Les musées sont... vraiment quittes ou doubles. Il faut vouloir aimer. Avoir vous savez, cette fibre bien particulière pour apprécier entrer dans un établissement et trouver dans de l'abstrait des significations concrètes. Siloé n'aimait pas le musée. Il ne comprenait pas encore, comment on pouvait passer des heures à lire des panneaux sous des panneaux. Le visuel était beau oui, parfois. Mais le sens lui échappait.Paul aimait les musées, par contre. Il était fasciné par les coups de pinceaux et l'assemblage des formes. Fasciné par les talents. Il trouvait en chaque exposé, un détail qui rendait le tableau beau. Il en faisait part à son ami qui, s'il se concentrait, finissait par acquiescer, avouant qu'il n'avait pas lui-même assemblé les perspectives pour trouver une belle unification. Paul avait raison sur tout. La beauté et l'immonde portaient une nouvelle dimension sous le regard de Paul.
Dans la réalité, l'art est un moyen d'expression comme les autres. Les oeuvres qu'ils avaient sous les yeux voulaient toutes dire ou dénoncer quelque chose. C'est certain.
Le MoMA, est un musée incontournable. New York ? le MoMA. On y va pour aimer l'art, mais aussi pour la simple frime d'y être allé. Il faut y faire la queue pendant longtemps.
Siloé ne voulait se situer dans aucun des deux cas de figure. Il n'aimait pas l'art plus que ça, et il était loin d'être du genre frimeur. Disons que, Siloé se trouvait dans une autre catégorie à l'heure actuelle. Une autre catégorie qui se faisait tourner les regards, les gros yeux. Qui provoquait dans le corps des tas de frissons et soubresauts, qui fait pleurer les yeux et mal aux poumons. Rire d'une telle force tout en se devant de le cacher et ne rien laisser paraître était si difficile ! Siloé redécouvrait tout juste ce que cela faisait de rire. Il riait. Riait. Devait s'en cacher, à présent pour ne pas s'attirer les mauvaises foudres des gardiens de musée.
Le jeune garçon tenta bien des fois de se reprendre, pour analyser d'un autre angle l'oeuvre d'art qu'il avait sous les yeux, il n'aboutissait qu'à rire de plus belle. D'un premier aspect, cette exposition que nous ne nommerons pas pour une question de respect n'avait pas la prétention d'être drôle. Du tout, même. Seulement, toutes ces cordes, avec accroché au bout des sacs couleurs chaire qui pendouillaient telle des attributs masculins... passons...
Siloé ne s'arrêtait pas d'en rire, voilà tout. Même Paul, avait essayé de cacher sa perplexité. Lui qui avait l'habitude de prononcer un mot sympa pour chaque oeuvre, il était resté sans voix, et alors c'est ce qui avait fait rire encore plus Siloé.
Ce qu'ils avaient en face d'eux, d'une dimension relative à 2m sur 3m rassemblait à elle seule un nombre supérieur à dix de paires de couilles. Bien sûr, là n'était pas la volonté de l'artiste.
Siloé pécha une larme de rire au coin d'un oeil, en regardant tout autour de lui s'ils étaient les deux seuls à avoir un esprit si mal placé devant une oeuvre d'art aussi bien exposée. Croyant que c'était le cas, il remit sa main devant sa bouche et camoufla un rire qui devait sortir. Ce silence n'était plus tenable, cette crise de rire devait s'évacuer comme une envie de pisser douloureuse. Il jeta un oeil à Paul, qui lui parut autant sidéré. Il capta son regard une dernière fois avant de décider que cette fois-ci, c'était trop, il fallait sortir du bâtiment. Tant pis pour ces centaines d'autres oeuvres qu'il ne verrait jamais.
Un mètre avant la sortie du musée, Paul courant presque derrière lui, Siloé inspira vivement l'air et explosa de rire. Attrapant la poignée de porte que lui tenait un visiteur, il sortit dans la rue et échoua les rires qu'il retenait difficilement. Il les balança sur les murs du musée comme pour les exposer eux aussi à la vue du monde. Il ne se retenu pas le moins du monde.
Le rire, de Siloé Evrard.
Première oeuvre de l'artiste, rire de la renaissance. Premier fou rire après un an à crever de Félix. Il était temps.
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Du vide et du vent (BxB)
RomancePour Siloé, voir Félix s'en aller sans se retourner, avec la certitude que jamais il ne rebrousserait chemin pour se jeter dans ses bras, c'était comme, ce doigt qu'on pose sur une source qui ne cesse de monter en chaleur... Ce n'était pas encore do...