Ils arrivèrent sans un mot de plus à destination, chacun plongé dans ses propres pensées, ressassant leur discussion, leurs craintes et leurs certitudes.
Une grande maison se dressait face à eux. Toute blanche, elle paraissait être illuminée de mille feux, renvoyant tous les rayons du soleil.
- Tu crois que c'est vraiment là ?
Sa sœur répondit par l'affirmative. Cela était certain. Le numéro était le bon, le village aussi... Il n'y avait pas moyen qu'ils se soient trompés !
- Tu es vraiment sûre ? Parce que sinon, on se fait défoncer par Jack, je crois...
Son frère commençait à l'énerver fortement. Peut-être les évènements précédents avaient également porté leur coup sur son tempérament ? Son incertitude alors qu'ils étaient si près du but l'exaspérait. Comment pouvait-elle rester calme face à cette situation, alors que son jumeau essayait de projeter ses craintes sur elle, sans même s'en rendre compte ?
- Ecoute Paul. Arrête. Maintenant. Ou je vais m'énerver. Tu sais très bien que je déteste ça, autant que toi tu détestes que je dise que je suis nulle.
Il la regarda, interloqué. Mais de quoi parlait sa jumelle ? N'était-il pas normal d'avoir peur de se tromper, et de vouloir lui partager ça, pour qu'au moins il la comprenne ? Avait-il tort de faire cela, de dire cela, de penser cela et d'agir comme il le faisait ? Non. Surtout avec la situation par laquelle ils étaient passés. Il se contentait d'être normal, et de vouloir rester honnête avec elle.
- Qu'est-ce qui te prend ? lui demanda-t-il. J'essaie juste de te faire comprendre ce que je ressens, de m'exprimer. Tu vas pas m'empêcher de m'exprimer ! On est citoyens du pays de la liberté d'expression, tout de même ! C'est pas comme si on s'était fait tirer dessus il y a même pas une demie-heure !
- Bah justement ! Plus longtemps on attends, plus longtemps les gens risquent de nous trouver louches et de sortir leurs fusils comme pour chasser du gibier. Et puis c'est pas de l'expression, là. C'est du partage d'émotion et un début de paranoïa. Et après tu t'étonnes que je te dise de te taire. Il a bien fallut que je tombe pour qu'enfin je puisse marcher, et tu as vécu la même chose ! Bah là c'est pareil ! On va pas rester planté là dix ans avant de se décider d'essayer ! Tu vois d'autres solutions ? Non ! Et bah moi non plus ! Donc on se bouge et on essaie. Au pire on se plante. Mais plus tu dis ça, plus tu laisses le doute entrer, moins tu arrives à faire des choses. Donc on y va, un point c'est tout !
Il la regarda, stupéfait. Quel beau discours elle avait fait ! Sa jumelle cherchait vraiment à se faire comprendre maintenant, à mettre en place des arguments pour défendre ses idées, et à ainsi rester campée sur ses positions.
- Et tu crois que je vais me laisser séduire par tes beaux discours ? Tu essaies juste de m'imposer tes propres idées, je dirais même tes idéaux, et tu espères que je vais dire oui sans broncher ? Et bah tu as tout faux. J'ai peur, tu vois, j'ai peur ! Tu as vu ce qui est arrivé tout à l'heure ? Imagine que ça arrive encore, on fait quoi ? Et bah rien, parce qu'il n'y a rien à faire contre une balle. Donc si on se trompe et que les mêmes gars que tout à l'heure nous attrapent...
Excédée, sa sœur sortit de la voiture. Elle en avait assez entendu.
- Avec des si on pourrait reconstruire le monde, lança-t-elle. Et on est pas plus à l'abris des balles dans une voiture que dehors, surtout quand celle-ci est arrêtée de manière assez louche devant une grande villa. Je vais sonner.
- Maurina attends ! cria-t-il.
