Chapitre 37

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Dans leurs deux cerveaux, la même question tournait en boucle : comment avaient-ils pu oublier de parler d'une chose aussi importante ? Mais la question restait sans réponse, à leur plus grand désespoir. Leur trajet dans le bus se passa à réfléchir. Réfléchir au sens du pourquoi du comment, de la théorie de l'atome, de l'univers et des pensées oubliées. Puis ils se retrouvèrent dehors, hors du bus, et leurs pensées continuèrent de vagabonder. Leur arrivée devant la porte de leur futur travail leur fit remettre les pieds sur terre. Ils se tournèrent l'un vers l'autre au même moment.

- Oh ! Dirent-ils à l'unisson.

Ils sourirent en le réalisant. Le pouvoir des jumeaux et leur capacité à - parfois, et vraiment rarement dans leur cas - penser à la même chose, était étonnant.

- Est-ce que toi aussi tu pensais que... leurs voix étaient à nouveaux à l'unisson.

Peut-être le pouvoir des jumeaux était plus fort qu'ils ne le pensaient dans leurs veines ? Paul mima un chef d'orchestre, alors qu'ils continuaient leur unisson.

- Que Papa et Maman étaient vraiment compréhensifs et voulaient qu'on grandisse ? Lança Maurina.
- Que le cerveau est un organe fantastique capable de se rappeler de micro-détail mais d'oublier les plus importants ? Dit simultanément Paul.

Ils s'esclaffèrent. Leurs pouvoirs de jumeaux s'arrêtaient ici. Ils étaient bien trop différents l'un de l'autre. Mais chacun trouva la réponse de l'autre adéquate, la rangeant précieusement dans un des tiroirs de leur mémoire.

Un rire cristallin les poussa à se retourner. Chloé se tenait derrière eux, tapant dans ses mains.

- Moi aussi je veux avoir un jumeau, rêva-t-elle à haute voix. Me fâcher, rigoler, être complétée par quelqu'un du même sang qui me comprend... Merci pour qui vous êtes, vous êtes géniaux !

Les jumeaux sourirent timidement. De tels compliments étaient plus que déstabilisants.

Paul crut déceler une certaine pointe d'envie sous son rire cristallin et enfantin. Mais il chassa bien vite cette pensée de son esprit. En tant qu'enfant unique, tout devait être tellement plus simple ! Et différent... Ne pas avoir à constamment partager son espace vital avec une autre personne.Ne pas avoir à essayer de comprendre les émotions de sa sœur, pour ne pas la froisser. Ne pas avoir à partager son anniversaire. Il y avait tellement de « ne pas » associés au fait d'avoir un ou une jumelle. Ils n'étaient pas à envier. Son cerveau fit un retour arrière, le ramenant deux jours plus tôt, lorsque l'accident était arrivé. Finalement, si. Il avait encore des « ne pas » à ajouter, qui ne rentraient pas dans la première catégorie. Ne pas vivre seul. Ne pas être privé d'une autre façon de penser.

- Tu sais, dit-il en s'accroupissant au niveau de la petite fille. Il y aura toujours des avantages et des inconvénients, peu importe ta situation. J'étais en train de réfléchir à toutes les raisons possibles de ne pas avoir de jumelle, mais au final j'aime ma sœur.

Maurina sourit, lançant un « Oh, c'est mignon! » lorsque son frère eut finit sa phrase. Elle voyait où il venait en venir.

- Le truc, c'est que c'est pas moi qui choisit. Tu peux envier les autres, ou apprécier ta propre situation. Il y aura toujours quelqu'un que tu trouveras mieux loti que toi. Mais le choix est entre tes mains, c'est à toi de décider si tu veux être contente avec ta situation, ou envier les autres pour des choses que tu ne peux pas changer. Mais peut-être que ces mêmes personnes t'envient sans même que tu le saches, termina Paul en souriant.

Sa tirade terminée, le jeune homme crut que la petite fille allait réagir, lancer un grand « oui! » plein d'entrain avant de rire à nouveau de son rire cristallin. Peut-être même leur lancerait-elle un « vous êtes trop drôles, vous les jumeaux ». Mais sa réaction le prit de court.

Chloé se mit à pleurer. Cela commença par ses yeux, qui devinrent de plus en plus brillants. Puis son menton commença des soubresauts, avant que le chagrin ne gagne tout son visage. Les jumeaux ne savaient pas quoi faire. Qu'avaient-ils dit ? Comment conforter ? Quelle avait été l'erreur ? Ils avaient l'impression de marcher sur des œufs. Fallait-il poser des questions ? Rester silencieux ? Maurina prit l'initiative, et lui donna un câlin. Ce geste redoubla les larmes de la petite fille. Maladroitement, la jumelle lui tapotait le dos, en la laissant exprimer sa tristesse.

Paul resta les bras ballants. Ses pensées l'avaient déserté, et toutes les règles sociales qui passaient et repassaient en boucle dans son esprit ne parlaient de comment consoler une petite fille en larmes. Les pleurs l'avaient toujours dérangé. La tristesse avait tellement d'origines différentes, de façons d'être traitée. Pas une n'était similaire. Tellement absorbé par la situation, il sursauta lorsqu'une main se posa sur son épaule.

- Ce n'est que moi, lui chuchota Richard. Je me demandais où vous étiez, si vous alliez vraiment arriver en retard pour votre premier jour de travail, mais visiblement ce n'est pas le cas.

Paul le regarda, encore un peu surpris par ce contact soudain. Leur patron avait un sourire triste en observant sa fille dans les bras de Maurina. Son attitude était paisible, ce qui lui fit comprendre que Chloé était bien plus importante qu'ouvrir à l'heure. S 'il y avait quelque chose à faire sortir, Richard semblait content que cela se passe maintenant.

Néanmoins, après plusieurs minutes à rester sur place à observer les deux filles, Richard se décidé à réagir.

- Hum, commença-t-il.

Tous les regards se tournèrent vers lui. Chloé reniflait, tentant de retenir les prochaines larmes qui voulaient encore sortir.

- Je comprends que cela soit important pour toi, Chloé, continua son père. Mais que dirais-tu qu'on aille à l'intérieur ? Si tu as besoin de parler, ça sera sans doute mieux. Et puis, si on peut libérer Paul pour qu'il commence son travail pendant que vous continuez à parler entre filles entre deux clients au secrétariat, ça serait encore mieux.

La suggestion sembla plaire à la petite fille, qui hocha énergiquement la tête. Elle se dégagea de son étreinte avec Maurina et s'élança à l'intérieur.

Heyyyyy! Chapitre bonus ! Je suis dans le rush des Wattys, pour essayer d'être dans les temps d'ici le 19 août avec l'histoire terminée pour la faire concourir. Je vais donner mon possible, donc il y aura de nombreux chapitres bonus ces prochains jours 😁 Bonne lecture !

La voiture nous a quittés...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant