Chapitre 25

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- Enfin, on voulait respecter votre libre arbitre, reprit sa mère. Tu te souviens des bracelets de hier soir ? C'est des GPS. Je sais exactement où tu es maintenant, et il y a trois policiers qui te suivent. Fait semblant d'aller aux toilettes, et là-bas tu les rencontreras. Donne-leur les clés et ils iront jusqu'à ta destination. Ils te donneront leurs clés et tu reviendras à la maison.

Le cœur de l'adolescente rata un battement. Comment ça ? Elle était suivie ? Fichée ? Où était sa liberté ? Où était son indépendance ? Où était son libre arbitre ? Le discours de son père sonnait à présent comme du vent. Son statut de majeure ne lui paraissait plus si alléchant. Rien n'avait changé, elle était toujours surveillée. Comme jouant dans la main de ses parents. Les révélations sonnaient comme une claque pour la jeune fille qui détestait être manipulée. Pour cette raison, elle fut tentée de décliner et de repartir directement ? Pourquoi jouerait-elle dans la pièce que ses parents avait planifié ? Elle n'était pas un pantin, et son avenir lui appartenait.

- Pourquoi vous ne l'avez pas empêchée de partir ce matin ? demanda Paul, à l'autre bout du fil.

Sa jumelle tendit l'oreille, tout aussi intéressée par la réponse qui allait être apportée.

- C'est aussi dangereux de se pointer que de ne pas se pointer, avec ce genre d'individus, soupira leur père. Vous avez mis un pied dedans, et ils sont capables de vous retrouver très vite. La vengeance arrive très vite dans ce genre de milieux. C'est hier qu'on aurait dû vous empêcher, mais aujourd'hui c'était déjà trop tard. Maintenant on limite les dégâts en permettant à la police de s'infiltrer dans le réseau. S'il est démantelé, il y a moins de risques pour tout le monde.

L'histoire était dure à avaler, surtout pour la jeune fille, si habituée à être forte, têtue et à aller jusqu'au bout des choses. Cependant elle comprenait le point de vue de ses parents. Au plus ils expliquaient, au plus tout lui semblait limpide. Elle regarda par la fenêtre, cherchant les toilettes des yeux. Une dizaine de voitures noires étaient garées sur l'aire, et quelques personnes discutaient nonchalamment à côté.

- Juste une question avant de raccrocher, demanda Maurina. Combien de policiers sont avec moi ? Vu le nombre de personnes sur l'aire, je ne suis pas sûre de les repérer.

Seul le silence lui répondit à l'autre bout du fil. En regardant son portable, l'adolescente vit qu'elle n'avait plus de réseau. Maintenant, la jeune fille allait devoir se débrouiller seule. Décidée, elle sortit de la voiture, se dirigeant le plus calmement vers les toilettes. Son cœur battait à tout rompre, si bien qu'elle avait l'impression de vibrer à chaque pas. Quelques unes des personnes présentes se retournèrent sur son passage, mais ils ne vinrent pas la déranger. Cependant elle se sentait suivie du regard, scrutée, surveillée. Que se passait-il sur cette aire ? Quelque chose clochait. Reprenant son portable, le réseau n'était toujours pas revenu.

Elle heurta quelqu'un. Surprise, son regard se releva, pour croiser celui, peu amical, d'un homme deux fois plus grand qu'elle.

- Fais attention où tu marches, petite, la prévint-il. Je ne sais pas à qui tu appartiens, mais si tu ne regardes pas où tu vas, ça peut être vu comme une insulte. Tu es avec qui ?

Elle n'aimait pas se faire insulter de petite. De un, parce qu'elle ne l'était pas vraiment. Son mètre 70 n'était pas considéré comme minuscule, surtout dans la catégorie féminine. De plus, ce surnom évoquait une sorte de rabaissement, comme s'il la considérait de faible. Cependant, vu le gabarit de son interlocuteur et malgré ses années d'arts martiaux, elle ne se voyait pas lui expliquer la fin de sa pensée. Le plus sage était de lui répondre.

- Hum... Je suis seule, pourquoi ? Vous attendez quelqu'un ?

D'un coup cela lui fit penser au policier. Etait-ce à lui qu'elle devait remettre la clé ? Comment savoir ?

- Tu n'es pas du milieu, rigola-t-il. Elle appartient à qui, la voiture ?

Ne pas être du milieu... Cela ne sonnait pas comme des paroles des hommes de l'ordre. Elle n'était pas tombée sur la bonne personne. Mais les insinuations de son interlocuteur laissaient envisager des évènements peu légaux. Se pouvait-il qu'elle soit l'héroïne d'un film à son insu ?

- C'est Jack qui m'envoie, lui répondit-elle.

L'homme se figea. Il la prit soudain par le col.

- Tu devrais le crier encore plus fort ici, gamine, lui murmura-t-il. Vu ce que tu viens de dire, je te conseille de partir, et vite. Ce n'est pas le territoire de Jack, ici. Je veux bien faire de la charité et te laisser 5 secondes, mais après je dégaine.

Les pensées de l'adolescente s'affolèrent. Prenant la menace de l'homme au sérieux, elle courut vers son véhicule. Il était trop tard pour essayer d'aller aux toilettes et trouver un soi-disant policier. Ici, elle était fichée, et savoir qu'est-ce qu'il souhaitait dégainer d'ici cinq seconde ne l'intéressait pas beaucoup. Après tout, les éléments dégainables n'étaient pas nombreux et dangereux.

A mi-chemin, plusieurs autres observateurs décidèrent d'essayer de lui bloquer chemin. Mal leur en prit. Le premier qui fut sur sa ligne reçut un puissant coup dans ses parties sensibles, tandis que le deuxième reçut un coup de coude dans les côtes. Presque arrivée, un troisième personnage se dressa contre elle et lui lança un uppercut. La jeune fille l'esquiva, lui fit une clé de bras et le repoussa d'un puissant coup dans la cage thoracique. Sans plus attendre, elle ouvrit le véhicule, sauta à l'intérieur et démarra.

Si l'adolescente s'était sentie en sécurité entre les quatre murs de métal, le bruit des autres moteurs démarrant également l'informa qu'elle ne serait pas seule à partir de cette aire. La pédale d'accélérateur fut sollicitée à son maximum tandis qu'elle sortait de l'aire d'autoroute plus vite qu'elle ne l'avait jamais fait. Le compteur affichait 150 lorsque la jumelle s'inséra. Malgré cette vitesse hallucinante, d'autres voitures arrivaient à la même vitesse.

Pourquoi son véhicule était noir ? Si visible comparé aux véhicules des communs des mortels ? Son regard n'avait jamais prêté attention aux proportions de couleurs dans le secteur automobile, mais à présent il avait compris une chose : le noir était sous-représenté. Jetant un coup d'œil par le rétroviseur, elle comprit que sa vitesse n'était pas suffisante. Ses poursuivants étaient presque à ses côtés. S'excusant silencieusement des infractions qu'elle allait commettre, son pied poussa l'accélérateur à fond.

Maurina se sentit pousser des ailes. La puissance du moteur semblait infinie, inarrêtable. Cependant, les voies pour doubler étaient rares, et elle se retrouva à faire des slaloms entre les autres usagers de la route. Elle ne pouvait plus se permettre d'avoir peur. A chaque coup de volant, elle jouait au moins avec une vie, sinon plusieurs. Mais ses poursuivants ne s'arrêtaient pas, profitant du chemin ouvert pour la coller encore davantage.

Un scintillement lui fit lever les yeux, et elle vit un des passagers pointer une arme en sa direction. Plus elle se concentrait, plus cela lui sembla probable. Lorsqu'un coup de feu se fit entendre, elle ne put qu'affirmer la véracité de son analyse. Immédiatement, la jeune fille commença à perdre le contrôle. Le pneu arrière-gauche venait de rendre l'âme, et la balance de la voiture s'en faisait ressentir.

Son regard se posa à nouveau sur le rétroviseur. Elle compta le nombre de ses poursuivants et leur distance. Se rabattant à droite, la jumelle essaya sa dernière carte. Dans tous les cas la poursuite ne pouvait se continuer comme cela, c'était devenu trop dangereux. Ralentissant encore davantage, elle vit d'autres pistolets sortir des fenêtres, prêts à tirer. D'un coup de volant brusque, elle se mit sur le bas-côté et freina. La pédale de frein protesta, mais fit son action. En quelques secondes ses poursuivants étaient loin devant. Finalement, c'était elle qui les avait semé. Ce moment de relâchement fut tellement bon que son cerveau n'eut pas le temps d'analyser le camion qui venait de se décaler sur la voie d'arrêt d'urgence. Elle se trouva projetée dans les champs avoisinants.

La voiture nous a quittés...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant