Chapitre 16

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Cela faisait du bien. Un bien... inestimable, inespéré. Un bien dont les sensations étaient perdues depuis si longtemps que la promesse d'un retour à l'état normal n'était plus à envisager. Cela faisait quatre jours de suite que Siloé ouvrait les yeux, sans avoir le besoin de les refermer pour ne plus jamais les ouvrir. Cela avait été son rêve bien souvent, de les refermer pour ne plus jamais les ouvrir. Mais maintenant, ces rêves changeaient quelque peu et se réveiller après chaque sommeil avec ce coeur un tout petit peu plus léger n'avait pas de prix. Quelque part à l'intérieur de sa carapace, il y avait de la paix et ça faisait du bien. Un bien... inestimable, inespéré. C'était une sensation presque imperceptible qui se mélangeait tout aussi bien à la détresse qu'il éprouvait constamment. Mais cette sensation était là, et elle renouvelait l'espoir après rupture de stock.

Siloé se redressa dans son lit, il perçut à peine les quelques rayons du jour, la pièce plongée dans l'obscurité. Il tendit un bras raidit par le sommeil, accrocha le rideau pour le tirer. Même la vue de l'Empire State Building depuis Bryant Park avait une saveur nouvelle. C'était beau. D'une beauté sans nom et d'une puissance démesurée. Siloé le savait ça... mais il le voyait pour du vrai, maintenant. Il le voyait avec son coeur et plus seulement avec ses yeux.

Le garçon resta en tailleur sous sa couette, seule la tête dépassant, à trouver dans le paysage qu'offrait sa chambre d'hôtel un moyen de se raccrocher un tout petit peu plus encore à cet aperçu du bonheur. Il n'avait qu'à tendre la main pour le toucher. Siloé n'aurait jamais pensé qu'un inconnu, avec un simple câlin de réconfort, puisse déclencher en lui cette minuscule étincelle de vie. Être serré dans les bras de quelqu'un se révélait un acte assez puissant et réel pour s'encrer les pieds sur terre. Il ne regretta pas d'avoir accepté.

Le garçon apprenait à dormir moins pour profiter plus. Il était passé de 22h de sommeil quotidiennes à presque la moitié. Il était 15h, et il se sentait bien à l'idée de poser les pieds au sol. Paul l'attendrait, de toute façon. Il avait rendez-vous. Son ami ne lui avait pas demandé son avis, lui avait dit : « Mercredi, 15h30 chez Alice's Tea Cup. Je t'offre le goûter. » Alors certes, il serait en retard... mais il honorerait son rendez-vous. Ce n'était pas un pas en avant, simplement un bond.

Et si seulement Félix était à ses côtés, allongé dans ce lit immense. Il l'imagina sans aucune peine sur son torse nu, la respiration encore lente du sommeil malgré ses yeux ouverts. Il aurait la tête tournée, joue posée contre l'oreiller, à visualiser les mêmes buildings que Siloé à travers la baie vitrée. Sa main serait dans la sienne, qui l'approcherait de sa bouche pour l'embrasser. Bonjour. C'est ce qu'il lui aurait dit, et alors Félix l'aurait regardé comme s'il était le seul autre être humain sur terre. L'amour de sa vie.

Je t'aime. C'est ce qu'il lui aurait dit. S'il avait été là.

Siloé repoussa la couverture, ne supportant plus la chaleur à l'intérieur. Il se glissa sous le jet d'eau tiède de la douche, le corps au complet. L'eau dégoulina sur ses cheveux, puis le creux de son dos, l'arrière de ses mollets. Il fit le choix, non sans douleur, de laisser partir son illusion dans les canalisations.

Du vide et du vent (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant