Chapitre 12

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Monsieur Armandie, le père de Félix, était un homme exténué. L'individu exerçait depuis des années dans un commissariat bondé à toute heure de la journée. Son agenda était rempli à ras bord. S'il rentrait chez lui, ce n'était que pour faire un petit somme, un brin de toilette, et il repartait travailler. Diriger des enquêtes était une grande partie de sa vie. Il s'y était complètement dévoué, tenait les engagements qui lui étaient imposés de respecter. Triplement plus depuis cette dernière année.

Si cela avait été un plaisir pendant longtemps, aujourd'hui monsieur Armandie était dépassé par son travail. L'homme ne supportait plus de ne jamais savoir quand il allait rentrer chez lui, s'en voulait à longueur de temps de ne rien faire à la maison pour aider sa femme, de ne participer à rien et de simplement, être spectateur de la solitude de celle-ci. Elle dormait lorsqu'il rentrait le soir, et si jamais il rentrait du travail le matin, elle prenait juste le temps de lui sortir les restes du plat de la veille du frigo, l'embrasser, et elle-même partir bosser. Madame aimait son mari. Monsieur, aimait sa femme.

Monsieur Armandie n'en pouvait plus de ce train de vie, mais il s'en accommodait. C'était lui qui avait choisi. Et depuis un an même, il ne prenait même plus ses week-end au complet. Le travail était devenu un refuge.

Que pouvait-il faire d'autre de toute façon ? Il dirigeait des équipes, vivait des choses très surprenantes, gagnait bien sa vie par-dessus ça. Son père avait travaillé à la mine, son grand-père avait fait la guerre, il pouvait alors bien tenir ce rythme-là. Puis, cela lui permettait de ne pas se confronter à son fils.

L'homme poussa la porte d'entrée de sa maison. Il faisait chaud à l'intérieur. Instinctivement, il ferma les yeux et posa son sac au sol. Cette chaleur lui fit du bien, c'était, la maison, malgré tout. La voiture de sa femme n'était pas dans l'entrée, elle était déjà partie travailler. Mince. Il passa alors dans la cuisine et de là, jeta un oeil au salon. Il s'arrêta net. Félix dormait dans le canapé. Monsieur n'osa pas faire le moindre pas, de peur de le réveiller et de se retrouver face à lui, seul à seul.

Trois semaines auparavant, l'alerte d'une disparition avait sonné. Il n'était pas en charge de l'affaire, mais son voisin de bureau était parti sur les lieux. Monsieur Armandie n'avait pas manqué le nom du disparu. Siloé Evrard. Siloé Evrard était partie. Et Siloé Evrard entretenait une relation particulière avec son fils...

Il savait, Monsieur Armandie, que le fils de ses voisins n'était plus là. Il savait, par son travail de commissaire, que c'était une disparition volontaire et que personne ne ferait rien à moins d'un danger prouvé. Il savait aussi, que ce garçon-là, voulait dire bien plus qu'un voisin pour son enfant. Même s'il n'y comprenait rien. Cette disparition ne l'avait pas laissée de marbre néanmoins. Ce gosse disparu aurait pu être le sien.

Monsieur Armandie s'avança à pas de loup, et regarda son fils. Un an, qu'il ne l'avait pas regardé dans les yeux. Qu'il ne lui avait pas dit bonjour. Tout était organisé pour qu'ils ne se croisent jamais.

Monsieur Armandie se souvenait bien de ce que certains de ses amis, collègues et proches disaient. Il se souvenait bien de ce qu'on en pensait, dans les vieilles années de « ces tafioles ». Monsieur Armandie n'était jamais sorti de ça. Il s'était servi de ces discours, autour de lui, pour se construire une image abominable de l'homosexualité. Ces images que l'on ne prend pas le temps d'observer pour en discerner les nuances. Ces images que l'on repousserait presque avec un crucifix tellement elles font peur à certains.


« Ce sont des folles Antoine ! Des folles ! Ils se prennent pour des femmes à se monter dessus les uns les autres. Ils aiment se faire prendre par le cul ! Malsains qu'ils sont. »


Du vide et du vent (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant