XX - debrief

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Le premier officiel à se présenter était un type entre deux âges, costume militaire mais sans grade ni galon, il se présentait comme étant Delaunay un expert du Renseignement.
Rapidement il m'a fait un topo sur ma situation et sur ce qui avait probablement pu ce passer avant que je soit retrouvé sans connaissance. Il me prévient que d'autres viendront pour me poser des questions et qu'il reviendrait me voir avec ou sans eux pour confronter ces informations avec des souvenirs qui auraient pu me revenir entre deux interrogatoires.
Il se tut un moment et alla s'asseoir pour me laisser réfléchir. Je commençais à parler, racontait ma journée jusqu'au moment où je fut bloqué par un trou noir. Je parlais aussi de rêves que j'avais fait mais il me coupa tout en douceur pour me recadrer vers des faits. C'est alors que j'ai commencé à me sentir mal à l'aise en sa présence. C'était indéfinissable et en même temps des images et des sensations de mes rêves surgissaient à l'esprit. La douleur, le goût du sang, la laideur, le noir entrecoupé de lumières, des bruits de graviers.
Il refit le point sur ce que j'avais dit et je sentais ce malaise grandir comme si je grimpais une échelle ou un escalier et qu'à chaque palier je suffoquais de plus en plus.Je finis par lui dire que j'étais fatigué. Il me dit encore quelques mots et sorti.

Ce trou noir et ces sensations me préoccupaient, c'était devenu une pensée obsédante qui me tétanisait et provoquait des bouffées de chaleur. J'en faisais le tour, je la tâtais du bout du doigt, je l'examinais, la testais, la soupesais. J'en revenais toujours au même point. Un infini sombre et vide qui se trouve entre un moment et un autre de ma vie. Cela peux se comparer à dormir alors que là c'est d'un pan entier de vie dont il s'agit même s'il ne s'agit que de quelques heures.

Un peu plus tard comme me l'avait dit Delaunay d'autres militaires se sont présentés accompagnés d'une psychologue. Deux jeunes hommes, cheveux brun coupés court, proche des trente ans, l'air fatigués. Je les avais déjà entre aperçu par le hublot dans le plafond. Et une femme brune, entre trente et quarante ans, visage rond, yeux en amande et qui avait bien quinze centimètres de moins que les deux hommes qui l'accompagnait.

Eux aussi me firent un topo proche de celui de Delaunay, me laissant entendre que nous étions dans une base militaire dans le centre de la France, ce que j'avais compris. Il n'en dirent pas plus répondant de manières évasives à mes questions ou en me posant une question en retour. Je percevais tout cet environnement avec une sensation de décalage, comme une sorte d'anachronisme général que je n'arrivais pas encore à définir. Cela m'a quand même inquiété un moment et je restais donc sur mes gardes lorsque je leur faisais mes réponses.
Leurs demandes étaient évidement les mêmes et mes réponses n'avaient pas beaucoup changé, même si j'avais eu un peu plus de temps pour réfléchir à nouveau aux événements. Malgré ce sentiment de doute profond que je ressentait au fond de moi l'échange fut cordial tout du long. Par intermittence je jetais un œil au hublot par curiosité ce qu'ils remarquèrent. Je ne voyais personne nous observer durant la rencontre.
La psy posait quelques questions à propos de mon état d'esprit et de mes rêves. Elle m'écoutait attentivement en prenant quelques notes. Elle pense que cela pouvait être des instants de lucidité refoulé. Je lui parlais aussi de ce sentiment désagréable que j'avais ressenti en la présence de Delaunay, et cette sorte d'angoisse qui m'avait pris lorsque je m'étais replongé dans les rêves. Elle expliqua que le sentiment de "paranoïa" que je développais était assez normal après les événements que j'avais vécu et le fait de me retrouver en "isolement". Toute victime se construit une carapace pour recréer un semblant de normalité et donc refouler ce qui l'a terrifié, malheureusement cette carapace peut se fissurer et laisser passer des symptômes physiques, psychiques et - ou morales, en bref cela pouvait être le début d'un syndrome de stress post-traumatique mais il était trop tôt pour l'affirmer clairement. Tout se faisait au niveau subconscient et en plus du trauma vécu cela rajoutait une couche inconsciente qui peu déboucher sur de longues séances d'analyses ou des symptômes psychosomatiques. Elle conclut par : "Les blessures physique sont beaucoup plus facile à guérir que les blessures morales, cela prendra sûrement du temps pour vous reconstruire."
Lorsque ils eurent l'impression d'avoir assez de réponses et ils me quittèrent. Les militaires de demandèrent de les joindre en me donnant leurs numéros de poste si j'avais d'autres informations qui me revenaient. La psy me le donna aussi en me disant qu'elle était disponible si je voulais parler.
"Il n'y a pas de technologie à part le matériel médical" constatais-je après leurs départs.

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