Piratage

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Mattéo, de dos, disparaissait dans l'obscurité du souterrain. Il ne cheminait pourtant qu'à quelques mètres devant, mais tous les trois s'étaient enfoncés si loin dans les méandres de l'ancienne mine que, sans leurs discrets sortilèges lumineux, les ténèbres auraient été totales. Naola fermait la marche et veillait à diffuser une clarté minimale pour que Kímon puisse avancer sans difficulté, sans pour autant trahir leur présence. Ils progressaient en territoire ennemi.

Tourab, que la sorcière avait libéré dès le début de leur fastidieuse exploration, avait déjà signalé plusieurs vestes grises et leur avait évité quelques mauvaises rencontres. L'exploitation désaffectée s'était révélée plus labyrinthique et bien moins praticable que prévu : l'état déplorable des galeries, l'odeur de moisi et l'humidité ambiante gênaient leur infiltration. Ils ne pouvaient pourtant pas perdre de temps : le reste du plan dépendait d'eux.

Au crépuscule, Naola, Mattéo et Kímon s'étaient glissés hors du camp et transférés au beau milieu de nulle part. Kímon avait dégagé l'accès vers une ancienne cheminée d'extraction, un étroit boyau presque à pic par lequel ils étaient descendus avec prudence. L'interminable plongée avait duré plus d'une heure au bout de laquelle ils s'étaient réceptionnés sur un sol boueux. Ils avaient dû avancer courbés pendant la première demi-heure, mais avaient pu se redresser à mesure qu'ils approchaient de leur but : l'Optium de Niemen. L'artefact, l'un des points de maillage du réseau de transfert fédéral, clef de voûte de l'unité territoriale, assurait simplicité de déplacement sur plusieurs centaines de kilomètres à la ronde. Le contrôler offrirait un énorme avantage aux mécas, mais fallait-il encore parvenir à l'atteindre.

Kímon, Naola l'avait compris tardivement, était l'une des personnes chargées de son entretien à Niemen et il y avait apporté, à plusieurs reprises déjà, des modifications de son cru, des bricolages, comme il les appelait. C'était, entre autres, ce qui permettait aux téléphones mécas d'être connectés les uns aux autres.

Naola s'immobilisa et saisit le bras de Mattéo pour l'arrêter. Tourab avait aperçu une lueur, à l'angle du couloir suivant et ils étaient trop engagés dans leur passage pour faire demi-tour ou se cacher.

« On va croiser quelqu'un », murmura la jeune femme.

Ils coupèrent toute lumière et Mattéo dressa un sortilège de camouflage derrière lequel ils se baissèrent. Accroupie dans les ténèbres, Naola n'entendait plus que le bruit de leurs respirations retenues. Cinq minutes s'écoulèrent et personne ne vint.

Par gestes, Mattéo ordonna la reprise de leur avancée, collés contre la paroi, ils gagnèrent l'intersection le plus discrètement possible. La veste grise les y attendait en embuscade et se jeta sur eux, l'arme au poing.

Mattéo para l'attaque du garde, se décala pour le déséquilibrer, le projeta au sol et le neutralisa d'un coup de talon dans les reins, suivi d'un maléfice d'immobilisation. En dépit de sa rapidité, une lumière crue écrasa soudain tout le complexe de couloirs.

Aucun doute, ils étaient repérés.

« Je nous transfère, cria-t-il en attrapant le bras de Naola et celui de Kímon.

Il les entraina au loin et les matérialisa une cinquantaine de mètres en arrière. Mattéo se plaqua contre le mur et, protégé par l'angle du dédale, lança sortilèges sur sortilèges pour ralentir leurs trois sbires apparus à l'endroit qu'ils venaient de quitter.

"Je prends le relais", l'informa Naola en saisissant son épaule.

De l'autre main, elle avait ramené le dos de Kímon contre sa poitrine et le webster avait enroulé ses filins autour de sa taille.

D'iris et d'acierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant