Chapitre 𝟱𝟳 - L'ultime promesse

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La nouvelle lune était passée, et Hotepaton n'était pas revenu auprès d'Aapep.

Ce dernier se languissait de revoir son ami, et il lisait sans cesse la lettre qu'il lui avait fait parvenir deux décades plus tôt par un messager, et dans laquelle il s'excusait de ne pas pouvoir le rejoindre comme prévu parce que Pharaon avait décidé d'accélérer les choses. Aapep entendait encore le peuple au loin hurler sa joie et fêter les fiançailles, puis le mariage du premier fils de Pharaon.

Depuis son temple, il écoutait la foule acclamant la famille royale avec un sourire aux lèvres. Lui seul savait ce que cachait en réalité ce mariage précipité. Pourquoi est-ce que personne ne semblait s'étonner du fait que le prince épouse sa sœur maintenant, alors qu'Akhenaton n'était pas décédé ? « Pauvres âmes », pensait-il.

Terminant son service du soir, Aapep déshabilla la statue du dieu et ferma la porte du naos avant de quitter le sanctuaire. Il posa le plateau avec le reste des offrandes faites à Amon et commença à manger ce qu'il avait laissé. Puis, il délaissa sa petite maison et s'assit à l'extérieur, contre le mur de pierre et regarda le ciel. Le premier quartier de lune avait fait son apparition la veille. Combien de temps devrait-il encore attendre ?

Il ferma les paupières et expira. Il voulait relire cette lettre, même s'il la connaissait par cœur ; il voulait essayer de mémoriser les symboles qu'avait inventés Hotepaton et qu'il retenait bien mieux que les différentes écritures officielles. Son ami était un mystère à lui tout seul. Mais... devait-il encore le considérer comme un ami ? Après son aveu soufflé et sa réponse muette lorsqu'il l'avait embrassé... Devait-il utiliser un autre qualificatif désormais, ou est-ce que ce n'était pas nécessaire ?

Aapep laissa son crâne reposer contre la pierre et expira de nouveau, les paupières closes. Il était toujours confus sur ce qu'il ressentait, c'était nouveau pour lui, mais il avait envie de le revoir. Il voulait l'embrasser de nouveau. Il voulait qu'il le prenne dans ses bras où il désirerait rester pour l'éternité. Hotepaton lui manquait. Il lui manquait bien trop, bien plus qu'avant, et même s'il avait constamment peur de l'avenir car il y avait toujours une ombre qui planait au-dessus de celui d'Hotepaton, et qu'il était convaincu que c'était à cause de lui, il ne pouvait plus demeurer loin de lui ; il n'y arrivait plus, et il ne le souhaitait plus. Peut-être aurait-il dû accepter de le suivre la dernière fois. Tout envoyer balader et disparaître. À ses côtés, il aurait été intouchable en dehors de Pharaon et des gens à son service. Il aurait certes dû rester sur ses gardes, mais personne d'autre n'aurait pu l'atteindre. Peut-être même que ce mariage n'aurait pas eu lieu s'il était parti avec lui.

Il soupira une fois de plus et les mots tracés par Hotepaton sur le petit morceau de papyrus se dessinèrent sous ses paupières.


« Aapep, mon ami.

J'espère que tout va bien pour toi. Comme tu le sais peut-être, les jours prochains vont être assez mouvementés dans le pays... Ce ne sont malheureusement pas des rumeurs : je vais devoir me marier bien plus tôt que prévu, et... et avec quelqu'un d'autre que toi. Je ne pensais pas que je serais obligé de le faire, pour être honnête, je me disais qu'il suffisait d'attendre que mon père rejoigne Osiris pour que je sois libre de faire ce que je souhaitais... Mais il en a décidé autrement.

Il se sent fatigué dernièrement, et il a peur que quelqu'un envisage d'attenter à sa vie. Le Grand général lui met la pression sur diverses affaires, les prêtres aussi... Peut-être qu'en réalité, tu avais raison lorsque tu affirmais que je vivais dans l'illusion que le monde était en paix.

Quoi qu'il en soit, il est de plus en plus sur ses gardes et veut accélérer les choses. Dans quelques jours, je devrai donc épouser ma sœur, bien que je n'en aie pas la moindre envie. Néfernéferouaton Tasherit en est heureuse, elle, au contraire. Elle se voit déjà reine du pays, mais même si elle en aura un jour le titre, elle n'aura que ça. Elle ne me donnera jamais de fils et ce, peu importe le nombre de fois qu'elle tentera de me faire céder. Mon cœur ne battra à jamais que pour toi, Aapep. Si quelqu'un doit me donner un fils, alors ça sera toi, et nul autre. Je n'ai que faire de cette place, de ce rôle. Je les offrirai volontiers à ma sœur, à mon petit frère, à Mérytaton, à quiconque convoite le trône. Mais s'ils me permettent de t'avoir à mes côtés pour toujours, alors je m'en emparerai quoi qu'il m'en coûte.

ʟ'ᴀᴜʀᴏʀᴇ ᴅ'ᴀᴘᴏᴘʜɪꜱOù les histoires vivent. Découvrez maintenant