Chapitre 24

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- Est-ce qu'il y a d'autres choses que je dois savoir ? Heu... des documents que je dois signer vu qu'on arrête ? demanda-t-elle.

5 minutes plus tard, l'adolescente montait dans la voiture, ayant fini toutes les formalités. Elle caressa d'un air rêveur le volant de la voiture. Il n'y avait pas que du mauvais à l'absence de son frère ! Aujourd'hui, la voiture lui serait réservée ! Il n'y aurait personne pour lui dire qu'elle allait trop vite, que ses virages étaient trop serrés, que ses accélérations étaient trop soudaines... Un vent de liberté souffla lorsque son pied appuya sur l'accélérateur. Elle regarda une dernière fois dans le rétroviseur, et vit Jack qui la suivait du regard. En le voyant, un frisson la parcourut. L'impression que quelque chose ne tournait pas rond continuait de roder dans son esprit.

Elle était déjà sur l'autoroute quand son téléphone vibra une nouvelle fois. Posé sur le siège passager, l'appareil lui faisait de l'œil, comme le suppliant de le regarder. En soupirant, l'adolescente le survola du regard. Sa mère essayait de la joindre. La jeune fille se mordit nerveusement la lèvre. Pourquoi l'appelait-elle si tôt ? Ses parents n'étaient-ils pas partis se recoucher ? Que se passait-il ? Sa main approcha l'appareil, avant de s'interrompre. Son permis n'était pas très vieux, et les amendes pour les téléphones au volant étaient assez importantes. Perdre son permis ? Non merci. Perdre de l'argent ? Non merci. La jumelle regarda à nouveau la route, laissant le téléphone sonner. Un panneau attira son attention. Aire d'autoroute à 5 kilomètres. Sa mère allait attendre.

Ces quelques minutes jusqu'à l'arrêt lui parurent affreusement longues. Tous les évènements du matin repassaient dans sa tête, et au plus elle y pensait, au plus la jeune fille avait une mauvaise intuition. Son frère avait-il tout révélé à ses parents ? Etait-ce la raison de l'appel ? La colère gonfla dans sa poitrine. En plus de ne pas vouloir se lever, il avait décidé de la dénoncer aux parents ? Ne pouvait-il pas assumer ses actions et la laisser vivre sa vie ? Maintenant qu'elle s'était convaincue de continuer cette aventure seule, la jumelle savait qu'elle ne reviendrait pas. Non. Son frère l'avait cherché. En freinant pour aller sur l'aire, Maurina se fit une promesse. Peu importe ce qui allait être dit durant cette conversation, elle ne ferait pas demi-tour. Aujourd'hui, elle allait jusqu'au bout.

- Allô, Maman ?

Finalement arrêtée, les doigts tremblant malgré ses pensées qui se voulaient assurées, la jeune fille avait composé le numéro de téléphone. Silencieusement, elle avait espéré que personne ne lui réponde, que la ligne au bout du fil soit occupée et qu'elle pourrait repartir sans un mot de plus. L'incertitude sur la raison pour laquelle sa mère l'appelait lui faisait peur. Les possibles raisons encore plus. Cependant, au bout de deux sonneries, sa génitrice avait décroché.

- Oui, Maurina. Comment vas-tu ?

En entendant le ton de son interlocutrice, elle comprit que son frère avait craché le morceau. Ses parents ne l'appelaient par son prénom entier que lorsque quelque chose n'allait pas. Notamment quand ils étaient en colère, fâchés, déçus, inquiets... L'adolescente interrompit la liste mentale. Dire lorsque ça n'allait pas était suffisant.

- Humm... Je vais bien ? répondit-elle. Mais pourquoi tu m'appelles, vous n'êtes pas partis, hum... vous recoucher ?

Même sa réponse avait sonné comme une question. Il fallait qu'elle se reprenne. Avoir sa mère au téléphone dans un lieu qui leur avait très clairement été interdit lui était une torture. Un interrogatoire. Voilà la situation dans laquelle la jeune fille avait l'impression de se trouver. Sauf que l'enquêteur était à l'autre bout du fil.

