Comme j'en avais le pressentiment, Haine était introuvable depuis plus de deux semaines. Et ce malgré les efforts de ses parents pour le retrouver. Je l'imaginais assis comme à son habitude sur le capot de sa voiture, à fixer chaque personne qui défilait devant lui. J'avais espoir de recroiser son regard si insistant, sa manière de me sourire sur le ton de l'insolence. Mais ce n'était qu'un mirage, une illusion. Au lycée, les élèves avaient adhéré au départ de Haine. Les professeures avaient décidé de rayer Haine du registre d'appel. Quant à moi, je repris la vie que j'avais avant son arrivée, ce qui était difficile. Son départ m'avait tant affectée.
L'année toucha bientôt à son terme. La période d'examen approchait à grand pas et toujours pas d'idée pour écrire cette lettre de motivation. Le parquet de ma chambre était inondé de boules de papier. J'étais en panne d'inspiration. En m'apercevant de l'heure, il fallait que je me prépare pour aller au lycée. En descendant les escaliers, j'aperçus mon père lire un journal sur le divan du salon. L'article en première page racontait l'arrestation d'une nouvelle personne changeant d'émotions. Durant ces deux dernières semaines, le taux de changement d'émotions avait augmenté tout comme le taux d'agents de police dans la ville. En passant devant mon père, ce dernier s'exclama en continuant de lire son journal :
— Anxieuse, tu as vu l'heure ? Il faudrait penser à aller en cours, tu ne penses pas ?
— Oui, je passe prendre un fruit et je m'en vais.
— Très bien. Bonne journée à toi.
Mon père avait obtenu la promotion qu'il attendait après l'incendie au lycée. Quant à Furieux, il a été rétrogradé. Les rôles étaient inversés. Mon père récupéra son grand bureau spacieux. Avec cette promotion, il avait davantage de temps libre.
Une fois au lycée, une dizaine d'agents de police étaient postés devant l'entrée à suspecter le moindre possible changement dans l'établissement. Je passai devant eux en baissant la tête par peur. En slalomant dans le couloir parmi les élèves, j'aperçus Brave près de mon casier. Brave avait appris ma querelle avec Gaffe. Il avait compris mon attirance pour Haine. En m'apercevant, il me fit un signe de la main puis s'exclama :
— Bonjour Anxieuse, comment tu vas aujourd'hui ?
— Pas au meilleur de ma forme. Depuis son départ, c'est vraiment dur.
— Je comprends. Tu étais attachée à lui malgré le fait qu'il était force de chaos. On ne contrôle pas son attirance. J'espère qu'avec le temps, tu arriveras à te détacher de lui maintenant qu'il est plus dans les parages.
— Je n'en sais rien. C'est comme si on te sépare de Blessée. Comment tu réagirais ?
— Je ne pense pas que ce soit similaire avec Blessée. Tout le monde sait qu'on est ensemble. Me séparer d'elle est difficile à imaginer. Alors qu'avec lui, personne s'en est douté. Malgré les tonnes de fois où il t'a sauvée ou défendue, ce n'était qu'une façon d'alimenter son égo.
— Je ne sais plus Brave. La sonnerie va bientôt sonner. Il faut qu'on aille en cours, murmurai-je en fermant mon casier.
En nous dirigeant vers le premier cours de la matinée, j'aperçus Joviale en pleine discussion avec une élève de la classe. La bonne humeur de Joviale était si contagieuse. En l'observant de loin, un sourire se dessina légèrement dans le creux de mes lèvres. Elle détourna aussitôt le regard vers ma direction. Elle fit un geste de la main en guise de bonjour :
— Vous êtes enfin là ! La sortie pour le centre, c'est demain. J'ai hâte de m'y rendre !
— Tu es joyeuse à l'idée de rentrer voir comment sont gérés les changements d'émotions ? Es-tu sérieuse, Joviale ?
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Feelings
Novela JuvenilPlongez dans l'univers extraordinaire de Feelings, une ville où chaque habitant porte le prénom d'une émotion. Je suis Anxieuse, une adolescente de 18 ans. Dans cette société dirigée par les grandes familles de la joie, de la colère, de la tristesse...