Chapitre 21

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« Madame, Monsieur,

    Le monde dans lequel nous vivons exige parfois que certains mots soient tus. Le courant infernal de nos vies exige que l'on poursuive ce bout de chemin sur Terre avec les secrets les plus significatifs et insignifiants de notre existence. Dans le silence. C'est une question de peur, et de protection propre, lorsqu'on est une personne comme moi. Lorsque le regard des autres peut tuer. À certains autres moments, les conséquences exigent, cette fois, que tout puisse être révélé.

J'ai la conviction depuis toujours que ce n'est pas ce que je pourrais vous apprendre sur le premier enfant que vous avez mis au monde qui vous fera moins l'aimer. Vous l'avez élevé dans un foyer qui l'encourageait à être ce qu'il voulait. Vous faites bien moins peur que mes parents à moi c'est certain. Nous nous sentions comme des imposteurs à la vue du monde, à prétendre que nous n'avions besoin que de jouer avec un ballon jaune, comme deux amis. Le ballon jaune n'a toujours été qu'un prétexte pour approcher de ses yeux verts et m'y faire une place.

Mais divulguer le secret dans lequel nous avions placé tout notre amour et nos voeux d'existence, nous était trop difficile. Pardonnez-nous d'avance. Nous nous aimions en silence et c'était bien plus important que tous les mots du monde. Nous nous sentions protégés de tout le reste.

Quelque part dans le passé, j'ai laissé une partie de moi à Siloé. Et Siloé, a laissé une partie de lui en moi. Nous sommes empreints comme des fossiles incrustés depuis des millénaires. Mon coeur est formé au sien comme un moule taillé à la force du temps que nous avons passé ensemble, et à la force avec laquelle nos univers se sont unis pour en former un seul. J'ai découvert il y a longtemps déjà qu'il n'y avait pas foyer plus chaud que le coeur de votre enfant.

Madame, Monsieur, la septième merveille du monde existe belle et bien. Je ne vous en remercierais jamais assez de l'avoir créée.

Moi, j'ai tout foutu en l'air. J'ai eu très peur du monde dans lequel je vivais. J'ai eu très peur de l'amour que l'on ne me porterait plus si je continuais à être heureux. En croyant longtemps que le malheur des uns faisait le bonheur des autres, j'ai fait le choix de devenir « l'homme classique ». Le bilan ? personne n'a été heureux. Bien pire que ça. De ma peur d'aimer, de la haine que j'ai placé en moi, Siloé est parti.

La bêtise humaine existe depuis le début des hommes, et pourtant la bêtise humaine n'a pas d'excuse. Si elle n'a pas d'excuse, j'ose espérer qu'elle reste néanmoins excusable car aucun de nous ne mérite de vivre en haïssant ou en étant haïe.

Quiconque se trompe lui-même, se doit de réparer son erreur. Je vous promets que je veillerais sur lui s'il m'en laissait l'opportunité de nouveau. Car la personne de laquelle j'attends le véritable pardon n'est pas celle dont je me suis toujours cachée, mais bien le sien. Seul son pardon m'importe. Le pardon de la haine ne vaut rien dans une vie où mille existences sont possibles.

Vous ne pourrez pas me poser la question qui vous brûle les lèvres : « comment sais-tu où il est ? ». Je vous réponds que la haine s'est transformée en pouvoir et qu'en a découlé le savoir. C'est vers New York que je m'envole pour le retrouver et faire face à mes erreurs avec l'espoir de vous ramener votre enfant.


L'amour pousse à la folie. Je l'aime passionnément.


Félix Armandie. »

Du vide et du vent (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant