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Jamais je n'aurai pensé en arriver là. Et si, j'y avais déjà pensé, je ne savais pas que ce serait aussi douloureux. Le visage de Tom brisé, je l'ai brisé. Je n'avais jamais vu ce regard, et ce n'était même pas de la haine; il était triste. Je me souviens de la seule larme qui a coulé sur son visage. J'ai trahi mon meilleur ami, mon amour, ma famille. Il était une partie de moi, et je l'ai blessé. Je ne sais pas si il me pardonnera un jour.

Devant la porte de mon appart, je fixe l'œillet comme si quelque chose allait se passer. J'ai disparu deux jours, laissant Lola dans mon appartement, sans nouvelles. J'ai dormi chez Léa, à pleurer jusqu'à que je n'ai plus assez de liquide en moi pour former des larmes.

Je rentre la clef dans le verrou.
J'ai même hésité à toquer, oubliant presque que c'est chez moi.
Je fini par entrer en refermant derrière moi, soutenant mon regard vers le sol. Si il y a quelque chose que je n'ai pas envie de voir, ce sont les yeux de Lola.
Pourtant je l'entend descendre les escaliers en se depechant, tandis que je reste sur mes deux jambes dans le couloir.

- Emma !? Crie-t-elle en s'arrêtant à quelques mètres de moi.

Est-il vraiment nécessaire qu'elle vérifie que c'est moi ?
Elle me prend dans ses bras en me serrant assez fort, ce qui me permet de respirer à plein poumon son odeur, dont je rêve depuis un moment maintenant.
Je me libère de son étreinte et me dirige vers la cuisine et pose mes clés sur l'îlot central.

- Quoi, c'est tout ? Tu as disparu deux jours, je t'ai appelé des centaines de fois, et je n'avais aucune nouvelle de toi.

Elle vient se placer devant moi.

- Emma, j'étais inquiète tu peux pas imaginer, pourquoi tu-

- Je suis désolée, j'avais besoin d'un peu de temps pour réfléchir.

Elle se rapproche encore et pose sa main froide sur mon bras et enlace son autre main dans la mienne.

- Je comprend Emma ok ? Mais tu aurais pu me dire que tu allais bien.

Elle me caresse le bras mais je me détache de ses mains et recule de quelques centimètres. Son expression change, quoi que c'est toujours de l'inquiétude.

- Lola, j'ai besoin que tu m'écoute, je dis en plongeant enfin dans son regard.

Elle esquisse un mini rire nerveux, tentant de reprendre ma main, mais je l'esquive.

- Emma il s'est passé des choses éprouvantes pour toi, je le sais. Et je suis désolée, c'est de ma faute.

- Ce n'est pas ta faute. Tu ne m'a forcé à rien, je l'ai fait par ce que j'en avais envie.

Elle s'apprête à dire quelque chose, mais je la coupe.

- Lola, c'était bien. C'était génial, même. Tu m'as fait vivre des choses, et fait ressentir des choses que je ne pensai pas pouvoir ressentir.

Je sens que mes yeux sont rouges, bouffis d'avoir tant pleurer. Mes cernes entourent mes yeux, et sans maquillage, on dirait que je n'ai pas dormi depuis des lustres. La vision de ce matin dans le miroir n'était pas ravissante.

- Mais..? Me demande Lola.

- Mais on ne peut pas continuer.

- D'accord, je comprend, il te faut du temps. On a qu'à se calmer à la maison pendant un temps et-

- Non Lola, je veux dire qu'on ne doit plus se voir. On ne doit plus se voir, ni se parler.

Ses yeux sont maintenant brillants, en permanence à la recherche des miens.

- Quoi ? Murmure-t-elle si bas que je l'ai peut être rêvé.

Je deglutis, et je voudrai pleurer, mais je n'y arrive pas.

- Alors quoi, tu me jette dehors ? Elle demande, la voix cassée.

- Non, je ne te jetterai jamais dehors. En plus, c'est aussi l'appartement de Tom. C'est moi, qui vais partir.

- Qu'est ce que tu racontes ? Une larme coule sur sa joue.

Ses yeux sont rouges même si je sais qu'elle fait tout pour ne pas pleurer.
Je la contourne pour monter faire mes valises le plus rapidement possible, mais elle m'arrête devant les escalier, accrochant ses mains à mes bras.

- Emma ne fait pas ça, on trouvera une solution, on peut-

- Je ne cherche pas de solution.

J'essaie d'avancer mais elle m'en empêche.

- Ça va durer combien de temps ?

Je regarde le mur. Je dois paraître si dur, pas une larme, pas un tremblement. Mais je ne peux pas faire autrement.

- On ne se reverra pas. On ne se fréquentera pas, on ne se connaît plus Lola. Je m'en vais.

Une autre larme coule et son visage se brise. Je retrouve dans son expression la même que Tom. Tout ce que je fais, c'est du mal aux gens que j'aime. Je dois m'éloigner d'eux.

- Fait pas ça Emma. Je t'en supplie.

J'arrache ses mains de mes bras et la contourne.

- Je t'aime Emma, j'suis amoureuse de toi putain. Et je sais que tu l'es aussi.

Je me fige dans les escaliers. Ses mots électrisent mon corps, comme si un bâton s'était tendu dans ma colonne vertébrale. Lola, aimer ? Lola, m'aimer ?

- Je vais faire ma valise.

Je monte les marches et m'enferme dans ma chambre. Mes vêtements, mes affaires, quelques trucs, tous jetés dans ma valise. Je ne peux pas récupérer l'intégralité de ma chambre, je prend juste le maximum, et le plus important.
Je jette tout sans rien plier et fait tomber quelques trucs par terre.
En refermant la valise, je reste assise un petit moment. Je me rappelle des choses que j'ai vécu dans cette chambre, avec Tom, avec Lola. J'ai cassé les deux personnes que j'aime le plus au monde. Et j'ai sûrement perdu la femme de ma vie au passage.

Je finis par me lever, un sac et ma valise aux bras.
J'arrive en bas en voyant Lola assise par terre, contre le meuble de la cuisine, le visage noircis de mascara, et ses yeux d'une couleur éclatantes. Je me suis toujours demandé pourquoi fallait-il qu'on pleure pour ressortir le meilleur de nos yeux. Pourquoi ça doit être comme ça ?
J'ai des flash back de ses yeux dans différentes situations. Quand elle était contente, heureuse, triste, concentré, en colère, et enfin, quand elle me regardait.

Je passe devant elle sans lui parler, pour m'évader d'ici le plus vite possible. Je récupère mes clés et ouvre la porte. Je reste bloqué, je sais que son regard est posé sur moi. Je meure d'envie de la prendre dans mes bras, de sentir son odeur, sa peau, d'entendre sa voix. Je rêve de l'embrasser une dernière fois.
Je passe la porte, la laissant sur le carrelage, seule.

Je monte dans la voiture et met le contact, sans démarrer. Les deux mains sur le volant, la chaleur remplir ma gorge, et une boule se coince en plein milieu. Soudain, je pleure. Mon visage se brise en une grimace déjà trempé de larmes. Je pleure bruyamment, à ne plus pouvoir respirer. J'ai mal. Physiquement, je souffre. J'ai l'impression qu'on m'enfonce des couteaux dans le ventre, des milliers de couteaux qui me tranchent la peau. Je frappe le volant de toute mes forces, à m'en déchirer les mains, et je hurle. Je m'en fout si on m'entend, je hurlerai jusqu'à ce que cette douleur sorte de moi.

J'ai mal.












Que serait mes histoires sans moments dramatiques ? 😉

Bonne lecture.
L.

Prude Où les histoires vivent. Découvrez maintenant