Voilà qu'une heure de l'après-midi était passée. Paul crevait littéralement de faim, n'avait pas mangé depuis la veille et enchaîné cours et boulot. Son supérieur l'avait appelé en catastrophe durant son cours de physique pour une panne des serveurs informatiques à l'hôtel. Alors Paul qui terminait les cours à 12h et ne rêvait que d'une chose : dormir avant sa soirée du soir, avait revêtit son uniforme de travail et s'était rendu à l'hôtel comme un employé modèle.Le patron n'avait pas lésiné sur la panne, celle-ci était coriace. Le serveur de gestion des plannings était sans dessus-dessous. Ce n'était pas une chose difficile pour Paul, régler le problème était entièrement à sa portée. Cela faisait partie de son domaine de compétences ici à l'hôtel. Tout ce qui touchait à l'informatique, l'électricité, la plomberie, perceuses et clé à molette, il savait faire. Ce gamin avait de l'or dans les mains mais dieu sait qu'il avait envie de sortir de sous le bureau de la réception et dégager d'ici pour se coucher.
Felix Armandie ne souffrait pas tellement du décalage horaire. L'homme était arrivé à New York sous un soleil de plomb et sa valise traînant derrière lui, avait gravi les marches de l'hôtel, bien soulagé d'être tout de même arrivé. Depuis le premier pied qu'il avait posé en dehors de l'avion, il n'avait de cesse que de regarder autour de lui, voyant en chaque personne le visage de Siloé. Au moment de tourner dans la rue de l'hôtel, chacun de ses sens était alerte, sur le Qui-vive, prêts à le reconnaître. Le pincement dans son coeur et la boule douloureuse dans son ventre le rendaient plus que mal à l'aise.
Dans un anglais parfait, presque trop sûr de lui, Félix se présenta au bureau d'accueil ou le réceptionniste l'attendit en souriant.
« Pouvez-vous me répéter votre prénom de famille s'il vous plaît monsieur ?
- Armandie : A-R-M-A-N-D-I-E. Je n'ai pas encore de réservation. Voici mon passeport. Dit-il en lui tendant son livret d'identité. »
Paul sortit du serveur un disque dur d'une taille démesurée. La chaleur de l'engin lui brûla presque les doigts. Il le posa au sol et dépoussiéra le contenant. Concentré sur sa tâche. Son collègue accueillait tout juste un client, il se faisait alors discret sous le bureau, entre les tours d'ordinateurs et les autres serveurs.
« Bien monsieur Armandie, merci de vous tourner vers notre établissement pour votre arrivée à New York. Nous sommes ravis de vous accueillir. Vous souhaitez une réservation pour un séjour de quelle durée ? »
Le jeune arrivant dévisagea le réceptionniste. Ce n'était qu'une maladresse, car dans la réalité, Félix cherchait simplement la manière dont il allait lui répondre. Mais Félix, quand on ne le connaissait pas, pouvait incarner une froideur et une arrogance qui faisait chez lui, tout un charme pour lequel Siloé était tombé. Cette statue, à la beauté faramineuse, était remplie de crème en son intérieur. Ce n'était juste pas évident de le remarquer lorsqu'on avait jamais entendu parler de lui.
« J'aimerais réserver pour dix jours s'il vous plaît. Est-il possible de prendre une nouvelle réservation à la fin de celle-ci si la chambre est toujours libre ?
- Bien sûr Monsieur Armandie. Souhaitez-vous rajouter l'option petit-déjeuner pour la somme de 7$ par jour ?
- Non, merci.
- Ça vous fera un total de 1 357$ pour votre séjour Monsieur. »
Félix encaissa tout d'abord la somme donnée au creux de son bide. Il fallait pouvoir la sortir, celle-là. Si le billet d'aller avait déjà rendu son compte bancaire plus léger, cette fois, l'hôtel l'achevait complètement. D'une certaine façon, l'amour n'avait pas de prix, c'est évident. D'une autre façon... un peu... quand même. Mais Félix n'en avait rien à faire. La somme, il la sortirait coûte que coûte. L'urgence n'était pas le découvert bancaire qu'il subirait une fois revenu à la maison, mais belle et bien retrouver l'homme pour lequel il était prêt à vider tous les comptes en banque du monde.
