Enchanted

C H A P I T R E . 31

Point de vue d'Oxana

Je suis peu sortie ces dernières semaines. Je n'avais pas envie de m'amuser, encore moins pour voir Gabriel et penser à Sarah. Celle qui le colle sur toutes les photos, qui a un corps né pour être toujours en maillot de bain, qui partage les mêmes centres d'intérêt, la même gentillesse et qui est tout mon contraire.

Pourquoi est-ce que je pense comme ça ?

Je déteste être jalouse, mais c'est probablement la chose que je fais le mieux au monde. Je passe mon temps à envier les qualités des autres, et les siennes m'ont été narrées par Gabriel d'une façon dont personne ne parlerait de moi. Il la connaît par cœur, et il semble presque l'admirer.

Je ne veux pas juger quoi que ce soit sans la connaître, mais une partie de moi veut la détester. Je sais ce que je vais ressentir en la voyant : j'aurais l'impression de ne pas lui arriver à la cheville. Je serais mal à l'aise au moindre faux pas, j'aurais peur d'être de trop et je rêverais d'être elle. 

Vraiment pas girl power comme réaction.

Un long soupir m'échappe et je me lève pour quitter ma chambre. Je suis arrivée chez mes parents il y a quelques heures. J'ai deux semaines de vacances, ce qui est plutôt exceptionnel, alors je compte en profiter. Ça ne sert à rien de répéter en boucle les mêmes pensées.

Quand j'arrive dans la cuisine où mes parents préparent le dîner, je souris en sentant l'odeur du repas. Je commence à mettre la table et nous discutons de tout et de rien.

— Avec ta mère nous avons eu une idée, lance soudainement mon père.

Je fronce les sourcils en redoublant mon attention.

— Et si tu faisais le Nouvel An ici, avec tous tes amis du lycée ?

Ma respiration se coupe en imaginant ce cauchemar. Quand je pense à tout ce qu'ils ne savent pas, je culpabilise affreusement au point de vouloir en vomir.

— C'est dommage que vous ayez perdu contact après toutes ces années ensemble. Maintenant que tu as l'air d'aller mieux, peut-être que ça te ferait plaisir de les revoir ?

Ils sont heureux de savoir que je vais bien, ils pensent connaître leur fille à qui ils ont tout offert. Ils donneraient leur vie pour moi, ce sont les seuls en qui je pourrais éternellement avoir confiance, et je leur mens depuis des mois.

— Non.

Même s'ils me laissaient complètement le choix, ma réaction semble les surprendre.

— Il faut que je vous parle de beaucoup de choses, ose-je enfin annoncer.

Je prends une grande inspiration, prête à débiter mon histoire sans trop de détails. J'ai besoin de tenir jusqu'à la fin, je tente de me convaincre que je vais y arriver et que mon courage ne va pas s'en aller d'un coup.

— Ils m'ont tous laissée tomber quand j'ai commencé à aller mal. Ce n'était pas des amis et je ne veux jamais les revoir. Quant à Jules, c'est probablement le pire. On sortait ensemble, et il me demandait de ne pas vous en parler pour que ce soit "plus drôle". Et moi j'étais tellement amoureuse que je l'ai fait, et même après notre rupture je ne pouvais toujours pas vous l'avouer. Même quand il m'a trompée j'étais incapable de vous dire du mal de lui, parce que je ne voulais pas que vous le détestiez.

Voir l'air qu'ils affichent à cet instant me donne envie d'exploser en sanglots.

— Ce n'est pas tout, reprend-je en sentant ma voix se briser, ma liste de mensonges ne s'arrête pas là. Les choses ne se sont pas améliorées en septembre, j'ai d'ailleurs passé le pire mois de ma vie. Je n'ai parlé à personne, je pleurais tous les soirs, j'enchaînais les crises d'asthmes la nuit, j'angoissais pour tout... J'avais peur que tout le monde me déteste, alors j'ai préféré ne pas les laisser apprendre à me connaître comme ça j'étais certaine qu'ils n'avaient pas le droit de me juger.