à l'écouter.

Un coude sur le bar, je fais des cercles avec ma main créant un mini tourbillon dans mon verre. Marcus en face de moi explique pour la troisième fois à Manon comment il a fait pour s'échapper de son date tinder foireux.

- Tu comptes faire la gueule toute la soirée ? Me demande le barman, aka Jojo, en m'apportant une bière.

Il croise ses bras et les posent sur le comptoir, ce qui fait encore plus ressortir ses énormes bras de colosses. Ses cheveux plaqués en arrière en une mini queue de cheval, et sa barbe en bouque, me rappelle à quel point il n'y en a pas deux comme lui.

- Je fais pas la gueule, j'ai enchaîné deux gardes, je suis crevé, je dis en me redressant.

- À d'autres. Quand tu bossais ici, tu pouvais enchaîner quatre nuits sans trembler de la paupière, alors dit moi ce qu'il y a.

- Si tu veux mon avis, je manque de bière.

Il lève les yeux au ciel et retourne m'en chercher.

- Sérieux Lola, ça fait trois mois, t'as revu personne depuis ? Me demande Marcus et Manon.

Je sais de qui ils parlent. Mais je me laisserai pas embobiner, je veux parler de tout sauf d'elle. Depuis qu'elle m'a lâché ce soir là, je me suis laissé succomber et ça n'a pas été bénéfique pour moi. Je la laisserai pas m'atteindre de cette façon, d'aucune façon d'ailleurs.
Il y a trois mois, jour pour jour, Emma a passé les portes de son propre appartement et n'est plus revenu. J'ai attendu quelques jours, au cas où. Peut-être qu'elle finirait par revenir, je me disais. Je ne sais pas où elle est partie, et malgré mes nombreux appels, aucune nouvelle. Je pouvais pas rester là, dans son appart, c'est absurde. Quand Tom a appris la nouvelle, il est revenu. Je ne me rappelle pas vraiment de ce qu'il a dit, un truc du genre "je suis désolé". Je ne sais pas pourquoi il s'excusait, c'était pas lui qui avait fait de la merde. Je ne suis pas ce genre de personnes, surtout faire ça à mon frère, je me dégoutais moi même. Je viens chez lui, je pecho sa copine dans son dos, et elle se barre sans donner de nouvelles. Ce n'est pas dégueulasse de faire ça ? Je parle autant pour moi que pour elle.
J'ai finis par me ressaisir. Je suis retourné à Londres une semaine, j'y avais perdu mon boulot, ma salope d'amie m'avait piqué ma place. j'ai mis la clés sous la porte, littéralement, et je suis revenu ici. J'ai rencontré Fiona quand j'essayais de voler du pain au marché (je me suis prise pour Aladin), elle m'a prise sous son aile, et m'a présenté à Marcus, un vrai pote. Pour finir, Marcus m'a présenté Manon, un ange, et j'ai vite fait amie ami avec Jojo a force de traîner au bar. Tom m'a bien proposé de m'héberger, mais je n'ai pas voulu. Je vis dans un petit appart pourri en ville, mais avec une vue sympa, alors je ne me plains pas.

- Revoir qui ? Des meufs ? Bien sur que si.

- Ah oui, genre ?

Je détourne le regard en buvant une gorgée de ma bière.

- Genre... Tipphanie.

- Tu l'as vu une fois, et c'est moi qui t'ai forcé. T'as flippé quand vous êtes arrivés devant sa porte et tu t'es cassé en courant.

Je fais une grimace.

- C'est pas de ma faute si cette fille était super méga chiante.

- Sérieux Lola ! On dirait qu'elle t'as coupé la bite cette blonde, t'as pas tiré un coup depuis trois mois !

- Oh ferme la, j'ai juste pas la tête à ça.

- Franchement, je donnerai tout pour rencontrer la fille qui t'as retourné le cerveau comme ça, ajoute Manon.

- Elle ne m'a pas du tout retourné le cerveau, je vais bien. Et j'aurais jamais dû vous parler de ça.

- Bref, comment se passe l'organisation du mariage ? Ta mère veut toujours pas m'inviter, même a l'after ? Me demande plein d'espoir Marcus.

- Toujours pas mon petit Marcus. Déjà que moi je suis à peine invité...

Il a fallut que en à peine trois mois, j'apprenne que mes parents étaient en phase de divorce mais sans nous prévenir Tom et moi. Il paraît qu'il vivaient chacun de leurs côtés une histoire avec quelqu'un d'autre, et qu'ils avaient établi une sorte d'accord de paix, le temps du divorce. Bien sûr ma mère voyait un mec depuis un an au moins, et j'en était pas du tout, mais pas du tout, au courant. Elle qui voulait qu'on soit une famille soudée. Mais ce n'est pas tout, il fallait qu'elle nous annonce qu'elle se remariait, en même temps qu'elle nous annonçait qu'elle divorcait. Dès la procédure de divorce fini, elle a sauté sur l'occasion pour entamer un nouveau mariage. Et si nous avons un bon panel d'hypocrisie, c'est encore plus remarquable quand on sait que mes parents s'entendent bien, et que mon père et sa nouvelle copine sont invités au mariage, et compte bien venir. La famille de bras cassés.

- Je comprend pas pourquoi, je suis adorable pourtant.

- Adorable ne suffit pas, soit leur enfant, et peut-être, je dis bien peut-être, ils te tiendront au courant, je dis en souriant.