Chapitre 11

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Alors qu'ils remontaient dans celle-ci, un homme vint les voir directement.

- Vous travaillez pour qui ?

Son ton était dur, il n'y avait rien d'amical sur son visage. Les jumeaux avaient l'impression d'être tombé sur un voyou pur et dur. D'où ils étaient , ils pouvaient sentir la cigarette, avec peut-être un mélange d'autres choses que les jeunes ne connaissaient pas.

- Jack, répondit cependant Maurina.

Même s'il faisait peur, qu'il paraissait dur, et que plein d'autres adjectifs pas très sympathiques pouvaient lui être attribués, l'aînée ne voulait pas se laisser intimider. Cela aurait été admettre sa faiblesse, et la jeune fille voulait bien tout, sauf d'être traitée de faible. Il s'agissait d'un sentiment qu'elle détestait par-dessus tout.

- Vous lui souhaiterez le bonjour de ma part.

Au lieu de s'éloigner, l'homme envoya son poing, visant le nez de Paul. Cependant, avant qu'il n'ait pu atteindre sa cible, Maurina avait dévié le poing, et s'était placée en défensive devant son frère. Voyant cela, l'homme sourit et s'éloigna.

- C'est mon territoire ici. Dégagez.

Les jumeaux ne cherchèrent pas à comprendre, s'assirent chacun à leur place, et partirent. Ou plutôt, décollèrent. Maurina, pas habituée à la voiture, fit une légère pression sur l'accélérateur, et la voiture bondit. Elle lança un regard désolé à son frère avant d'ajuster son dosage pour éviter plus de secousses.

Connaissant déjà la sensation, le cadet ravala une remarque désobligeante. La même chose s'était passée et sa sœur n'avait rien dit. Il allait suivre son exemple.

Une fois à bonne distance de la station service. Ils se permirent de souffler, repensant à la situation.

- On a vu la même chose, pas vrai ? lança Maurina.

- Oui. Au départ il y avait un homme qui nous fixait, et puis après tout le monde. Moi je croyais que c'était parce qu'on avait une jolie voiture, pas pour un truc « c'est mon territoire, dégagez ». Le pire c'est qu'après tout le monde était avec cette brute, ils étaient tous hostiles.

La jeune fille acquiesça. Ils ne savaient pas dans quoi ils étaient tombés, mais c'était quelque chose. Mais que venait faire Jack dans cette histoire ? Qu'avait-il à voir ? Leur confiance avait-elle été placée au mauvais endroit ? Elle chassa cette idée de ses pensées. Ce n'était pas une possibilité. Il était gentil, bienveillant et avait simplement entendu leur conversation. Il leur avait même fait un contrat de travail. Il ne serait pas le genre de personne à être dans un gang, à vendre de la drogue ou des choses comme ça.

- Tu sais, des fois les personnes ont plus que ce que l'œil voit, déclara son frère.

Au vu de la tête que faisait sa sœur, il savait exactement quelles pensées elle avait eu, et il les avait partagé.

- Mais je veux continuer à croire que c'est un homme respectable. Après tout, on est embauchés par lui, c'est lui qui nous paie... On a même un contrat ! Rien de mal ne peux nous arriver, se rassura Paul.

Oui, rien de mal... Surtout avec la ceinture noire qu'avait sa sœur à la fois en boxe et en karaté. Elle l'avait encore prouvé plus tôt, en le défendant. Les arts martiaux lui avaient donné un nouveau statut aux yeux des hommes : arme blanche. Ses parents avaient bien essayé de l'entraîner aussi dans les sports de combat, mais il avait toujours été plus calme, plus posé, à tenter de comprendre les choses plutôt qu'à les forcer. Lui, c'était les échecs, les jeux de stratégie qui l'intéressaient, il laissait les muscles à sa sœur.

D'un coup, sa sœur s'arrêta sur le bas-côté. Ils pouvaient voir la route continuer en serpentant dans la montagne. Il s'agissait sûrement de la dernière fois qu'ils pouvaient se stopper avant d'avoir atteint le col.

- Le signal GPS s'est affolé...murmura Maurina d'une voix blanche. Il me dit tantôt d'aller à droite, tantôt à gauche, mais on est dans la montagne, et il n'y a qu'une seule route ! Il vient même de dire de faire demi-tour !

S'il y avait bien une chose qu'elle n'aimait pas, c'était l'orientation. Elle avait tellement de mal ! Il lui était très facile de courir partout, même dans les endroits interdits ou dangereux, mais il ne fallait pas espérer qu'elle puisse retrouver le chemin. Avant d'arriver à aller seule au collège, il avait fallu six mois, et même après cela il lui arrivait encore de se perdre.

- Maps est parti aussi...

Paul commença à pâlir. Comment allaient-ils faire ? Sans carte, sans GPS, sans rien... Ils étaient fichus, définitivement fichus !!!

Comme si sa jumelle lisait dans ses pensées, elle lui prit la main en un geste rassurant.

- Je crois en toi, je compte sur toi pour cette situation. Tu sais à quel point je suis nulle en orientation, mais toi par contre...

S'il y avait bien une chose que son frère détestait par-dessus tout, c'est qu'elle dise qu'elle était nulle. Il détestait ce mot, il était inutile, il n'aurait jamais dû être écrit dans le dictionnaire !

- Non je suis pas d'accord, déclara-t-il. Si tu retires pas tout de suite ce que tu viens de dire, je t'aide pas et tu te débrouille toute seule. Tu as peut-être plus de difficultés que les autres, je suis d'accord, mais on est pas nul, personne n'est nul. T'imagines t'aurais pas d'orientation ? Et bah tu saurais pas distinguer ta droite de ta gauche. Donc t'es pas nulle, parce que nulle, ça veut dire 0, et personne n'est 0.

Sa sœur le regarda, prête à rajouter quelque chose.

- Même si tu as déjà eu 0 en course d'orientation, est-ce que tu es nulle en orientation ? Non. La preuve, au bout d'un an, tu sais par où passer pour aller du lycée à la maison toute seule.

Elle grinça les dents. Il s'agissait de l'exemple parfait de sa nullité en orientation.

- Et bah si, je suis nulle, tu vois la preuve, s'écria-t-elle, les larmes aux yeux. T'essaies d'utiliser des exemples, mais ils sont même pas valables ! J'ai mis un an purée de pois de choucroute ! Un an à réussir à me repérer pour aller seule dans cette purée de lycée ! En 5 jours c'était bon pour les autres. Arrête de jouer au frère parfait, à celui qui sait tout et qui positives tout, ça fonctionnes pas. Bientôt tu me diras même que je suis douée en orientation. Et les tortues elles volent ? Non, pas que je sache, alors une tortue qui vole c'est comme moi en orientation !

Ils se regardaient en chien de faïence, chacun cherchant à faire savoir à l'autre qu'il avait raison. Mais rien n'y faisait.

- Bon, bah débrouilles toi toute seule ! déclara Paul. Moi, je regarde. Comme ça on verra bien si tu es vraiment si nulle que ça.

- Mais t'es vraiment idiot ! J'ai même pas de carte bouffon ! Tu veux que je fasse quoi ?

Ca y est, elle l'avait fait. Les insultes qui stagnaient dans sa bouche depuis tout à l'heure avaient enfin pu sortir, ça faisait du bien, vraiment du bien, même si cela n'avait fait qu'empirer la situation. Il fallait bien se défouler de temps en temps.

La voiture nous a quittés...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant