Prisonnière

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Naola s'élança vers le Pub en perdition ; des mains se refermèrent sur ses hanches, la tirèrent en arrière, lui enserrèrent la taille. L'instant suivant, Mattéo et elle avaient quitté la scène.

« NON ! hurla-t-elle en se débattant de toutes ses forces. LÂCHE-MOI ! »

Le sorcier les avait ramenés dans leur chambre. Naola tenta de se retourner vers lui, d'enfoncer ses paumes contre ses côtes, de repousser son menton avec son coude, de ruer contre ses jambes, mais il la tenait ferme et il était bien plus fort qu'elle. Il entravait ses hanches d'une main et immobilisa ses bras, dont il avait saisi les poignets, tout en la plaquant contre son torse.

« Calme-toi, murmura-t-il la bouche au creux de son oreille. Calme-toi, Nao, s'il te plait. C'était l'Ordre, c'est certain.

- Lâche-moi !

- Tu n'es pas de taille, poursuivit-il à mi-voix, la serrant si étroitement qu'elle le sentait trembler. On n'est pas de taille, Nao, calme-toi, s'il te plait.

- Il faut que je sache... gémit-elle entre deux respirations saccadées. Il faut que je retourne aider Mordret !

- Il aura trouvé un moyen de s'enfuir ou de se cacher... tu ne peux rien pour lui. »

Il appuya son front contre sa tête, courbé autour d'elle comme s'il avait pu, de son corps, la protéger du reste du monde autant que d'elle-même.

« Pas maintenant, tempéra-t-il. Pas alors que tout Stuttgart a le regard tourné vers le pub. »

Sur ce qu'il subsistait du pub.

« Je ne peux pas te lâcher, conclut-il d'une voix rauque. J'aurais déjà pu te perdre hier. Je ne veux pas recommencer aujourd'hui. »

Naola ne répondit rien, mais elle cessa peu à peu de se débattre. Elle ferma les yeux, tentant de retrouver sa respiration et un semblant de maîtrise d'elle-même.

« OK, murmura-t-elle au bout de longues secondes. Je suis calmée. Lâche-moi, maintenant, tu me fais mal. »

Mattéo hésita, mais la libéra. Elle se détourna lentement de lui, puis, hors de sa portée, demanda un transfert fédéral sans parvenir à rejoindre le maillage. Elle amorça aussitôt un déplacement autonome, qui échoua à son tour. Interdite, elle lança un regard incrédule à son compagnon.

Mattéo, le visage soudain fermé, s'écarta pour la laisser se précipiter vers la porte et s'acharner sur la poignée. Verrouillée.

« J'ai eu raison de te faire confiance, commenta le sorcier, amer. Pourquoi tu ne m'écoutes pas ? Tu vas te faire tuer là-bas, Nao ! »

La jeune femme se retourna vivement vers lui, sa panique emportée par la colère.

« Me faire confiance ? cracha-t-elle en détachant chaque syllabe, prête à exploser. Tu n'as pas le droit de m'enfermer chez toi, Mattéo !

- Je préfère ça que te laisser partir toute seule et te livrer à l'Ordre parce que tu as foncé sans réfléchir !

- Eh bien viens avec moi alors ! »

Mattéo écarquilla les yeux et rit nerveusement.

« Ce n'est pas parce que tu m'as vu affronter quelques types hier soir que j'ai le niveau face à Leuthar ou un de ses lieutenants !

- Je t'ai vu te battre contre Fillip ! explosa Naola, hors d'elle. J'ai vu l'Once me secourir, puis ton visage à mon réveil ! Et tu m'aurais trouvée comme ça, par hasard, dans la neige ?! Sacrée coïncidence ! Je t'en foutrais de la confiance ! »

Mattéo ne cilla même pas à cette déclaration et tous deux se toisèrent plusieurs secondes. La jeune femme s'était attendue à une réaction de surprise, un changement d'attitude, un geste qui aurait confirmé ou infirmé son hypothèse, mais il ne lui offrit qu'une expression vide sur ses traits toujours crispés de leur dispute. Finalement, elle détourna les yeux et il se passa les doigts le long de l'arête de son nez, signe, chez lui, d'agacement et lassitude. Il émit un bref rire nerveux.

D'iris et d'acierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant