Chapitre 13

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Chapitre 13

Il y a 11 ans.

9 Novembre 2008
Quartier de Brixton, Londres.

Assise autour de la table en plastique dans l'arrière-boutique de la supérette, je croquais dans ma pomme. Une pomme verte. Très bonne. Alors que je sentis le jus acidulé couler le long de mon menton, mon regard dévia sur Alex un mec travaillant lui aussi pour Casey. Cependant, lui, ça faisait déjà pas mal de temps qu'il était dans ce milieu. Lorsque ses yeux noisette se posèrent dans les miens, il décocha un sourire se voulant rassurant. Je m’essuyai le menton avec la manche de mon pull, puis soupirais de bonheur. Enfin quelqu'un qui ne m'ignorait pas.

Depuis ce matin, je me prenais seulement des vents ou bien des regards haineux. Je lui rendis son geste discrètement. Je sursautais lorsqu'une main se posa sur mon épaule.

— Dégage. T'es à ma place.

Son ton sec et froid me fit écarquiller les yeux. Je crois qu'ils ne sont vraiment pas très contents. Je ne rechignais pas et me levais dans un soupir. En traversant la pièce, je me sentis de trop. C'était l'effet voulu en réalité. Ma déglutition fut difficile. Mes pas me menèrent jusqu'à la petite cafetière. Je ne me gênais pas pour me servir du café, déjà prêt. Ma tasse à la main, je m'assis sur le lit.

Toutefois, même pas quelques minutes plus tard, une nouvelle personne me dégagea. Cette fois-ci, fut de trop.

— Il y a des chaises libres là-bas, merde ne me fait pas chier !

La dizaine de personnes présentes dans le garage freinèrent leurs activités afin d'assister à la discussion. Le chieur face à moi se mit à rigoler nerveusement. Ses cheveux blonds lui recouvraient le front et partiellement ses yeux. Il devait avoir la trentaine.

— Putain, mais t'es qui, toi déjà ?! Une gonzesse qui se croit supérieure aux autres simplement parce qu'elle bosse dans l'illégalité, se moqua-t-il. Mais ma belle, tu crois sérieusement que tu feras le poids sur le terrain ? Merde j'aurais tous vu ! T'es bonne et c'est tout ce qu'ils verront, une fois dehors. Alors si tu veux sauver ton petit cul, tu as intérêt à te casser rapidement.

Je lui lançais un regard meurtrier. Il venait tout simplement d'attirer davantage l'attention sur ma personne. Je me levais et fis la dernière chose à faire dans cette pièce. Ma main droite se balança contre sa joue. Heureusement, il l'arrêta juste à temps. Ses yeux me tuèrent sur place. Avec la même main, il attrapa la seconde laissant la tasse se briser et répandre le liquide noir sur le sol. Je n'avais même pas pu le goûter. Trop sous le choc de mon geste, je ne réagissais pas.

Il me poussa jusqu'au centre de la salle. Je manquais de trébucher de nombreuses fois. Je ne compris pas immédiatement son geste. Ce fut seulement lorsque je vis tout le monde me fixer que je su. Angle parfait pour qu'aucun ne manque la scène. Plus les secondes passaient, moins je faisais la fière. Je commençais même à paniquer.

Soudain, sa main partis si vite que je ne la vis pas arriver. La tête sur le côté. Seule une intense brûlure me fit fermer les yeux de douleur. Je ne pouvais pas me masser la joue, il me tenait fermement. Je me mordais à sang la lèvre inférieure afin de contenir mes larmes. Brusquement, ses doigts rugueux m'encadrèrent le menton, me faisant pivoter la tête.

— Ouvre les yeux, m'ordonna-t-il.

Je grimaçais face à cette idée. Ouais, j'avais honte. Honte de mon comportement d'hier et d'aujourd'hui. Honte de ce que j'avais failli faire. Honte de m'être pris la plus grosse claque de ma vie, au milieu de la pièce, par un homme deux fois plus âgé que moi. Il pourrait être mon père.

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