- Non, Maurina. On ne peut plus se recoucher. Paul se fait un sang d'encre, et il est en train de nous le transmettre à nous aussi. Ton frère nous a tout raconté, c'est encore pire que ce qu'on croyait. On a trouvé un moyen pour que tu rentres à la maison, écoute nous.

Le poing de l'adolescente rencontra la portière dans un bruit sourd. Son lâche de jumeau l'avait abandonnée. Pire que ça, il avait tout raconté. Où était leur complicité, les secrets qu'ils étaient sensés garder à deux ? Cela existait-il toujours, maintenant qu'il l'avait trahie ? Mais qu'avait-il pu dire de plus à son sujet ? Jusqu'où était-il prêt à partir dans sa délation ? Sa sœur l'imaginait bien dans le canapé, avec ses parents, en train d'écouter attentivement la conversation. Son visage blanc, inquiet parce qu'il n'avait pas pu venir. Il venait de gagner des points dans l'estime de ses parents, se faisant passer pour l'enfant mature et sage qui sait quand s'arrêter. Il lui accrochait l'image de l'adolescente rebelle qui refusait d'écouter, immature et qui avait eu ses dix-huit ans plus dans une boite surprise que dans un élan de maturité cérébrale.

- Non Maman, je ne rentrerai pas, annonça la jeune fille froidement. Je me suis engagée avec Jack, et j'irai jusqu'au bout. Au contraire de mon frère qui avait la flemme de se lever ce matin. Vous n'êtes peut-être pas contents, mais maintenant c'est ma vie. Je suis majeure et vaccinée, et je travaille si je veux !

Elle avait pesé ses mots. Il s'agissait de l'une des rares tirades pour laquelle elle n'avait pas hésité. Le sujet lui tenait tellement à cœur que la réponse était venue directement de celui-ci, sans passer par l'étape de l'hésitation. Maintenant qu'elle avait fini de parler, elle se sentait fière. Capable d'exprimer ses émotions de façon civilisée, cela lui montrait que même elle pouvait parler correctement, que les progrès étaient toujours possibles, même pour sa pauvre personne plus douée à exprimer ses émotions par ses poings que par des mots.

- Maurina, rentre, ordonna son père. Avec ta mère, on avait très bien compris que vous aviez ignoré ce qu'on vous avait dit quand vous êtes partis hier. Vous croyiez sérieusement être assez doués pour que rien ne se voit ? Mais on a laissé passer, parce que comme tu le dis vous êtes grands. Vous devez faire vos propres expériences. Prendre vos premiers murs. Mais je n'ai pas envie que tu te prennes ce mur-là Maurina. C'est dangereux. D'après ce que ton frère nous a raconté, c'est du trafic. Soit de drogue, soit de voiture volée.

Le cerveau de la jumelle fonctionnait à plein régime. Les informations avaient de plus en plus de mal à y circuler librement. Ce qu'elle faisait était illégal ? Tous les dangers qu'ils avaient vu jusqu'à présent n'étaient pas que le fruit de la paranoïa ?

- Vous mentez ! s'écria-t-elle. C'est juste des coïncidences. De toute façon je l'ai décidé, je vais jusqu'au bout.

Son père soupira à l'autre bout du fil.

- Très franchement, on aurait aimé nous aussi. Hier on a été faire des recherches au boulot. On a trouvé Jack. Nom de code pour l'individu Jacques-Antoine Coukerd. On s'est dit que ce n'était qu'une coïncidence, mais on ne voulait pas que vous soyez en danger. On veut respecter votre libre arbitre. Vous nous avez menti, c'est votre choix. Mais on veut vous protéger.

La gorge de la jumelle se serra. Cela ressemblait de plus en plus à une situation réelle. Pourtant, elle n'était pas dans un film ! Les coïncidences étaient justes énormes, mais elle n'était pas le personnage principal, pas non plus la première victime, ni un des dommages collatéraux. Non. Elle était juste Maurina, jeune fille de 18 ans vivant normalement sa vie. 

La voiture nous a quittés...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant