Chapitre 6

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Le vendeur n'avait sur le visage plus qu'un sourire commercial. Il retirait ce qu'il avait pensé précédemment. Ces jumeaux ne savaient absolument pas de quoi ils parlaient, et même si leurs intentions avaient pu être considérées louables, elles étaient passé de bonnes à mauvaises avec cette dernière explication. Il s'imaginait revenir un soir, lors de son anniversaire, pour apprendre que ses enfants lui avaient fait un super cadeau, avaient payé une infime partie, et lui disaient de payer le reste... Non ! Il devait sauver ces parents ! De plus cela n'était même pas légal !

- Ce que vous proposez-là, vous savez que ça peut être sanctionné par la justice ? leur demanda-t-il. On ne signe jamais un contrat au nom d'une autre personne, au grand JAMAIS ! Et on ne remet pas non plus une dette à quelqu'un d'autre sans lui demander son avis, même pour une surprise.

Les jumeaux le fixaient, attristés. Ils ne comprenaient pas de quoi il parlait. Leur surprise était pleine de bon sens, de logique et n'incluait aucune malice, pourquoi donc seraient-ils punis par la loi ? Voyant leur expression hébétée, le vendeur leur donna un exemple.

- Vous mangez des desserts à chaque repas, pas vrai ? Et bah imaginons que votre jumeau vous prépare une super surprise, un énooorme gâteau au chocolat... Vous le visualisez bien ? Le jour de la surprise arrive, vous vous régalez, et après vous apprenez que pendant 6 mois vous pouvez plus avoir de dessert, parce que votre jumeau vous a pris un crédit à votre place pour avoir ce délicieux gâteaux au chocolat. Est-ce que vous seriez contents ?

Le frère et la sœur secouèrent la tête négativement. Non, bien sûr que non ! Ils préféraient à ce moment-là ne pas avoir de gâteau ! Qu'était une surprise si on devait payer les contrecoups plus tard, ce n'était plus une surprise à ce moment-là, mais une mauvaise blague !

- Non... acquiescèrent-ils piteusement.

- Et bien c'est la même chose que vous vouliez faire à vos parents. Donc auraient-ils été contents ? Non plus, car prendre un crédit pour eux, ça s'appelle un cadeau empoisonné.

Ils sortirent du magasin la tête basse. Au moins, ils avaient compris la leçon, mais comment acheter une voiture dans ce cas ?

- Au moins comme ça on est bien renseignés, soupira Paul. On fait quoi du coup ?

- Tu te souviens d'hier soir, quand on se disputait entre neuve ou occasion ? demanda Maurina. Et bien je crois qu'on peut abandonner l'idée de neuve et partir sur occasion. Je sais pas ce qu'on va trouver, mais au moins il y aura pas de mouche dans le moteur.

- On cherche où ? Leboncoin, La centrale, on va voir des enchères ?

Ils réfléchissaient tous les deux profondément, se demandant quelle solution prendre. Neuve : hors de question. Occasion : risqué. Cependant, s'ils n'essayaient rien, ils n'allaient pas savoir. Les jumeaux se devaient de tenter leur chance !

- Faudrait peut-être qu'on ait un peu plus d'argent quand même... Si encore on l'avait prise neuve, ça m'allait très bien, mais ne mettre que cent cinquante euros dans une voiture d'occasion, ça me parait vraiment pas beaucoup et un nid à arnaques, proposa le jumeau.

- Wow ! T'as raison petit frère !

Elle lui sourit de toutes ses dents. Sa vengeance par rapport à ce qui s'était passé hier soir était toute trouvée. Si elle avait pu répliquer en rétablissant la vérité dans leur précédente chamaillerie, lui ne pouvait rien faire. Il se contenta de lui lancer un regard noir. Elle avait touché dans le mille !

- Mais... on trouve quoi comme travail pour arriver à avoir des sous en huit jours ? C'est short non ? pensa-t-elle à haute voix.

Les jumeaux replongèrent dans un profond silence, chacun perdu dans ses pensées.

- Excusez-moi de vous déranger...

Les jumeaux sursautèrent, surpris par cette intervention imprévue. Un homme d'environ cinquante ans, bien rasé, du gel faisant tenir ses cheveux droits sur sa tête, les fixait d'un air intéressé. Cependant quelque chose ne leur plaisait pas. Une impression étrange, comme une aura qui entourait l'inconnu et qui incitait à la méfiance.

- Hey, hey ! Ne me regardez pas comme ça, j'ai encore rien dit ! Bon, bah maintenant en fait si, mais bon, écoutez-moi jusqu'au bout au moins, d'accord ?

Sans leur laisser le temps de placer un mot, il continua sur sa lancée. Les jumeaux, abasourdis par la franchise de l'inconnu, ne pensèrent même pas à l'interrompre, tendant juste l'oreille quant aux paroles qu'il allait prononcer.

- Voilà. Je vous ai entendus parler. Vous voulez gagner de l'argent facilement ? Je peux vous aider à cela ! En fait je gère une compagnie de transport, et on amène les voitures au client. Et c'est le client qui vous paiera. C'est quatre cent euros la course, pour vous permettre de revenir après... Parce que je suppose que vous avez le permis, pas vrai ? Alors, est-ce que c'était pas intéressant d'écouter un homme dans la fleur de l'âge plutôt que de se fier sur des préjugés ? Qu'est-ce que vous en dites ?

Il parlait trop vite, beaucoup trop vite. Un peu plus, et les jumeaux auraient cru qu'il avait un train à prendre. Un grand sourire au visage, l'inconnu attendait sa réponse. Quand précédemment, il semblait vraiment louche, à la limite de la mafia, il avait à présent une toute autre image dans l'esprit des jumeaux. Ils auraient vu une auréole au-dessus de sa tête que cela ne les aurait pas choqué.

Avant qu'ils n'aient le temps de lui répondre quoi que ce soit, un homme accourut à sa rencontre.

- Jack ! Revenez, s'il vous plaît ! Arrêtez de vous éclipser à chaque fois, vous nous compliquez la tâche ! On vous a cherché partout ! cria un homme en accourant vers lui.

Si un regard avait pu tuer, il serait mort sur place. L'inconnu – prénommé Jack – lança au nouvel arrivant un regard glacial. Si ses expressions avaient été amicales auparavant et avaient quelques peu calmé les doutes des jumeaux, l'aura dangereuse qui entourait l'homme était revenue, encore plus intense.

Cependant, dès qu'il se tourna vers les jumeaux, son expression s'adoucit à nouveau. Ses traits étaient détendus, un sourire flottait sur ses lèvres, ses yeux reflétaient de la bienveillance. Les pensées du frère et de la sœur se rationnalisèrent : ce qui venait de se passer n'était que le fruit de leur imagination débordante.


La voiture nous a quittés...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant