C H A P I T R E . 3

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Point de vue de Gabriel

Après que la fille soit partie d'un coup, je suis resté figé sur place quelques minutes. Je ne savais pas ce que j'avais pu dire de mal. Sibyle est sortie fumer et je suis retourné avec Yann et Aliona, totalement silencieux. Ils l'ont vue s'en aller avec un air plutôt énervé, alors ils ont évité le sujet.

Je voulais simplement tenter de lui redonner le sourire. Mais j'imagine que ce n'était pas son jour, à moins qu'elle soit vraiment comme ça tout le temps. Dans tous les cas, je ne peux pas nier que c'est blessant de se faire rembarrer de cette manière. Ça ne m'était jamais arrivé.

Il est tard et nous décidons de rentrer. Aliona n'a bu qu'une bière et c'était il y a des heures, alors elle peut conduire. Je m'assois à ses côtés alors que Yann et Sibyle sont derrière. Ils parlent, mais je ne prononce pas un mot. Je fixe simplement le paysage nocturne qui défile devant moi.

Une fois en ville, Aliona dépose Yann avant de rouler en direction de mon appartement.

— T'es sûr que ça va Gab ? s'inquiète-t-elle.

— Mais oui Bouclette, l'alcool ne me tuera pas.

— C'est pas l'alcool, c'est que tu parles pas.

— Je suis vraiment fatigué.

Je suis incapable d'expliquer pourquoi je me sens si étrange. Pendant quelques jours, j'ai tenté d'imaginer qui était cette fille et d'envisager une première rencontre. Et d'un coup, la désillusion a été violente. Elle ne ressemblait en rien à ce que j'avais imaginé. Sa façon de me regarder a été si hautaine que je n'arrive pas à l'oublier.

À cet instant, je me demande simplement pourquoi elle a autant retenu mon attention si c'était pour un résultat pareil. Des inconnues, j'en ai croisé des milliers sans jamais m'en souvenir. Elle, j'y ai pensé pendant des jours à tel point que je pensais que ça aurait de l'importance. Le destin aime peut-être nous jouer des tours, mais là il y est allé un peu fort.

***

Je pose une tasse dans la machine à café et fixe le vide pendant qu'il coule. Deux jours sont passés depuis notre sortie au bar, pourtant d'un coup cette fille me revient à l'esprit. Je suis seul et je n'ai rien d'autre à penser. Quand je retournerais en cours tout à l'heure, que le monde recommencera à vivre autour de moi, j'oublierais probablement tout ça. Seulement ce week-end j'étais seul et rien d'autre ne pouvait m'occuper. J'en suis arrivé à me dire que je pourrais aller à la bibliothèque plus souvent dans l'espoir de la recroiser, peut-être de meilleure humeur.

Pourquoi faire ?

J'essaie de mettre un prénom sur ce visage, une histoire aussi. Quelque chose qui expliquerait sa réaction. Et en même temps je ne veux pas y penser sans arrêt sans même la connaître, alors je tourne mon esprit vers quelque chose d'autre et sors mon téléphone.

Je reçois un message d'Aliona qui me propose de venir jouer un peu de guitare chez elle ce soir. Seulement j'ai envie de ne rien faire, alors je décline l'invitation avant de récupérer mon café.

Je le bois tout en traînant sur les réseaux, observant la vie de tout le monde. Beaucoup de mes amis étudient à Paris, je ne sais pas pourquoi tout le monde est parti loin d'ici. J'ai choisi la ville étudiante la plus proche de chez moi, je ne voulais pas quitter ma région.

J'aimerais prévoir quelque chose à faire après les cours, mais rien ne me donne envie aujourd'hui. Alors j'en veux à cette fille. Dès que je l'ai vue la première fois, elle m'a transmis sa déprime en me faisant culpabiliser. Ensuite au bar, elle m'a fait le même effet que si j'étais rentré droit dans un mur.

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