Chapitre 𝟯𝟲 - Les deux rivaux

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Plusieurs décades s'écoulèrent avant que les sandales d'Hotepaton ne passent de nouveau l'entrée du temple d'Amon.

À la suite de sa fuite après qu'Aapep l'eut taquiné un peu trop, il était rentré au palais d'Akhetaton en pleine nuit et n'avait pas été le plus discret qu'il soit. Il s'était fait attraper par la garde alors qu'il pénétrait dans la demeure par les jardins, et il avait dû faire face à son père dès le lendemain matin. Il avait bien entendu été mis au courant de sa sortie nocturne, bien que cela fut plus une entrée, si l'on souhaitait jouer sur les mots.

Il avait en quelque sorte été consigné, et bien qu'en temps normal il ne se gênait pas pour enfreindre les règles, cette fois, il s'était tenu à carreau. Pourquoi ? Parce que contrairement aux fois précédentes où il s'était fait remonter les bretelles, ce jour-là, son père avait évoqué le temple d'Amon et son occupant. C'était peut-être juste un test, il n'en savait rien, mais il avait eu peur.

Mais après plusieurs décades de quarantaine à devoir étudier sans aucun plaisir, enfermé dans le palais à fixer inlassablement le ciel de jour comme de nuit, Hotepaton avait craqué et s'était enfui de cette prison dès qu'il avait de nouveau eu l'autorisation de la quitter. Et marchant à grandes enjambées, il n'avait qu'une envie : retrouver celui qu'il considérait comme son meilleur ami. Pouvait-il le comparer à qui que ce soit de toute façon ? Il était sans aucun doute le seul, désormais. Le seul avec qui il partageait tant de choses, le seul qui se comportait naturellement avec lui, et qui ne se gênait pas pour lui parler avec franchise.

Il se dirigea vers le sanctuaire et épia entre les portes restées entrouvertes. Aapep était là, en train de prier, comme bien souvent. Comme trop souvent. Pourquoi prenait-il cette fonction autant au sérieux s'il ne croyait même pas en son dieu ? Cela lui échappait totalement.

Hotepaton continua de l'observer pendant de longues minutes avant de rebrousser chemin. Il remonta jusqu'à la salle hypostyle et s'assit contre l'une des nombreuses colonnes. Il ne voulait pas le déranger.

Il attendit, quand enfin les portes de la salle sacrée se refermèrent. Il releva la tête et écouta les pas d'Aapep venir vers lui. Ce dernier s'arrêta cependant avant d'atteindre la salle aux colonnades. Devait-il le rejoindre maintenant ?

En entendant son ami s'affairer, il patienta un peu, puis il perçut de nouveau ses pas fouler les dalles beiges. Il le vit entrer dans la salle et commencer à la traverser, alors il voulut se redresser, mais à peine eut-il le temps d'esquisser un mouvement qu'Aapep se figea brusquement et sonda les alentours, sur le qui-vive.

— Qui est là ?

Un sourire éclaira aussitôt le visage d'Hotepaton qui se releva et s'élança dans sa direction. Cependant, Aapep sortit sa lame d'un geste souple et fit volte-face, l'arme pointée sur lui.

— Fils d'Aton..., murmura-t-il, incrédule.

— Je suis revenu, mon ami ! Lâche donc ça, tu vas finir par me transpercer un jour !

Il ne bougea pas, alors Hotepaton repoussa son poignet pour l'enfermer dans une étreinte.

— Aaaaaaaaaaaaaah, c'était si long sans toi ! Tu m'as manqué ! Les leçons du précepteur étaient si inintéressantes ! C'est tellement mieux quand c'est toi qui me racontes tout ça !

Aapep resta figé, le regard perdu sur les fresques en face de lui, avant que ses yeux ne descendent sur l'épaule et le bras orné d'or qui passaient près de son visage.

— Tu...

— Oui ?

Hotepaton recula d'un pas.

— Qu'y-a-t-il ?

ʟ'ᴀᴜʀᴏʀᴇ ᴅ'ᴀᴘᴏᴘʜɪꜱOù les histoires vivent. Découvrez maintenant