Enchanted

C H A P I T R E . 37

Point de vue de Gabriel

Notre concert va commencer dans quelques minutes. Nous jouons que trois morceaux ce soir, du jazz, nous sommes ici uniquement par nostalgie. C'est étrange de rejouer avec Clément plutôt qu'avec Jeremy, et c'est encore plus bizarre d'être au Warm. Alors que je suis avec Aliona, j'aperçois Sarah approcher, encore au téléphone. 

— Tu veux leur souhaiter bon courage ? déclare-t-elle. 

Sans attendre, elle met le haut-parleur. C'est la voix de Jadde, la coloc de Sarah, qui résonne au bout du fil.

— Vous allez gérer de toutes façons, plus besoin d'encouragement. 

Nous rions légèrement avant de la remercier. Nous prenons quelques nouvelles et Sarah finit par raccrocher. Je regarde l'heure, il nous reste un peu de temps alors j'hésite à rejoindre Clem dehors pour fumer. Mais en même temps je n'en ai pas spécialement besoin, je serais bientôt sur scène et rien ne me détend plus que jouer. 

À la place, je me pose près du comptoir et observe le monde dans la salle. Pas le moindre signe d'Oxana. Elle ne m'a pas donné de nouvelle de la journée, seul Clément m'en a parlé. Apparemment il lui a dit que si elle voulait discuter, elle devrait venir ce soir. La porte s'ouvre justement sur ce dernier. Quand il me remarque il me rejoint directement, affichant une moue déçue. 

— Elle n'est pas dans le coin, déclare-t-il.

— Elle a dû rentrer chez elle. 

Je le dis mais au fond de moi, j'espère qu'elle sera simplement en retard. Je perds espoir en réalisant que Sarah, Yann et Sibyle sont là. Elle serait venue avec eux si elle voulait être présente. 

— Ecoute, reprend Clément, ce n'est pas parce qu'elle n'est pas là ce soir que tout est terminé. Vous vous reverrez à la rentrée. Peut-être qu'elle préférait simplement prendre du recul sur la situation, tout est arrivé si vite. 

— J'aimerais te croire.

— Si j'avais perdu espoir à chaque fois qu'on m'a planté, je serais célibataire aujourd'hui. Il faut pas lâcher, c'est tout. 

Je soupire en espérant qu'il a raison, que ça ne signifie rien et qu'il me suffit d'attendre la rentrée. 

— Et même si ça ne marche pas, continue-t-il, on ne tombe pas amoureux qu'une seule fois dans sa vie. C'est elle qui aura tout perdu. Et ne va pas croire que je dis toutes ces phrases clichés sans les penser. 

Un sourire m'échappe, au moins il aura essayé de me remonter le moral. 

— C'est l'heure Gab. 

Je laisse tomber la foule et me dirige vers la scène. Nous nous installons et rapidement, la musique envahit la pièce. J'essaie de me concentrer uniquement sur ma guitare et ma voix, mais régulièrement mon regard se perd dans la foule dans l'espoir de croiser celui d'Oxana. 

Une fois. 

Deux fois. 

Cinq fois.

Je perds rapidement le compte. 

Entre chaque morceau j'observe plus en détail, convaincu que je ne suis pas assez attentif, mais à chaque fois elle n'est pas là. Peut-être que j'ai eu tort de ne pas laisser de mot ce matin. Et si elle attendait que je l'appelle ? 

Quand je gratte mes cordes pour la dernière fois, que le son s'arrête et que les clients applaudissent, mon cœur se serre étrangement. Je regarde la bague à mon doigt, celle qu'elle m'a laissé, et j'ai soudainement envie de l'enlever.