Félix confia sa carte bleue au réceptionniste et attendit. Concentrant son attention sur l'autre employé surgissant du dessous du bureau. Il portait un uniforme noir et un disque dur à la main. Il ne s'attendait pas à le voir bondir de nulle part comme ça. L'homme lui adressa un signe de tête poli et retourna à sa tâche, dévissant tout le matériel sur un bureau annexe.
Finalement, le réceptionniste lui rendit sa carte et lui donna le badge d'entrée dans sa chambre, au quatrième étage.
Félix attrapa le tout et le remercia. Il visualisa le réceptionniste une dernière fois et baissa les yeux. Il y a tellement de choses qu'il aurait aimé lui demander, à commencer par la présence de Siloé dans la tour. Si son passeport avait été enregistré ici pour la dernière fois, alors peut-être y avait-il des chances qu'il y soit encore, et que ce réceptionniste soit amené à la croiser tous les jours depuis des semaines. Il attrapa la poignée de sa valise et se tourna vers le Hall de l'hôtel. Ce Hall était énorme, fait de piliers et de divers coins salon. Un bar se trouvait au fond. À part un homme d'affaires à droite et une femme un peu plus loin à gauche, il n'y avait personne.
« Excusez-moi une nouvelle fois Monsieur. Reprit Félix. »
Le réceptionniste releva les yeux vers lui et reposa un dossier sur le bureau. Souriant, il hocha la tête.
« J'aimerais savoir si une personne du nom de Siloé Evrard loge dans votre hôtel ? »
Paul avait beau tenir de victime à sa fatigue, il était absolument certain que le touriste qu'il avait à ses côtés venait de prononcer le nom de Siloé. Ses réflexes étaient encore tant alertes qu'il avait tourné le visage d'une seconde seulement vers celui-ci, braquant sur lui les yeux les plus surpris qu'il put. Il l'analysa de la tête aux pieds. Détailla son aspect physique, son attitude, son visage et les yeux cernés que le visiteur arborait. C'était un beau gars, un mec que tout le monde voudrait s'arracher. Sauf lui. Parce que Paul ne voulait pas penser à la beauté de ce type et l'analyser comme n'importe quel touriste entrant ici. Il l'analysait comme un type qui devait avoir une vingtaine d'année et qui pourrait très bien être à l'origine d'un coeur brisé et d'une disparition volontaire. Comment avait-il dit qu'il s'appelait ? Il ne se souvenait pas avoir entendu le nom de l'homme lorsqu'il s'était présenté.
Le réceptionniste secoua la tête et pinça les lèvres. La politique de leur établissement hôtelier comme n'importe lequel d'autre ici à New York, voulait que ce genre de détail ne soit pas laissé entre les mains de n'importe qui. Si vous n'étiez pas un membre de la NYPD ou du FBI en personne, c'était plus de peine que de victoire de demander une information pareille.
« Je ne peux pas vous donner cette information Monsieur, désolé. Je vous souhaite de passer un agréable séjour chez nous. »
Paul vit le cou du touriste se tendre et son visage esquiver celui de son collègue. Il le remercia alors une nouvelle fois et s'engouffra dans l'ascenseur. Alors seulement lorsque son collègue prit sa pause et quitta la réception, Paul se pencha sur l'écran d'ordinateur et lu le dernier prénom enregistré : Félix.
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Du vide et du vent (BxB)
RomancePour Siloé, voir Félix s'en aller sans se retourner, avec la certitude que jamais il ne rebrousserait chemin pour se jeter dans ses bras, c'était comme, ce doigt qu'on pose sur une source qui ne cesse de monter en chaleur... Ce n'était pas encore do...