Il était déjà trop tard. Sa jumelle avait le doigt sur la sonnette, mettant son plus beau sourire sur le visage. S'ils n'essayaient pas, quel était le point d'être arrivés jusqu'ici ? Il n'y en aurait plus. Tremblant, son frère sortit également de la voiture, mais se tint à distance du portail. A présent les clients, si c'était bien eux, étaient au courant. Dans tous les cas ils ne pouvaient plus rien faire. Leurs dernières heures étaient peut-être arrivées, qui savait ?
Le portail s'ouvrit lentement.
Paul fut tenté de fermer les yeux, et de les rouvrir quand tout serait fini, histoire de voir ce qui les attendait réellement. Mais ceux-ci restaient ouverts d'eux-mêmes, maintenus par la peur qui circulait dans ses veines. Il n'avait jamais été le type à être courageux. Chaque fois qu'il entendait parler des histoires de princesse, dans laquelle elle était secourue par son princesse charmant qui la secourait en se battant contre le dragon, il avait des frissons. Comment un simple humain pouvait survivre face aux flammes de la bête ? Ce n'était juste pas possible ! Alors il avait arrêté de lire ce genre de chose, préférant les policiers, où les héros étaient réalistes, quoique plus téméraires que lui. Sa sœur au contraire avait toujours été de l'autre côté. Courageuse, têtue, des fois téméraire, il l'admirait pour cela. Son jumeau se demandait parfois si à la naissance, leurs cerveaux n'avaient pas été mélangés pour permettre une telle dissonance entre eux deux. En effet, normalement c'était le garçon, le courageux, et la fille qui se cachait derrière son frère ! Mais pas une seule fois il n'avait eu l'occasion de faire cela avec sa sœur. Elle était devenue son bouclier quand il se faisait harceler au collège, remettant tous ceux qui se permettaient de lui faire du mal à leur place. Encore aujourd'hui, elle avait pris sa défense.
Sa sœur lui lança un coup d'œil. Il était loin derrière, et cela ne l'étonnait pas. Elle était consciente des pensées qui le traversaient mais n'y pouvait rien. Oui, il avait développé un certain complexe à l'idée de se faire aider, qu'elle prenne les devants comme elle le faisait, mais il fallait qu'elle aille de l'avant, qu'elle avance pour eux deux. Les pensées négatives n'étaient pas bonnes, elles ne donnaient pas de fruit et n'étaient bénéfiques pour personne. Ils le savaient tous les deux. Mais des fois l'un d'eux sombrait, et l'autre devait se relever et continuer d'avancer, pour prouver à celui qui n'allait pas bien que ses craintes étaient injustifiées. Cette fois-ci sa sœur était celle qui s'était relevée.
- Bonjour ! Vous êtes là pour la livraison ? demanda une voix féminine.
La jeune fille leva la tête. Une grande femme lui faisait face, un gentil sourire au visage. Son regard faisait l'aller-retour entre son frère, elle-même et la voiture.
- Oui, c'est ça ! Mais... On est pas en Espagne ? Comment se fait-il que vous parliez français ?
La deuxième partie de sa phrase était plus un discours destiné à elle-même qu'une réelle question.
- On a migré ici avec mon mari, donc on était français avant, lui répondit-elle gentiment. Mais il s'est passé quelque chose entre vous, vous vous êtes disputés ? Jack m'avait dit que des jumeaux viendraient , mais vous êtes tellement loin l'un de l'autre, je pensais que, en tant que jumeaux, vous partagiez des liens forts...
Maurina lui fit un sourire gêné, puis fit un signe à son frère de venir la rejoindre. Celui-ci, voyant qu'il n'y avait plus rien à craindre, les rejoignit. La dame les regarda tous deux en détail, puis à nouveau la voiture qu'ils lui avaient amené.
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La voiture nous a quittés...
General FictionIl était une fois... un départ. Celui d'une voiture que Maurina et Paul, des jumeaux, avaient toujours connu. Ils prennent alors une décision importante : compenser cette perte à l'occasion de l'anniversaire de mariage de leurs parents, dix jours pl...