Chapitre 8 : 544 jours

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Cela faisait plus de six mois qu'il était enfermé ici. Six longs mois. Il commençait de péter un câble sévère. Et il devait encore tenir dix-huit mois ? Dans quel état allait-il être ? Est-ce qu'il serait en mesure de faire face à sa mère sans baisser le regard ? Certainement pas, il n'avait déjà pas pu la regarder dans les yeux le jour du verdict. Pourtant, d'après les lettres qu'il recevait hebdomadairement, elle n'était pas déçue de sa conduite. Mais c'était une maman, elle lui trouverait toujours des excuses. Parfois, il lui en voulait de ne pas être en colère à cause de ses conneries. Et il s'en voulait de lui donner des raisons de lui dire ces mots : « je te pardonne ». Elle ne devrait pas à avoir à dire ces mots à son fils, surtout pas maintenant, pas là qu'il était enfermé comme un animal. Putain...

Gabriel, qui était appuyé contre la grille de sa cellule, soupirait fort et se tapait le front contre les barreaux, fermant les yeux. Aujourd'hui était un jour de visite et sa mère venait le voir. Il était heureux de la voir mais en même temps, il était triste. Il était triste d'imposer cette contrainte à sa mère, d'imposer à sa mère de prendre un jour de congé à son boulot merdique, d'obliger sa mère à demander ce service à son connard de patron qui en profiterait pour la faire travailler encore plus... Si seulement il était un meilleur enfant et qu'il avait concentré ses efforts sur ses études plutôt qu'à faire des conneries, il aurait pu offrir une meilleure vie à sa mère. Heureusement qu'elle avait son compagnon. Bien que Gabriel et lui ne s'entendaient pas super bien, il reconnaissait volontiers qu'il était un homme bien qui traitait sa mère comme elle devait l'être.

Les gardiens gueulèrent que c'était l'heure des visites. Dans un brouhaha, les grilles s'ouvrirent et laissèrent un flot de prisonniers sortirent et se diriger vers l'entrée, en file indienne, attendant l'autorisation de se rendre au parloir. Gabriel se glissait derrière les autres, remettant ses cheveux en arrière nerveusement. Il était allé chez le coiffeur la veille afin de bien paraître devant sa mère. Il ne savait même pas pourquoi il ressentait le besoin d'être beau pour elle, elle l'aimait tel qu'il était. Il sentait des mains le tourner, il s'apprêtait à étrangler l'imprudent mais arrêtait son geste quand il reconnaissait Thomas qui ajustait sa coupe. Ce dernier lui souriait légèrement quand il eut terminé. Gabriel ne le remerciait pas, il n'avait pas digéré ce qu'il avait fait deux semaines plus tôt. Heureusement pour sa petite gueule qu'il n'avait pas retenté sa chance.


*



Gabriel était lessivé après son parloir. Cette visite avec sa mère était chargée d'émotions, il avait craqué et pleuré dès le moment où elle l'avait pris dans ses bras. Elle était bien la seule personne avec qui il pleurait, et ce depuis toujours. Après cette décharge d'émotions, il avait profité de sa petite maman, l'écoutant comme si elle était porteuse de la parole divine. Il n'était pas croyant mais il avait toujours vénéré sa mère comme si c'était une déesse, c'était sa divinité à lui.

Quand il pénétrait dans la cellule, Thomas n'était pas présent. Gabriel se rendait vers le lavabo et se mouillait le visage, essayant d'effacer les traces de larmes qui creusaient ses joues. Il fermait les yeux, essayant de calmer son rythme cardiaque, les mains appuyées contre le bord du lavabo. Il sursautait quand il entendit la grille se fermer et qu'il tombait nez à nez avec Thomas dont le visage était creusé, occupé à se ronger les ongles. Gabriel décidait de ne pas s'en occuper, il n'en avait ni l'envie ni la force d'ailleurs. Il retirait ses vêtements qui le démangeaient à l'instant et se hissait sur sa couchette. Il était exténué, il n'avait même pas faim alors que c'était bientôt l'heure de manger.

-       Gabriel ?

-       ... Le brun grognait d'entendre Thomas briser le silence de la cellule.

-       J'ai besoin de ton aide.

-       Je ne suis pas intéressé.

-       S'il te plait.

Gabriel ne répondait pas, faisant mine de ne pas l'entendre. Un autre jour, peut-être qu'il aurait écouté la demande de Thomas, sans certitude qu'il aurait répondu à sa demande. Mais aujourd'hui... Putain, décidément il est dur de la feuille. Gabriel sentait Thomas sur sa couchette, ses mains le tirant pour qu'il le regarde. Gabriel lui assénait un coup de pied dans le plexus solaire, lui coupant momentanément la respiration. Thomas retombait contre la grille, se tenant la poitrine, il avait les larmes aux yeux. Gabriel ne ressentait rien face à ce spectacle.

-       Je t'ai dit non. Il faut que je te le dise en quelle langue ?

-       J'ai vraiment besoin de ton aide, Gabriel...

-       Et moi je n'ai vraiment pas envie de te venir en aide.

-       Si ce n'était pas important, tu sais très bien que je ne te demanderais pas...

-       J'aurais pu te croire, si tu n'avais pas fait ce que tu as fait l'autre jour.

-       Écoute je suis désolé. Je n'aurais pas dû.

-       C'est un bon début mais ça ne change rien à ma réponse. Maintenant dégage.

-       Gabriel...

-       Thomas !

Le blond se taisait, se mordant la lèvre inférieure au sang alors que des larmes coulaient sur ses joues. Il jurait entre ses dents avant de descendre de la couchette et de se glisser sur la sienne. Gabriel soupirait puis fermait les yeux, il allait peut-être enfin se reposer.

Dans l'après-midi, bien qu'il se sentait encore exténué de ce matin, Gabriel se forçait à sortir pour s'aérer l'esprit. Quand il descendait de sa couchette, enfilant un pantalon et un t-shirt, il voyait Thomas, prostré dans un coin de son lit, se rongeant les ongles, les yeux tellement écarquillés qu'ils semblaient vouloir se faire la malle. Gabriel fronçait les sourcils mais ne s'appesantissait pas plus alors qu'il sortait de la cellule, laissant le blond dans la cellule.

Quand il revenait dans la cellule le soir, après sa douche et son dîner, il retrouvait Thomas au même endroit, dans la même position. La seule différence était l'état aggravé de ses mains, rongées au sang. Il hésitait un instant avant de s'asseoir sur la couchette de Thomas.

-       Je veux bien t'écouter mais je ne te garantis pas mon aide. Je veux juste que tu arrêtes de te bouffer les doigts comme un cannibale en manque.

Thomas arrêtait immédiatement ce qu'il faisait, regardant l'état de ses mains. Gabriel n'était pas psychologue mais vu le regard de celui-ci sur ses propres mains, il ne devait même pas se rendre compte de ce qu'il faisait, la crise à son point culminant. Thomas bloquait ses mains entre ses cuisses pour s'empêcher de continuer, toutefois, ce sont ses jambes qui se mirent à bouger, exprimant son stress. Excédé, Gabriel posait sa main dessus. Thomas levait les yeux sur son codétenu, la peur au fond des yeux. Bien que ce ne soit pas son genre, Gabriel lui souriait doucement pour le rassurer. Enfin, c'était son objectif mais Thomas lui sautait dessus, emprisonnant son visage dans ses mains alors qu'il tentait de l'embrasser. C'était tout sauf agréable. Gabriel essayait de repousser Thomas mais celui-ci bloquait ses mains et commençait de se frotter à lui. Il lui fallut bien cinq minutes pour réussir à retourner la situation et bloquer Thomas sous lui.

-       Je t'ai dit de parler, pas de me sauter dessus !

-       Gabriel... Pleurait Thomas, secoué par ses sanglots.

-       Qu'est-ce qui t'arrive ?

-       ...

-       Parle-moi si tu veux que je t'aide !

-       T-Teddy...

-       Quoi Teddy ?

-       Il sort bientôt du QHS...

-       Oui, et ?

-       Il a promis de me faire la peau... J'ai peur Gabriel... S'il te plaît... Aide-moi...

Lcked (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant