Inspection

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Un homme sans grand intérêt, sans personnalité et sans ambition, muté dans une ville de province pour ne pas gêner sa hiérarchie, caution douteuse d'un gouvernement sorcier qui ne voulait surtout pas s'engager à Niemen ; un bon à rien, en somme, pestait en silence Amalia Elfric, en remontant d'un pas vif les couloirs du fortin. Herbet Perparim, commandant en chef de la garnison stationnée dans la petite cité frontalière, était un incapable fini qui lui avait fait perdre son temps – et Merlin savait à quel point le temps de la ministre des Renseignements était précieux. La colère irradiait d'elle, aura électrique qui rythmait son allure en grandes enjambées. Son escorte, un groupe de Policiers Magiques Fédéraux triés sur le volet, peinait à la suivre pour lui ouvrir la voie jusqu'au point de transfert de la place forte.

Madame la Ministre arriva dans le hall du bâtiment, s'engouffra par la monumentale entrée, et déboucha sur le parvis, principale esplanade de Niemen, battue par les vents et la neige. Inflexible, elle s'enfonça dans la tempête alors que les quelques soldats du poste de garde luttaient pour conserver leur équilibre sous les rafales. Son escouade suivit, générant un sortilège de brise-vent qui les protégea sommairement du crachin. La sorcière ne sembla même pas s'en apercevoir : son uniforme, longue cape bleue au col relevé, aux épaules ornées de nombreuses décorations qui témoignaient de son rang et équipée des charmes élémentaires, la maintenait au sec et au chaud. D'un geste toujours empreint de son ressenti, elle fit apparaître un carnet de notes, sans prêter attention aux passants — elle n'était pas escortée pour rien — et en arracha une feuille qu'elle tendit à l'assistant qui la talonnait au plus prêt.

« Je n'ai pas le temps d'aller voir Serge. Transmets-lui ça. »

Ça. « Perparim prévenu, défenses OK, RAS au fortin. Quelques mouvements de l'Ordre rapportés aux environs, mais rien de plus alarmant que d'habitude. Relations avec la cité-État de Baranavitchy excellentes, traités en cours de signature. Probable motif d'attaque pour l'Ordre, mais sans confirmation. Cohabitation avec population mécartificée normale (donc mauvaise). Reste certaine qu'il se trame quelque chose d'envergure. Perparim n'a pas la carrure : le muter encore ? »

Autant dire, rien. Quelque chose se préparait ici, à l'Est, et Amalia Elfric, pourtant juchée au sommet de la pyramide des renseignements fédéraux, ne disposait toujours d'aucune information, hormis le fait que le commandant local était homme à lambiner et à se tourner les pouces en se plaignant du froid. Josko, espion pour le compte de la Fédération, l'avait alertée la veille d'une très plausible attaque sur la ville, mais il s'était avéré incapable de lui en révéler l'ampleur, sans doute tenu par quelque secret magique. À quelques heures du gala d'investiture de Zerflighen, Amalia devait, à tout prix, limiter les impactes d'une probable action de l'Ordre à Niemen, pour qu'ils n'éclipsent pas la soirée.

Mais, exception faite de l'incroyable mollesse de Perparim, son inspection surprise s'était déroulée sans le moindre problème : les militaires tenaient leur poste, le matériel était bien entretenu, la discipline respectée et les charmes de défense en place. Perparim avait beau n'être qu'un bon à rien, il ne ressemblait ni une veste grise ni un vendu. Garant des points de transferts de la ville, il constituait à lui seul un rempart efficace contre les intrusions.

Unique détail notable de ce gâchis de temps, la présence d'Esther Cromwell dans les appartements du commandant avait interpellé la ministre. La fille aînée d'une des neuf Grandes Familles Sorcières de la fédération était, depuis peu, fiancée à Perparim ; or, s'il y avait bien une catégorie de sorcier qui ne marierait jamais sa progéniture à un gradé placardisé dans un territoire expérimental plaçant — mal — la coopération sorcière-méca au centre de ses préoccupations, c'était bien les Grandes Familles. À fortiori les Cromwell.

Amalia Elfric s'immobilisa brusquement : ils étaient arrivés au point de transfert. Elle se tourna vers son second qui exécuta un salut militaire, attendant des instructions qu'il avait déjà devinées, intelligent comme il l'était.

« Montez la garde au fortin, patrouillez partout dans la ville. Prévenez-moi immédiatement à la moindre alerte. Je veux votre rapport demain à la première heure sur mon bureau.

— Sauf votre respect, Madame, avec le gala vous ne serez pas disponible ce soir en cas de problème.

— Je me débrouillerai.

— À vos ordres. »

Amalia leur adressa un signe de tête, puis activa le transfert qui la ramena directement chez elle. Elle se matérialisa dans le hall de sa maison dans la banlieue de Stuttgart, et gagna rapidement sa salle de bain. Elle n'avait que peu de temps devant elle pour se préparer. La soirée s'annonçait chargée.


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Hé ben ça se prends pas pour n'importe qui !

Hé ben ça se prends pas pour n'importe qui !

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Hello ! 

Nous voici avec la suite :) On a pas oublié les questions aux personnages x) Mais on était plus pressées de poster la suite que de les écrire ! Les questions aux personnage reviendont donc à la prochaine pause :)


D'iris et d'acierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant