Chapitre 11 : 501 jours (1)

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Gabriel rentrait de la sortie matinale. Il marchait nonchalamment, les mains dans les poches de son pantalon de prisonnier. Il avait son sweat poser sur les épaules, le temps commençait de se réchauffer dehors. Il contournait les prisonniers qui stationnaient devant les grilles des cellules avant d'être de nouveau enfermé dans l'espace confiné des cellules doubles du bloc B. L'avantage d'être au dernier étage était qu'il pouvait se maintenir en forme vu le nombre de fois où il montait et descendait les escaliers le menant à la cellule soixante-six.

Les gardiens appelèrent à l'ordre au moment même où il arrivait devant sa cellule. Il y entrait sans tergiverser, balançant son sweat sur son lit. Il se rendait au lavabo afin de se mouiller et se débarrasser de la couche de sueur qui le recouvrait. Vivement la douche de ce soir. Il entendait Thomas se glisser dans la cellule derrière lui. Il s'essuyait le visage avec sa serviette qu'il étendait et cédait sa place à Thomas qui imitait sa toilette de chat. Gabriel se hissait alors sur son lit, attrapant le livre qu'il avait emprunté à la bibliothèque de la prison afin de troubler son ennui et tenter, en vain, de faire passer le temps plus rapidement. Du coin de l'œil, il voyait Thomas retirer son débardeur qu'il balançait dans un coin puis faire de même avec son pantalon et son sous-vêtement.

Thomas ne portait plus aucune marque de violences depuis de nombreuses semaines maintenant, il semblait même prendre un peu de poids, rendant plus difficilement discernable ses côtes. Il se retournait pour saisir les vêtements propres qu'il avait mis sur son lit et Gabriel se concentrait sur son livre. Néanmoins, du coin de l'œil, il voyait Thomas se vêtir, dans une position nonchalante qui mettait en valeur la courbe de ses hanches et sa taille fine. Gabriel devait bien avouer qu'il comprenait pourquoi les hommes tombaient sous le charme de Thomas Bellâtre. Si on mettait de côté ses compétences sexuelles dont la renommée n'était plus à faire dans le bloc B.

Le brun chassait ses digressions, fermant le livre qui n'arrivait pas à le motiver. Il s'allongeait la tête près de la grille, le livre reposant ouvert sur son torse. Il soupirait profondément. Il allait dépérir d'ennui d'ici la fin de sa peine. Il tournait la tête quand il sentait Thomas se hisser à son côté. Il se décalait même pour lui laisser de la place, ce dernier s'installant à son aise à ses côtés, leurs épaules appuyées l'une contre l'autre. Ils n'échangèrent aucun mot, ils n'en avaient pas besoin.

Depuis sa dernière incarcération au QHS et ce qu'il s'était passé ce soir-là, ils n'avaient jamais abordé le sujet. Ni l'un ni l'autre n'avaient épilogué sur l'acte de tendresse et de dévotion sexuelle qu'ils avaient partagés. Gabriel ne saurait pas quoi dire, et il ne tenait pas vraiment à devoir justifier pourquoi il l'avait laissé faire, ni pourquoi depuis ce soir-là il tolérait les exubérances de Thomas tels que le laisser s'allonger à ses côtés à toute heure du jour et de la nuit. La vérité : il n'en savait rien lui-même. De même, Thomas n'avait jamais abordé le sujet. S'il était curieux de ce virage à cent quatre-vingts degrés de la part de son codétenu, il n'en exprimait rien. Et c'était très bien comme ça. Quelque part, d'un commun accord tacite, ils avaient décidé de ne pas parler de ce moment échangé et de juste cohabiter en toute sérénité pour le temps qui leur restait à être colocataire forcé. Thomas serait libre et retournait à la vie civile d'ici trois mois. Dans quatre-vingt-dix jours, leurs vies prendraient des chemins séparés. Cela convenait à Gabriel. Du moins, c'est ce qu'il aimait se dire.

- Qu'est-ce que tu lis ? Disait finalement le blond en prenant le livre sur le torse de Gabriel.

- Je ne sais pas trop... Je n'arrive pas à me concentrer dessus, la lecture n'a jamais été mon fort.

- Alors pourquoi as-tu emprunté Madame Bovary ? Il y a plus simple et sympa comme lecture que les longues descriptions de Flaubert. Rigolait Thomas en feuilletant l'ouvrage.

Lcked (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant