Chapitre 9

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          Sourcils froncés, Siloé passa une énième fois la carte d'accès dans le lecteur de la poignée. Sans succès, l'engin ne passa jamais au vert et la porte de sa chambre d'hôtel ne s'ouvrit encore une fois, pas. Le garçon remit brusquement la lanière de son sac de voyage sur son épaule, geste nerveux qui n'avait aucune utilité mais qui lui permit de passer ses nerfs sur quelque chose un quart de secondes. Sa patience était usée à la corde.

Il souffla un bon coup, visualisant la machine comme si la télépathie ou une quelconque formule de magie sortie tout droit d'un film allait l'aider. Doucement, dernière tentative, il plaça la carte devant le capteur. L'accès lui fut une nouvelle fois refusé :

« Putain mais merde ! balança-t-il en tapant du plat de la main sur la chambranle de la porte. »

À dix mètres, un homme à tout faire, à peine plus âgé que Siloé, releva la tête. Il était placé le corps presque entier dans un placard technique pour réparer un tableau de fusibles. Le jeune homme n'avait suivi l'affaire que d'une oreille mais sortit de sa cachette au son non seulement d'une main violente sur une porte, mais aussi de ce chapelet d'insultes françaises qu'il connaissait bien. Il y a longtemps que l'homme n'avait pas entendu sa langue maternelle.

À pas de loup, il sortit de sa cachette et s'avança vers le touriste, l'observa. Le garçon avait l'air désemparé et exténué. Tenant à sa main la carte de sa chambre, les yeux rivés dessus sans comprendre pourquoi la terre ne tournait pas rond comme à son habitude. Il affichait un visage pâle, les lèvres tombantes d'un homme qui n'a pas décroché un sourire depuis... on ne sait plus dire quand.

Siloé abandonna. Laissant retomber sur ses hanches son bras, il tourna son visage vers l'homme, les yeux remplis de haine. Paul, c'était le nom indiqué sur le badge du jeune homme. À l'allure de son uniforme gris d'homme d'entretien, il sut qu'il travaillait ici et se retint de l'insulter de bosser pour un hôtel pas foutu de donner des cartes d'accès valides.

Le dénommé Paul, attrapa la carte de la main de Siloé, comme un homme qui s'approcherait d'une bête sauvage ; avec délicatesse, et prévenance :

« Vous tenez la carte à l'envers. Lui indiqua-t-il d'un français clair et sans accent. »

Joignant le geste à la parole, il tourna la carte dans l'autre sens et la passa dans la machine. Le signal rouge céda au vert et la porte s'ouvrit devant l'air sensiblement stupide de Siloé. Sur son visage dépassé par les événements, la chambre ouverte devant eux, le fameux Paul laissa échapper un rire discret, qui ne se voulait pas méchant, ce à quoi le jeune garçon réagit de manière immédiate :

« Vous êtes, moqueur... et hautain... et vous m'accostez en français alors que vous êtes américain.

- Quant à vous, vous êtes vexé de ne pas avoir su tenir une carte à l'endroit. Se défendit l'homme.

- Je suis désorienté de mon voyage, voilà tout ! Répliqua rageusement Siloé en secouant son billet d'avion sous le nez de Paul.

- Je suis autant américain que vous, c'est-à-dire pas du tout. Répondit l'employer d'hôtel.

- Grand bien vous fasse ! »

Quelle malheureuse mise en matière, sous les approches masculines de Siloé devenues détestables au possible. Siloé aimait les gens, profondément. Il se nourrissait de la vue du monde et de la vie. Son caractère de petit prince, aimable, poli, drôle et bienveillant faisait de lui, ce garçon qu'on aime inviter à la fête.

Cette agressivité n'avait d'explication que l'incapacité à faire face à des hommes de son âge. Il tolérait les hommes, mais ne voulait pas leur parler. Sous la glace de ses mots perçants, Siloé était un garçon au coeur sensible, tout mou et surtout bien piétiné.

Paul hocha la tête, peu désireux de mener un conflit dépourvu de sens avec un touriste français exécrable. Il sortit la carte de la machine et la lui tendit pour ne pas qu'il l'oublie, sans brusquerie :

« Je vous souhaite une excellente nuit Monsieur Paul. Merci pour la porte. Répliqua Siloé en entrant dans sa chambre. »

L'homme en question n'eut même pas le temps nécessaire de répondre que le touriste français l'avait déjà refermée sur son passage.

Du vide et du vent (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant