Paradis de Mensonges

Chapitre 10

Chapitre 10

Présent

16 juillet 2019
Birmingham, Royaume-Uni

Il faisait froid, j'avais froid. Mes vêtements et mes cheveux courts me collaient à la peau. L'orage se déchaînait et les éclairs zébraient le ciel d'un noir abyssal. Mes poumons ne parvenaient pas à récupérer assez d'air. Le bruit irrégulier de mes pas sur le béton trempé était le seul son qu'on entendait dans le quartier. Je ne savais plus combien de temps j'avais couru, mais les voitures devenaient rares. Mon ventre me faisait souffrir, ma joue aussi. Un sanglot franchit mes lèvres lorsque je vis enfin la porte. Mes larmes, cachées par l'eau ruisselante, redoublèrent. Le peu d'air qui entrait dans mes poumons me brûlait.

Aller, encore un peu !

Quand j'arrivais en face de la porte en bois, je tambourinais à m'en casser la main. Mes membres tremblaient, de froid, mais aussi de peur. J'étais terrifiée et complètement perdue. Je criais son nom, mes cordes vocales se déchiraient. Je lui hurlais d'ouvrir. Je pleurais sans m'arrêter, mon corps ne pouvait s'arrêter. Alors que mes jambes allaient bientôt lâcher, la porte s'ouvrit en grand.

Jasper se tenait face à moi en caleçon, seul un tee-shirt l'habillait. Je ne le voyais pas nettement, mes larmes brouillaient ma vue. Il me regarda quelques secondes sous le choc, puis me rattrapa et me ramena contre son torse chaud, lorsque tous mes muscles m'abandonnèrent. Sa main derrière mon crâne m'appuyait contre lui, il recula de quelques pas et m'obligea à le suivre sur le parquet. Nous nous retrouvâmes au sol, au beau milieu du salon. Mes pleurs et ma morve mouillaient son haut, mais il s'en foutait. Tout en me murmurant des mots doux, Jasper me caressait les cheveux. Il me soutenait, me protégeait contre ce monde dans lequel j'étais restée prisonnière bien trop jeûne.

Au bout de longues minutes - une bonne demi-heure ou plus, je ne savais pas - il brisa le silence.

— Dis-moi tout, murmura-t-il.

Un hoquet traversa ma gorge. Je ne voulais plus y penser. Plus me rappeler de cette horrible soirée. De ce qu'il s'était passé. De ce que j'avais fait... Mes joues étaient de nouveau inondées.

— Il... il est mort... Casey est mort.

Jasper ne réagit pas immédiatement, puis il m'écarta lentement de son torse afin de me regarder dans les yeux. Il cherchait quelque chose. Mes larmes redoublèrent, c'est alors qu'il vit sa réponse. Il avait compris. À son tour, ses yeux s'humidifièrent. Il m'attrapa et me serra contre lui.

— Je te préviens ma belle, ce n'est en aucun cas de ta faute !

— Je l'ai tué, Jasper ! Je-... C'est de ma faute s'il... s'il est mort... Je l'ai tué... Je suis un monstre !

— Heaven, jamais au grand jamais, je veux t'entendre dire que tu es un monstre ! C'est compris ? Regarde-moi. Tu vas partir, je vais t'aider. Mais il faut absolument que tu changes de pays. Demain, tu t'en vas. Je m'occupe du reste. Je t'aime, ne l'oublie jamais.

Assise contre la tête de lit, je ne parvenais pas à me rendormir après avoir fait ce cauchemar. Tout mon corps était recouvert de sueur.

Je repensais à cette fameuse soirée. J'étais dévastée.

Le lendemain fut la dernière fois que je vis mon meilleur ami.

Tout en soupirant, je me levai vers la salle de bain. Il fallait que je pense à autre chose. Je me débarrassais de mon tee-shirt puis de ma culotte et regardais mon reflet quelques secondes.