Enchanted

C H A P I T R E . 11

Point de vue de Gabriel

De toutes les choses au monde, déjeuner avec Oxana aujourd'hui était loin d'être mon programme. Et pourtant, nous y voilà. Elle parle peu, répond vaguement aux questions et n'en pose aucune. Je ne suis pas quelqu'un de mauvais, je ne veux pas la chercher, mais en même temps elle ne m'aide pas à rester neutre.

Je parle rapidement de ma grande sœur et d'à quel point j'ai hâte de la revoir. Aliona n'ira pas chez ses parents pendant ces vacances, ils sont en froid depuis quelque temps. Elle attend Noël et la présence de Clément pour y retourner, il veut tenter d'apaiser les choses entre eux. Il est plutôt doué en ce qui concerne les problèmes familiaux. Quant à Sibyle, elle est tout aussi pressée que moi. Elle va d'abord aller quelques jours chez sa mère, puis terminera les vacances chez son père. Ses sœurs feront de même.

— Et toi Ox, reprend Sibyle, tu as des frères et sœurs ?

— Aucun. Mais j'ai hâte de rentrer chez moi aussi, mes parents me manquent.

— Qu'est-ce qu'ils font dans la vie ? demande Aliona.

Elle se contente de poser des questions plutôt basiques. Elle ne veut pas la mettre mal à l'aise, elle sait ce que c'est de se sentir gênée. De mon côté j'évite d'intervenir - et surtout de faire des blagues - quand c'est elle qui prend la parole. De toutes façons, je suis persuadé que cette fille ne sait pas rire. J'ai essayé pourtant, mais elle n'a aucune intention de se laisser aller.

— Mon père était médecin militaire, mais maintenant il travaille dans le civil. Et ma mère est ingénieure en mécanique.

— Ils ont l'air plutôt scientifiques, reprend Sibyle, ils ne se demandent pas ce que leur fille fait en fac d'histoire ?

— Non, tant que ça me plaît ils sont heureux.

J'aimerais ne pas l'envier, mais elle ne réalise probablement pas la chance qu'elle a. Enfin, ça ne devrait pas être une chance mais quelque chose de normal.

— Sibyle, interviens-je, des nouvelles de Maxime ?

J'essaie de suivre de près cette histoire. Je croise le regard d'Oxana pour la première fois du repas, elle fronce les sourcils.

— Le Maxime du bureau des étudiants ?

Je hoche la tête, surpris qu'elle continue de regarder dans ma direction. Elle n'a pas soutenu mon regard une seule fois depuis le début du déjeuner.

— Il...

J'attends qu'elle termine, mais elle s'arrête subitement. Je lis presque une pointe d'inquiétude dans ses yeux, mais elle se tourne vers Sibyle pour entendre sa réponse.

— J'attends Halloween pour passer à l'action, plus que quelques jours.

— Je ne savais pas qu'il te plaisait, reprend Oxana.

Elle semble enfin s'intéresser à quelque chose, et je me demande pourquoi. Est-ce qu'elle le connaît particulièrement ? Ça me parait impossible.

— Je ne t'ai pas encore raconté toute ma vie, rit Sibyle. Pourquoi ? Toi aussi ?

Captivé par sa réponse, je fixe Oxana. J'ai du mal à l'imaginer s'intéresser à qui que ce soit. C'est déjà assez incroyable qu'elle cherche à s'entendre avec Sibyle.

— Non, tout sauf lui s'il-te-plaît.

— Vraiment tout ? demande-je mesquin.

Et voilà, je n'ai pas pu m'empêcher de sortir une blague. Me retenir tout le déjeuner était trop me demander. Sibyle rit légèrement alors qu'Oxana me fusille du regard. Des milliers de réponses cinglantes semblent lui venir à l'esprit, pourtant elle ne dit rien et termine son assiette. Devant les filles, elle n'a pas été désagréable une seule fois. Un peu effacée certes, mais toujours polie.