Chapitre 2

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Cela faisait deux mois jour pour jour que son départ était prévu. Siloé n'avait rien planifié, du début à la fin. Le jeune garçon n'avait pas beaucoup voyagé sur l'échelle de sa vie...

Il aurait dû partir, il y a quelque temps. Les Etats-Unis l'avaient attendu, New York, la Columbia University lui avait tendu les bras, il n'était jamais venu. Pour qui ? pour lui.

Non, Siloé n'avait rien prévu. Du début, à la fin, il ne savait pas où il allait. Mais cela faisait deux mois qu'il réunissait son argent, ses papiers, qu'il se demandait chaque jour quel serait le bon moment. Et jamais, il n'avait pu imposer de date. Il s'était simplement dit qu'il le saurait le jour venu.

Les au revoir n'étaient semblables à aucun autre. Il ne les avaient pas imaginés si calmes, si sereins, si inaperçus. Heureusement pour lui, car c'était comme ça qu'il voulait s'en aller, dans le calme, sereinement, et sans l'ombre d'un soupçon.

Dans quelques minutes, Siloé claquerait la porte sans savoir pour combien de temps ni pour aller où. Ce n'était pas grave, partir était son seul moyen de grandir, son seul moyen de guérir de son plus beau malheur, portant le nom de Félix. Il approcha de la fenêtre et regarda au travers. Au-delà de la clôture de son jardin, il vit le porche de la maison du jeune homme qui avait tourmenté, gagné, et détruit son coeur. Vouer une adoration sans égale à Félix n'était pas facile, c'était désastreux. Maintenant, il le haïssait d'avoir réduit son coeur en miettes, des marteaux invisibles tapant continuellement sa poitrine chaque fois qu'il pensait à lui. Chaque seconde de sa vie. Siloé n'avait plus d'âme, depuis ce jour-là. Il dormait. Et quand il dormait, il ne pensait à rien et surtout pas à lui.

Il sortit un gros sac de voyage, caché dans le faux fond de son placard. Ce sac, cela faisait des jours qu'il le préparait en secret. Scrupuleusement, il y avait enfoui toutes ses économies, un carnet, un stylo, son passeport, quelques papiers administratifs et deux tenues vestimentaires. Ensuite, le garçon chaussa ses baskets et mit une casquette sur sa tête. Il sortit une feuille blanche de son bureau et un crayon entre les doigts de sa main gauche, laissa ces quelques mots destinés à ses parents :

« Maman, Papa, il faut que je laisse une chance à ma vie. Pour ça, j'ai besoin de la découvrir telle qu'elle est... N'ayez pas peur s'il vous plaît. Je reviendrai, je vous dois des explications et je vous dirai tout, c'est promis. Désolé de vous avoir caché tant de choses. Je vous aime.

Siloé. »

Il ne laissa rien d'autre, pas une destination, pas une ville, pas un seul indice de sa vie leur permettant d'en comprendre un traître mot. Juste le passage de sa main exprimant son amour pour eux et une promesse de retour. Siloé savait que ses parents s'inquiéteraient quoi qu'il arrive mais si vraiment ils l'aimaient, ils le laisseraient partir pour mieux revenir. Croyait-il. C'était si facile de ne pas être un parent.

Pour finir, il posa sagement son téléphone sur le lit de son frère et jeta un dernier regard sur sa chambre, sans plus d'émotion. Cette chambre d'adolescent qui avait vu bien des choses serait la même quand il reviendrait peu importe quand. Mais lui aurait changé, peu importe comment. C'était la seule certitude acquise.

En passant dans le couloir, il s'assura que personne n'était dans l'entrée de la maison. Tout le monde sembla affairé à s'occuper de la table et du repas imminent. Il descendit donc à pas de loup et ouvrit la porte d'entrée, aussi doucement qu'il put. Son coeur battant à tout rompre dans sa cage thoracique et son sac de voyage pendu à l'épaule, il réalisa qu'il partait pour de bon et pria une dernière fois pour que ses proches ne lui en veuillent pas à mort, qu'ils ne se sentent pas abandonnés. Siloé avait tellement besoin de sa parenthèse, tellement besoin de faire preuve d'égoïsme après avoir tout donné :

« Où est-ce que tu t'en vas Siloé ? »

Le jeune homme sursauta légèrement, prit sur le fait accompli. Son sang loupa un tour dans ses veines. L'air de rien, il se retourna vers son interlocuteur, habillé d'un pyjama rayé taille quatre ans. Son petit frère, le dernier de la fratrie, se tenait dans l'entrée en tenant son doudou fermement dans sa main droite. ll regardait son grand-frère curieusement, le nez coulant :

« Euh je... je dois partir. C'est très important, mais je vais revenir !

- Tu vas faire la fête avec Félix, encore ? Le petit garçon renifla.

- Non. Mais ne sois pas triste, toi aussi tu feras la fête quand tu seras grand. Pas avec Félix j'espère... Tu devrais retourner dans le salon.

- J'ai envie de faire la fête moi ! Précisa le petit garçon avant de disparaître au salon, faisant traîner les oreilles de son lapin en peluche au sol. »

Siloé le regarda s'éloigner et avec une voix émue, susurra:

« Prends ton temps pour grandir, c'est important... »

Puis il referma la porte d'entrée derrière lui, aussi doucement qu'il l'avait ouverte.

Du vide et du vent (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant