Une étreinte amicale, il avait fallu du temps. Une étreinte romantique, encore plus. C'était un geste inespéré, mais dont il avait voulu. La musique était forte, le rythme disproportionné par rapport à la lenteur avec laquelle ils dansaient l'un contre l'autre. À l'allure d'un slow entre les sons de l'électro, une partie du monde ne tournait plus rond. La joue de Siloé était posée sur le torse de Stanley. Ses yeux toujours fermés. C'était calme, c'était doux. C'était tout ce dont il avait besoin. Et puis alors, malgré ce qu'il avait pensé de Paul lorsqu'il l'avait incité à confier son corps, l'idée ne paraissait peut-être plus autant absurde. À cet instant, les yeux fermés contre un torse, Stanley ressemblait à n'importe quelle forme d'attirance.« Tu as vingt-ans, et je pense que ne serait-ce que passer la nuit avec un homme, quelqu'un qui prendrait soin de toi et de ton corps, ça te ferait du bien. » Lui avait dit Paul lorsqu'ils étaient assis devant le MoMA. Il n'avait rien voulu entendre.
Avec une dizaine de shots dans le nez, l'idée ne paraissait pas ridicule. Loin de là. Il en avait envie. Il appréciait sous ses doigts la douceur des bras qu'il tenait, la rigidité du torse sur lequel il était posé et la connexion qu'il s'autorisait à établir avec l'autre. Il leva les yeux sur Stanley, qui le regarda toujours avec ce même respect et cela lui suffit pour prendre la décision qu'il voulait essayer. Stanley avança son visage de celui de Siloé, sa bouche de la sienne. Leur souffle s'échoua l'un sur l'autre, mais à la dernière seconde avant que l'impact de leurs lèvres n'ait lieu, Siloé tourna la tête et alors la bouche de Stanley se posa sur sa joue en dernier recours. Cela fit sourire celui-ci contre sa peau. Siloé serra un peu plus ses bras autour de la taille de Stanley et sourit à son tour.
« Est-ce que tu crois que tu voudrais bien coucher avec moi ce soir ? Demanda Siloé, comme une supplication. »
Stanley haussa les sourcils de surprise. Un homme quelconque lui aurait dit : « viens on baise ! » / « Chez toi ou chez moi ? / « On rentre ensemble ? », au mieux. Dans un autre cas de figure, un homme quelconque lui aurait simplement fait comprendre par ses gestes insistants ce qu'il voulait pour suivre. Il n'aurait alors pas répondu. Jamais personne n'avait demandé aussi clairement la chose précédente à Stanley. Ce n'était pas un homme habitué aux coups d'un soir. Il n'usait jamais de ce genre de chose, mais ce soir là, tenant dans ses bras une personne comme Siloé, prêt à lui accorder sa confiance comme si c'était la première fois, il ne refusa pas. Il hocha la tête, lui caressa le bras du bout du pouce.
Siloé lui demanda de patienter juste un instant, encore un soupçon d'hésitation dans le sang, mais il laissa Stanley là pour aller voir Paul discrètement.
- Je rentre avec lui.
- Quoi ? tu es déjà fatigué ? demanda-t-il.
- Non Paul. Je rentre avec lui. Je... passe la nuit avec lui. »
Paul posa son verre sur une table, comme s'il avait dessaoulé d'un seul coup. Il déglutit et ne dit rien un instant, se contentant d'analyser les intentions de Siloé. De l'autre côté de la ville, Félix se trouvait dans un hôtel, et seul lui le savait. Laisser partir son ami avec un autre homme alors que l'amour de sa vie était arrivé en ville était un acte plus que dangereux. Il était prêt à parier que Siloé s'en voudrait plus que de raison si demain au réveil, il croisait Félix sur le pas de la porte, son amant à ses côtés.
« Tu ne devrais pas faire ça. Affirma-t-il pour toute réponse.
- C'est toi-même qui me l'a conseillé !
- Oui mais...
- Oui mais quoi ? J'ai envie d'essayer de passer à autre chose. Je crois que je me sens prêt à laisser cet homme me réveiller, comme tu disais. J'en ai envie. Un peu plus que ça... j'en ai besoin je pense... Si je n'essaye pas en ayant envie alors je n'oserais plus jamais le faire. Je me suis promis de tenter ce que je pouvais. Il est là, il n'insiste pas, il ne cherche pas à m'avoir, il est gentil, il est simple. Ce mec, il s'est présenté à moi et il incarne ce que j'assimile à de la confiance.
- Tu ne le connais pas. Tu devrais...
Paul chercha ses mots sans vouloir en dévoiler trop. Il n'avait absolument rien contre ce Stanley qu'il trouvait charmant autant qu'adorable même avec de l'alcool dans le sang. Le problème n'était pas de l'empêcher de suivre Stanley. Le problème était d'empêcher Siloé de partir avec un homme tout court.
La vérité ne cherchait qu'à être dite. Il aurait peut-être dû lui dire, plutôt que de le faire se sentir comme un garçon facile à qui on dit : « Non, tu ne vas pas encore partir avec quelqu'un ?! ».
- Tu devrais attendre un petit peu. Quelques jours au moins !
- Nan Paul. Après tout, ce ne sont pas tes affaires. Je te remercie infiniment de m'aider depuis le début. Tu es tellement parfait avec moi ! Mais s'il te plait... laisse-moi partir avec lui. Je sais ce que je fais.
- Je... ne te force pas Siloé. Ne te force pas à faire des choses que tu ne veux pas sous prétexte d'un mieux. Je ne veux pas que tu aies des regrets.
- ...
- J'aimerais que tu me préviennes quand tu es rentré. Tu n'auras aucun compte à me rendre, juste me dire que tu es bien rentré à l'hôtel et que je n'ai pas à m'inquiéter. »
Siloé hocha la tête, il se sentit en colère mais préféra se taire plutôt que de blesser son ami. Qu'importe ce qui allait se passer une fois qu'il serait sorti de la boîte de nuit, à partir de maintenant cela ne regardait que ses envies et ce qu'il était capable d'en faire.
Il fouilla dans la poche de son pantalon et sortit la carte magnétique de sa chambre d'hôtel. Il la tendit à Paul.
« Tu peux dormir là-bas, si tu veux. Tu n'auras juste qu'à prendre une douche avant de descendre pour ta journée de boulot. »
Il s'empara de la carte en silence puis détailla son ami une dernière fois, comme pour se rassurer lui-même de le laisser filer avec un inconnu. Il l'enlaça et lui murmura d'être prudent. Alors Siloé lui sourit et sortit de la boîte de nuit au bras de Stanley.
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Du vide et du vent (BxB)
RomantikPour Siloé, voir Félix s'en aller sans se retourner, avec la certitude que jamais il ne rebrousserait chemin pour se jeter dans ses bras, c'était comme, ce doigt qu'on pose sur une source qui ne cesse de monter en chaleur... Ce n'était pas encore do...