La chasse au trésor

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Plus que le simple plaisir d'explorer de vieux bâtiments effondrés, le couple recherchait un artefact en particulier. Un talisman égyptien en lapis-lazuli, pillé lors des campagnes napoléoniennes, acheté par de riches amateurs, siècle après siècle. L'objet était passé de mains en mains jusqu'à ressortir dans le catalogue d'exposition du musée archéologique de Cracovie, en 2062, années humaines. Naola avait ainsi pu identifier sa dernière apparition, prêtée, à l'époque, par un généreux collectionneur privé pour une rétrospective. Ils avaient localisé l'emplacement probable de sa résidence, à l'est de ce qui était autrefois la Pologne, à quelques centaines de kilomètres de l'actuelle Niemen.

Plusieurs siècles les séparaient des ultimes traces écrites prouvant la présence de l'artefact dans la région, mais Naola et Mattéo avaient de bonnes raisons de penser que son propriétaire, un magnat de l'immobilier, avait fait construire une chambre forte sous sa demeure d'été pour abriter ses trésors. Avec un peu de chance, ils trouveraient peut-être plus que ce qu'ils étaient venus chercher. À moins que d'autres aient déjà visité le lieu : les saccages avaient été nombreux durant le déclin des civilisations humaines.

Rapidement, ils s'immobilisèrent devant un portail de fer et de dentelle rouillée. Les ruines ne méritaient même plus le titre de bâtiment. Quelques murs, çà et là, délimitaient à grand-peine le plan d'une ancienne demeure engloutie par la neige.

« Pas sûr qu'il reste grand-chose à visiter, grommela Naola

— Au contraire, la neige et la glace, ça conserve très bien. Il faut juste creuser au bon endroit.

— J'invoque Tourab, dans ce cas. Ça m'aidera à repérer les environs.

— Je t'en prie, j'ai hâte de voir cela ! »

La jeune femme lui adressa un sourire en réponse et sortit de son sac un carnet au cuir patiné par le temps. Elle l'ouvrit à la dernière page et plaça son doigt au milieu, là où le papier usé portait la trace de son empreinte mainte et mainte fois apposée. Une brise tiède souleva des tourbillons de neige autour d'eux et chaleureuse présence de Tourab enveloppa Naola. Le djinn-vent aux rémiges en bourrasques invisibles s'élança à travers la lande, fondant un étroit sillon dans la glace. En pensée, cependant, la sorcière maintenait un lien qui, par bribes, lui permettait de percevoir ce que l'antique créature ressentait.

Mattéo, qui n'avait pas manqué une miette de la scène, cacha mal une moue déçue. Des mois qu'il la tannait pour qu'elle lui montre cette invocation pour n'être témoin que d'une timide débourrée.

« Il est surtout pratique pour faire du repérage, ou forcer des passages, justifia Naola.

— Ha, mais j'ai rien dit !

— Avoue que tu t'attendais à quelque chose de plus... visuellement impressionnant.

— Je peux regarder le carnet ? » demanda le jeune homme, dans une habile manœuvre pour esquiver une réponse.

Naola lui tendit l'objet, puis l'observa le manipuler avec déférence. Mattéo avait une passion pour les vieilles choses, et tout particulièrement les vieux livres. Leur curiosité commune pour les artefacts anciens avait contribué à les rapprocher et voir ce grand garçon aux épaules larges et à la carrure travaillée faire preuve d'autant de précautions et de minutie ne manquait jamais d'attendrir la sorcière.

Outre l'esprit-vent qu'il hébergeait, le carnet à lui seul était signe d'intérêt. Sa couverture usée protégeait des pages et des pages de dessins, de croquis, d'esquisses et d'annotations.

« À la fin du 18e siècle, en calendrier humain, un dirigeant européen a monté une grosse expédition militaire en Égypte et a embarqué tout un tas d'artistes et de scientifiques avec lui, expliqua la jeune femme. Ça a appartenu à un peintre, qui a réussi, je ne sais pas trop comment, à piéger un djinn entre les lignes de la dernière page.

D'iris et d'acierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant