Paul se rongeait les ongles, assis sur le canapé. Il y avait des jours durant lesquels il aurait mieux fallut rester couché, et le jumeau se disait que ce jour-ci était le cas. Sa sœur et lui s'étaient disputés ? Cela faisait un. Ils s'étaient séparés ? Cela faisait deux. Elle était dans une situation louche ? Cela faisait trois. Elle ne répondait plus au téléphone ? Quatre. Le dicton disait deux sans trois, pas trois sans quatre, et il avait un mauvais pressentiment.
Ses parents regardaient leur ordinateur, se chuchotant des choses de temps en temps, juste assez bas pour que le jeune homme n'augmente pas son stress. Mais au vu des visages graves de ses parents, la situation n'allait pas en s'améliorant.
- Vous pouvez me dire ce qu'il se passe ? demanda-t-il, implorant.
Il comprenait que la vérité était parfois dure à entendre, et que c'était pour le protéger que les messes basses étaient échangées depuis un bon moment. Mais il n'en pouvait plus. L'adolescent avait besoin de réponses, savoir si tout allait bien !
- Depuis que l'appel a coupé, on avait plus de signal, commença sa mère. Mais maintenant, il est revenu, et le bracelet indique qu'elle est immobile, dans un champ au bord de l'autoroute. Ca fait dix minutes maintenant. On n'a pas eu de nouvelles de notre collègue non plus, il est hors zone. On a appelé nos collègues et les pompiers tout à l'heure, ils seront bientôt sur place.
Il s'enfonça dans le canapé et prit le temps d'inspirer et d'expirer doucement. Dans quoi s'étaient-ils embarqués ? Comment avaient-ils pu croire que ce qu'ils faisaient était bien, fiable, mature ? Il se rendait à présent compte de la bêtise de leur acte, et s'en voulait encore davantage d'avoir laissé sa sœur seule. Avec lui présent, peut-être que rien ne serait arrivé ! Si seulement...
- Avec des si on peut refaire le monde, tu sais, lui dit son père. Ca ne sert à rien de te culpabiliser comme ça, ça ne va rien changer. A moins que tu aimes l'autoflagellation, mais j'imagine bien ta sœur te dire que tu réfléchis trop ! rigola-t-il.
Cette réflexion ne le fit sourire qu'à moitié. Que se passerait-il si elle ne revenait pas ? La question était présente dans tous les esprits. Ils n'avaient qu'une seule vie, et celle-ci était fragile. Sa jumelle lui manquait. Elle était celle qui l'épaulait dans les moments difficiles, sa confidente honnête, un peu brute sur les bords. En s'auto-analysant, il se rendait compte à quel point il déprimait. A quel point cela n'allait pas. A quel point ils avaient besoin d'être deux pour se disputer, pour rigoler, pour redonner une atmosphère joyeuse et paisible.
Le temps passait sans même qu'il s'en aperçoive. Quand sa mère attrapa le téléphone et commença à parler d'une voix inquiète, cela le fit sortir de son état second.
- Que se passe -t-il ? demanda-t-il une fois que sa mère eut raccroché.
- On va à l'hôpital.
Ce furent les seuls mots prononcés jusqu'au hall de l'hôpital. L'agitation régnait. Des personnes demandaient des nouvelles de leurs proches, d'autres essayaient de passer outre le temps d'attente des urgences. Au sein de ce brouhaha, leur famille essayaient de faire exactement la même chose.
Alors qu'ils attendaient patiemment leur tour, il sentit quelqu'un lui tirer la main. En se baissant, il découvrit la petite fille du centre commercial, Chloé. Il s'accroupit et la regarda dans les yeux. Les yeux de la petite étaient sérieux, comme il supposait que cela était le cas pour les siens.
- Tu n'es pas drôle aujourd'hui, lui lança-t-elle.
Il sourit d'un air triste. L'atmosphère détendue que les jumeaux avaient quand ils étaient ensembles était forcément partie. Après tout, il en manquait un. Un demi jumeau ne faisait pas le poids d'un jumeau entier, cela, il le savait.
- Tu sais, mon Papa, il était pareil que toi avant, continua-t-elle. La première fois qu'il est venu à l'hôpital quand Maman a dit qu'elle se sentait pas bien, il avait perdu son drôle, enfin, son joyeux. Et puis après elle a guérit, et Papa il a gagné un drôle encore mieux qu'avant ! Il était plus content. Donc pour toi, ça va être pareil ! Tu vas ressortir d'ici avec encore plus de joyeux qu'avant !
Le temps que toutes les paroles de la petite fille trouvent un chemin vers son esprit, celle-ci avait déjà disparu. Le fait de se rendre compte que l'on appréciait une personne et de profiter des moments passés avec l'être aimé était quelque chose qu'il oubliait trop souvent. Il secoua la tête, en pensant à sa sœur. Son cœur se serra à nouveau. Mais si elle était à l'hôpital, c'était déjà un début. S'il essayait de raisonner comme sa jumelle. Ne pas penser au futur. Rester dans le moment présent. Trop réfléchir ne servait à rien. Au fur et à mesure qu'il réfléchissait ainsi, ses émotions de la matinée lui revinrent en mémoire. Il profitait déjà assez d'elle, et aimer être en sa présence ne justifiait pas de se faire jeter sous la douche pour se réveiller. Les rancœurs avec les dents dures, mais il savait que sa sœur aussi. Ce n'est pas parce qu'ils étaient à l'hôpital que la fin du monde était arrivée.
- Paul ? appela son père.
Le jumeau le rejoignit, beaucoup plus détendu qu'auparavant. Le tour de leur famille était venu, et une infirmière les attendait pour les mener jusqu'à la chambre de sa sœur. Son cœur se serra avant qu'il ne relâche à nouveau la pression. Tout allait bien se passer. Après tout, ils avaient encore une dispute à régler.
Ses parents lui lancèrent un regard interrogatif, perplexes.
- Il s'est passé quelque chose ? Tu as l'air beaucoup plus... détendu, lui demanda sa mère.
L'adolescent repensa à sa rencontre avec la petite fille, et à la réalisation à laquelle cela lui avait permis d'arriver.
- Oui, j'a rencontré quelqu'un qui... m'a permis de comprendre que ça ne servait à rien de s'inquiéter comme je l'ai fait. Après tout, ma sœur a les dents dures, et surtout... on a des choses à régler, conclut-il avec un air plus menaçant.
Il sourit en voyant les questions non posées défiler devant les yeux de ses parents. Par moments, il se surprenait à lire dans les pensées. Les visages de ses géniteurs étaient tellement expressifs qu'il se sentait devin. Le jumeau ne chercha pas à plus se justifier. Ils ne comprendraient pas. De plus, il avait le droit lui aussi d'avoir son jardin secret, ce lieu dans lequel les alchimies de son cerveau n'étaient connues que de lui seul. Il était préférable pour certains phénomènes de rester cacher. Trop en dévoiler pouvait être encore plus néfaste à la compréhension.
Ils s'arrêtèrent devant une porte blanche, semblable à toutes les autres.
- Elle est réveillée, vous pouvez entrer. On souhaite juste la garder encore un peu en observation. Elle pourra partir en fin d'après-midi, leur expliqua l'infirmière.
Elle les laissa après ces mots, et Paul prit les devant. Il ouvrit doucement la porte et entra dans la chambre d'hôpital.
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La voiture nous a quittés...
Ficción GeneralIl était une fois... un départ. Celui d'une voiture que Maurina et Paul, des jumeaux, avaient toujours connu. Ils prennent alors une décision importante : compenser cette perte à l'occasion de l'anniversaire de mariage de leurs parents, dix jours pl...