La voiture nous a quittés...

Chapitre 33

- On est bien d'accord, on n'a toujours pas de sous, et ils ne risquent pas de tomber du ciel d'ici 4 jours, pour leur anniversaire de mariage ? demanda Maurina en mâchant méticuleusement une spaghetti particulièrement bien cuite.

Le jumeau se gratta le menton, pensif, avant que son regard ne s'illumine à nouveau.

- J'ai une idée ! On passe au plan B !

Sa jumelle le regarda, moqueuse.

- Tu sais qu'on y avait quand même réfléchi ensemble avant, à ce plan là. Donc c'est pas ton idée, releva-t-elle.

Son jumeau soupira, avant de ravaler sa fierté. Sa sœur venait de marquer un point.

- Tu te souviens quand on parlait de voitures d'occasion, de voitures neuves...Et bien, peut-être qu'on pourrait récupérer TwinTwin et simplement remplacer le moteur ! Vu notre budget, on devra peut-être l'acheter d'occasion, mais je ne doute pas de nos qualités de mécaniciens !

Maurina acquiesça, songeuse. En effet, ils avaient déjà parlé d'occasion. Mais comment récupérer TwinTwin ? Où était-elle allée ? Surtout, il fallait faire vite. Chaque heure pouvait compter, quand TwinTwin pouvait être entre la vie et la mort, avec des personnes attendant d'avoir la main dessus pour enlever certaines de ses pièces leur paraissant intéressantes.

Le mode « enquête » était à présent engagé. Avalant leurs dernières bouchées, Maurina se précipita sur l'ordinateur de leurs parents, tandis que Paul commençait à fouiller dans les documents administratifs. Il s'agissait d'un travail minutieux, pour lequel les jumeaux ne devaient laisser aucune trace. Hors de question que le pot aux roses soit découvert, surtout lorsqu'ils étaient si près du but ! 4 jours les séparaient à présent de la ligne d'arrivée : l'anniversaire de mariage, le temps pressait.

La jumelle était méthodique. La technologie l'appréciait, et elle le lui rendait bien. Le mot de passe de l'ordinateur ne leur était pas connu. La jeune fille essayait donc différentes tactiques, passant des chiffres aux lettres, des prénoms aux villes dans lesquelles ils avaient habité, les mots favoris exprimés à l'oral... Une demie-heure plus tard l'adolescente avait trouvé. Le véritable travail commença alors : passer en revue les fichiers les plus récents... Cependant, elle se ravisa assez vite. Il s'agissait d'éléments privés de leurs parents, elle ne pouvait pas tout lire, sa conscience le lui interdisait. Chacun ses secrets !

Le jumeau aussi était méthodique. Il était allé près des étagèrers, et ovservait attentivement les différents classeurs. Il était hors de question de toucher ceux ayant de la poussière, son passage serait trop visible. De plus, la mort de TwinTwin était assez récente pour que les documents pouvant en attester soient dans un classeur exempt de poussière. Il en trouva un assez intéressant, ayant pour titre « factures et autres de l'année ». Alors que sa main s'apprêtait à le saisir, il se ravisa. Ses empreintes pouvaient rester, surtout lorsque la transpiration rendait ses mains moites.

Etant allé chercher des gants, Paul se rassit, plus confortable. Il commença à feuilleter, perdant toute notion de temps. Tous ces détails étaient tellement intéressants ! Comment était conçu un prix, avec le calcul de la TVA, et tous ces autres détails... Il feuilletait tous ces documents sans honte, avide de connaissances.

- Paul, tu as trouvé quelque chose ?

La question de sa jumelle arracha son frère à son observation. Il releva la tête, confus. La question n'avait pas pu accéder à son esprit, et pourtant, elle semblait assez importante, au vu des sourcils froncés de sa sœur.

- Pardon, tu peux répéter ? demanda-t-il, penaud.

Maurina soupira. Elle s'y attendait. Son frère était toujours le premier à se lancer corps et âmes dans leurs recherches, oubliant tout de l'environnement dans lequel il se trouvait. Si parfois, l'adolescente avait appris à lui laisser son temps, au moment présent elle avait déjà assez attendu.

Le document excel sous les yeux de la jumelle lui montrait clairement que son frère avait dû trouver quelque chose, ou était en train de le décripter. L'attitude perdue de son jumeau le lui confirmait.

- Tu. As. Trouvé. Quelque. Chose ? articula sa jumelle, en lui montrant du doigt le tableau excel qu'elle avait sous les yeux.

Le regard de Paul s'éclaira.

- Oui ! s'exclama-t-il. En plus, c'est génial ! J'ai pu finalement remonter jusqu'à la preuve d'achat de la voiture, et même à l'époque on n'aurait pas eu assez ! Mais si on fait tous les calculs de TVA, de matière brute, et tout ce qui en découle, toutes ces sommes ont tellement augmenté ! Ca permet de se faire une idée de la hausse de la TVA, et même du prix ...

Maurina le laissa continuer. Trop d'informations. Il fallait à présent attendre que son frère revienne à la réalité, qu'il se rende compte que tout cela ne l'intéressait pas. Une fois son monologue terminé, l'adolescent allait à nouveau lui demander de quoi ils parlaient, ayant une nouvelle fois déconnecté. Elle lui répondrait par une question un peu plus précise. Peut-être cette fois-ci, il ne repartirait pas dans une explication aussi alambiquée.

Comme elle l'avait prévu, son jumeau termina son monologue, l'observa quelques secondes silencieux, avant de lui demander à nouveau quelle était la question. Après lui avoir montré l'écran et expliqué sa requête plus en détail, son frère était reparti. Cette fois-ci cependant, il semblait s'être attaché au coût que représentait chacune des pièces mécaniques de la voiture. Bien que le sujet fut un peu plus intéressant, la jumelle n'en éprouvait pas le besoin d'écouter pour autant. Trop de mots compliqués. Après les avoir tous lancés dans les airs, Paul allait pouvoir faire le tri et lui donner une explication un peu plus simplifiée, elle en était certaine. La jumelle se félicita intérieurement. Toutes ces heures passées en compagnie de son frère à l'examiner portait enfin ses fruits.

Sa réflexion – et le monologue de son jumeau – s'interrompirent lorsque le téléphone de la jeune fille sonna. Par réflexe, son regard fixa sa montre. 16h37. Qui pouvait bien appeler à cette heure-ci ? S'il s'agissait encore de publicité, l'adolescente était prête. Les mots acerbes lui brûlaient la bouche d'avance.

- Allô ? commença-t-elle.

La voix qui lui répondit lui disait quelque chose. Son frère la regardait intensément, se demandant de qui il pouvait bien s'agir. Le temps que la jeune fille ravale les mots acerbes restés sur le bout de sa langue, son interlocuteur avait fini de parler.

- Pardon ? Je ne suis pas sûre d'avoir bien entendu ?

Les phrases que venaient de prononcer son interlocuteur lui semblaient hors contexte. Elle avait dû se tromper.

- C'est Richard, de l'entreprise de lavage de vitres. Tu es prise, répéta-t-il calmement, comme s'il s'attendait à ce que la jumelle ne comprenne pas tout du premier coup.