Chapitre 5 : 630 jours

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Ne pas se mêler des affaires des autres taulards. C'est une des innombrables promesses que Gabriel s'était fait en entrant dans cette prison. Tirer son temps, ne pas faire de vagues. Le plan était simple mais la vie est une chienne qui ne fait que de te mettre à l'épreuve dans l'espoir de te voir céder à la tentation, en utilisant ton point faible contre toi. Et le point faible de Gabriel c'est Thomas. Enfin, pas Thomas en tant qu'être humain, mais ce que le crime dont Thomas a été la victime.

Gabriel n'était pas un idiot complet, même si certaines personnes pourraient avoir des choses à redire dessus. Il avait parfaitement conscience que le viol était monnaie courante dans une prison, il avait même dû être le témoin auditif d'une dizaine ou peut-être même d'une vingtaine de viol depuis son arrivée au bloc B. Mais cela ne le touchait pas. Alors pourquoi le fait que ce soit Thomas le touchait autant ? Il s'en foutait complètement de ce gars, il lui est complètement indifférent, il n'est qu'un caillou dans sa chaussure. Alors pourquoi ? Cette question, il se la posait depuis le matin suivant l'agression qu'a subi son codétenu. Et la réponse tardait à lui parvenir.

Sa nouvelle occupation était donc de surveiller Thomas. Le premier truc qu'il avait remarqué, c'est que la fréquence des coïts de son codétenu était passé de deux ou trois par jour à zéro. Thomas se tenait à distance de tout le monde, il sortait le moins possible de leur cellule et il semblait constamment aux aguets. Ce comportement, ce silence que lui offrait son codétenu n'était pas normal, il s'était presque habitué aux babillages de Thomas.

Mais ce qui l'intriguait encore plus que le soudain changement de régime sexuel de Thomas, c'était quand ce dernier devint de nouveau agité. Mais pas agité dans le sens où il a de nouveau le feu au cul et qu'il était en quête d'une queue prête à lui ramoner le conduit, mais agité dans le sens il ne sortait même plus de la cellule, sauf si les gardiens le menaçaient de l'envoyer au mitard. Gabriel ne voulait pas s'en mêler mais c'était plus fort que lui. Il avait besoin de savoir pourquoi il agissait de la sorte ? Et surtout qui était le responsable de son comportement ? Pas besoin d'être un génie pour comprendre que son comportement actuel était lié à son agression sexuelle.

Depuis leur discussion sur l'oreiller, ils n'en avaient pas reparlé. Gabriel n'en savait donc pas plus sur le coupable de ses sévices. Il n'y avait donc qu'un moyen pour lui de découvrir le nom et le faciès de ce fils de pute : coller aux basques de Thomas. Le blondinet était facilement repérable dans la cour, dans le bloc ou même à la cantine : il n'y avait pas tant que ça de grandes perches blondes dans cette prison.

Auparavant, Gabriel n'y faisait pas attention car toutes les personnes l'entourant dans ce trou lui étaient indifférentes, juste des personnes occupées à purger leurs peines dans le même pénitencier d'État. Mais maintenant qu'il faisait gaffe à ce qui l'entourait, il se rendait compte de la vie d'une prison. Les prisonniers étaient loin d'être des âmes en peine occupant leurs journées à vagabonder sans but dans l'espoir que le temps passe plus vite et que vienne l'heure de leur libération. La vie à la prison c'était ni plus ni moins faire comme si de rien n'était. Tout le monde essayait d'oublier qu'ils n'étaient plus libres, qu'ils étaient enfermés. Les prisonniers rigolaient, jouaient, faisaient des échanges comme s'ils vivaient dans une communauté sympa, faisant fi des différents crimes qui les rassemblaient. D'un certain côté, c'était passionnant à observer. Le bâtiment B regroupait des crimes relativement légers. En faisant son enquête, il avait vite dressé une liste non exhaustive des différents crimes commis par les prisonniers de ce bloc. Cela allait du petit vol au détournement de fonds, de la prostitution au trafic de drogues. Quelque part, Gabriel était le plus dangereux du bloc avec son crime de violences aggravées. Mais en toute honnêteté, il n'était pas si fan de la violence, la vie avait juste fait en sorte qu'il soit obligé d'y recourir pour défendre ses principes.

Lcked (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant