Chapitre 18

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La fillette s'éloigna d'un pas vif, et commença à monter des escaliers. Les jumeaux la suivirent, faisant attention à ne pas la perdre de vue. Même avec ses petites jambes, la fillette allait quand même vite ! Après plusieurs tournants dans différents couloirs, ils arrivèrent devant une porte. En la voyant, le frère et la sœur comprirent qu'ils n'auraient dans tous les cas pas pu passer à côté sans la voir... s'ils avaient réussi à aller jusqu'ici. Un gros écriteau sur la porte disait « Richard Piloti, directeur ».

Paul et Maurina se jetèrent un regard complice, retenant du mieux qu'ils le pouvaient leur fou rire. Les pilotis étaient plus proches du sol que des vitres ! Même si ces petits piquets de bois pouvaient être mis dans l'eau, ce qui était dans l'eau étaient leurs pieds, pas leurs bras, et encore moins les balais nettoyants !

Cependant cet instant d'amusement ne dura pas lorsque la porte s'ouvrit. Ils reprirent tous deux une face composée, du mieux qu'ils le pouvaient, et lancèrent un faible bonjour. Si auparavant ils pouvaient se permettre de se moquer de ce nom de famille peu commun, après avoir vu la personne de face, ils comprenaient que faire la moindre remarque devant lui ne serait pas possible. Du haut de ses un mètre quatre-vingt dix, Richard semblait aussi grand que musclé. Sa barbe lui donnait un air encore plus intimidant, et son regard bleu semblait pouvoir voir leurs plus profondes pensées.

- Entrez entrez ! Je ne vais pas vous manger ! lança l'homme en leur faisant un signe de main. Merci Chloé, mon guide préféré, tu peux retourner jouer si tu veux.

En disant cela, il tapota gentiment la tête de sa fille avec un sourire tendre. Sa voix, qui paraissait tout aussi bourrue que sa personnalité, avait un effet apaisant. En l'entendant parler les jumeaux avaient l'impression d'avoir affaire à un gentil ours, qui pouvait volontiers offrir le miel qu'il venait de prendre aux abeilles avec un regard doux.

- Qu'est-ce qui vous amène ? leur demanda-t-il après qu'ils se soient assis.

Il avait refermé la porte derrière lui, et était à présent également assis à son bureau, les regardant fixement. Nerveusement, Maurina triturait ses mains sur ses genoux tandis qu'elle lançait une supplique mentale à son frère pour qu'il réponde. Ils avaient été trop vite ! Leur plan n'était pas près ! Qu'est-ce qu'ils devaient dire dans ce genre de situation ?

- Je m'appelle Paul.

- Je m'appelle Maurina.

La réponse de son frère lui avait donné le courage de répondre à son tour, et faillit provoquer un soupir de soulagement chez sa jumelle, qui se retint juste à temps. Elle avait visiblement été la seule à ne rien préparer, car son jumeau se mit à expliquer qui ils étaient, lui donnant leurs deux CV, comment ils avaient entendu parler de l'entreprise... L'adolescente hochait la tête de temps en temps, montrant qu'elle était présente et écoutait la conversation. Mais ce qu'elle entendait le plus, c'était la facilité qu'avait son frère à s'exprimer, à développer, à convaincre, comme si tout était un discours. Elle parvenait même à entendre comme une petite mélodie dans les paroles du jeune homme.

- Merci pour toutes ces informations, Paul, mais il me semble que vous êtes deux, non ? interrompit soudain Richard.

Le jumeau venait tout juste de terminer sa phrase, et il hocha la tête.

- Vous savez, dans un entretien d'embauche, chaque candidat doit convaincre. J'aimerai à présent entendre ta sœur, demanda à nouveau l'homme.

La jumelle avala difficilement sa salive. Depuis l'instant ou son jumeau avait commencé à parler, elle s'était relâchée, pensant qu'après tout serait fini. Mais non, c'était à présent son tour de défendre sa cause, d'expliquer le pourquoi du comment. Rien que d'y penser, l'adolescente avait l'impression de revenir au lycée devant une feuille de dissertation. Pourquoi la vie était-elle si dure ?

- Heu... Bonjour, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, je m'appelle Maurina. Heu... Si je veux faire ce travail, c'est pour heu... avoir un peu d'argent cet été, heu... et également pour m'indépendentiser.

Hésitante au premier abord, la jumelle s'ouvrit de plus en plus au fur et à mesure des questions, et même si des mots de son invention sortaient parfois de sa bouche, cela ne dérangeait pas plus que ça Richard.

- Merci les jeunes pour ces présentations. Je vais y réfléchir, conclut Richard. Vous avez tous les deux des profils très intéressants, chacun à sa façon, et je pense que vous avoir dans mon équipe pour quelques semaines serait un plus, autant pour nous qui manquons de main d'œuvre que pour vous, pour vous « indépendentiser » comme tu dis Maurina.

La jumelle rougit. Il avait retenu un de ses mots inventés. Elle se fit une note mentale d'essayer de respecter les normes françaises, ou si cela n'était pas possible, de contacter les personnes faisant le dictionnaire elle-même.

- Vous savez, reprit Richard, c'est très important ce que vous avez fait là. Lorsque vous vous présenter, vous devez chacun vous présenter, avoir votre propre individualité. C'est pareil partout. On ne donne pas d'emploi à un groupe de personnes, mais à une personne en particulier. Être en groupe, c'est bien, le travail fonctionne en groupe, mais c'est un groupement de personnes individuelles.

L'homme regarda plus fixement Maurina.

- Ne te caches pas derrière ton frère, tu as plein d'autres talents que tu m'as cité, jeune fille, la rassura le directeur. Même si tu n'es pas très forte à l'oral, parle et entraîne toi ! J'étais très content de voir tout ce que tu as pu me dire tout à l'heure, et même ton mot inventé m'a fait plaisir ! Tu sais, un entretien comme ça, ce n'est pas fait pour vous descendre, comme cela pourrait l'être dans un examen avec une grille d'évaluation. Ce que je vous ai fait faire là, c'était pour comprendre qui vous étiez, pour voir si vous correspondriez à mon entreprise, si les compétences que vous avez correspondent.

Les jumeaux hochèrent la tête, les yeux pétillants. Ils avaient l'impression d'avoir découvert une nouvelle facette du monde du travail en face de cet homme bourru de prime abord mais avec le cœur sur la main.

Après avoir pris congé de l'homme, ils se trouvèrent à nouveau seuls, dans une allée.

- Tu penses qu'on est pris ? demanda la jumelle.

- On verra... répondit évasivement son jumeau. Il avait l'air enthousiaste, il nous a dit plein de choses pour nous améliorer, mais autant il nous appelle demain pour nous dire non. Dans tous les cas, on continue demain avec Jack pour voir comment ça se passe. Un jour de plus à mentir aux parents, ça va encore je pense... Mais après on dit stop.

- Totalement d'accord ! surenchérit l'adolescente. On le voit demain matin et on lui dit qu'on arrête, que nos parents ne sont pas d'accord... En plus c'est la vérité, donc ça va !

Ils se firent un grand sourire. Leur solution était toute trouvée.

- Paul, il est quelle heure ? demanda soudaine Maurina.

- Il est presque 18h, pourquoi ? répondit-il du tac au tac.

Sa sœur lui montra une affiche. Une voiture apparaissait en premier plan, surmontée d'une inscription « vente aux enchères de voitures d'occasion jusqu'à 18h30 ! »

- On y va ? proposa Maurina.

La voiture nous a quittés...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant