Chapitre 12

15 3 3
                                    

- Regarde dans le coffre, dit-il en soupirant.

Si ça continuait comme ça, il ne savait pas comment le voyage allait se terminer. Bien que ce genre de dispute était courante, il s'agissait ici de leur premier boulot, rendant la chose un peu plus compliquées. Ici, ils n'étaient pas simplement frère et sœur, mais aussi collègues. Or, les collègues s'entendaient plutôt bien dans la plupart des cas, ou devaient faire avec.

Mais Maurina ne l'entendait pas de cette oreille. Elle détestait ce côté-là de son frère. Un côté manipulateur pour la forcer à aller plus loin dans quelque chose qu'elle ne voulait pas faire, en lui disant que ça lui était possible. Comme s'il se servait de sa colère pour la faire avancer, tel un âne et son maître qui lui donne la carotte. Elle ne voulait pas rentrer dans son jeu. Si jamais la jeune fille avait le malheur de confirmer ce qu'avait dit son frère, un énorme sourire s'afficherait sur son visage, reflétant le « je t'avais dit que tu y arriverais » qu'elle détestait tant.

- Non ! Tu vas la chercher, moi je bouge pas de là, s'obstina-t-elle.

Ce genre de chose pouvait durer longtemps, très longtemps. Une fois, cela avait duré tellement longtemps qu'ils étaient restés pendant vingt quatre heures sans dormir, les bras croisés sur leur lit respectif, à attendre que l'autre s'excuse. En y repensant, leurs parents étaient plutôt patients. Ou peut-être l'avaient-ils apprise en les voyant grandir, se disputer, se réconcilier, bouder, et faire ce cycle au moins une fois par semaine. Mais ils étaient grands maintenant. Ils devaient être capables de se réconcilier plus facilement, non ? Cependant, en voyant le visage fermé de son frère, elle comprit qu'il ne cèderait pas. Elle non plus !

- C'est comme si demain je te demande de courir un kilomètre, imagea Maurina. Tu peux pas, tout simplement, c'est pas plus compliqué que ça... Et bah pour moi c'est pareil, ce que tu me demandes. C'est pas possible.

- Eh bah voilà ! Ce n'est pas possible pour le moment, mais tu sais, on peut évoluer très vite. Non, pour l'instant je suis pas capable de courir, mais peut-être que dans un mois je peux t'impressionner. Je voulais juste te dire que des fois, c'est nous-mêmes qui nous mettons des barrières et nous enfermons volontairement dans des cases en disant « je suis nul ». Mais c'est pas vrai ! Je crois en ce proverbe « tout est possible en celui qui croit ».

La jeune fille soupira. Il avait peut-être raison. Même si c'était compliqué, même si tout prouvait le contraire, il était mieux de rester optimiste. Sortant de la voiture, elle alla ouvrir le coffre. Il y avait un gros colis au centre, et sur le côté des petits renfoncements. Dans l'un d'eux elle trouva une carte, qu'elle se dépêcha de prendre avant de rentrer au plus vite dans la voiture. Pour elle ne savait quelle raison, la jumelle avait l'impression d'être observée.

- Paul, on redémarre, dit-elle d'une voix blanche. Prend la carte et débrouille-toi avec, je reste pas une minute de plus ici.

Le moteur était toujours en route. Son pied n'avait pas encore touché la pédale de l'accélérateur qu'un coup de feu retentit. La jeune fille n'aurait su dire s'il était près ou pas, n'étant pas experte en armes, mais il sonnait fort. A quelques secondes d'intervalles un deuxième sonna, encor plus fort que le premier. Sans attendre davantage, la jumelle appuya sur la pédale de l'accélérateur, peu scrupuleuse de la sensibilité de celle-ci. En une seconde la voiture était montée à cinquante kilomètre heures.

- Tu es folle ? hurla son jumeau.

- Regarde derrière, lui répondit-elle.

D'une voix calme, trop calme, comme s'il y avait quelque chose qui pouvait justifier sa conduite, et qui les menaçait directement. Tournant la tête, il découvrit à l'endroit où ils s'étaient arrêtés quatre hommes habillés de noir tenant chacun un pistolet, tous braqués sur la voiture.

- Tu vas pas assez vite en faite, réalisa-t-il.

Le compteur affichait à présent cent vingt kilomètres heure, mais cela était-il suffisant pour qu'ils les perdent de vue, et que leur cible ne soit plus qu'un vague souvenir ? Un premier coup de feu. Sa jumelle commença à faire des zig zag. Un deuxième. Elle se remit en ligne droite, tournant brusquement de temps en temps. Un troisième. Les hommes n'étaient plus que de lointaines silhouettes. La jeune fille ne ralentit cependant pas. Ils ne pouvaient rien contre une arme à feu, après tout. Ils n'étaient jamais trop en sécurité avec ce genre d'armes. Un dernier se fit entendre. La voiture trembla. La balle avait atteint sa cible ?

La voiture était stable, elle tenait bien la route, il n'y avait aucun problème à ce niveau-là. Son jumeau était certes bien accroché à son siège, un peu tremblant, mais il n'y avait rien d'anormal à la situation ici non plus. Elle ne savait pas ce qui venait de se passer, mais la voiture avait l'air de pouvoir les porter jusqu'à destination. Ils ne voyaient plus du tout leurs assaillants, et elle diminua immédiatement la vitesse. Si quelqu'un était arrivé en face, ils l'auraient percuté de plein fouet, l'adolescente n'étant pas capable de contrôler parfaitement la trajectoire dans ce cas d'urgence. La pression commençait à retomber, et tous deux prirent la mesure du risque qu'ils avaient encouru, tant par les hommes aux pistolets que par la conduite hystérique de sa sœur.

- T'es dingue ! Imagine on croisait quelqu'un, on était couic ! En plus on les embarquait avec nous en couic. C'était pas du tout prudent ! rabroua son frère.

- Et tu aurais voulu que je fasse quoi ? attaqua sa sœur. Que j'attende comme toi d'avoir fait un plan dans ma tête avant de me permettre de faire le moindre mouvement ? On serait morts, Paul. Morts ! Il y a pas de couic là-dedans, ni de Mc Do d'ailleurs. J'ai agis instinctivement, un point c'est tout. Ce n'était pas la meilleure des solutions, je te l'accorde, mais au moins elle a marché, c'est tout ce qui compte à présent.

La tension baissa au sein du véhicule, chacun se remettant de ses émotions, revoyant la scène, ce à quoi ils avaient réchappé.

- Mais il se passe quoi en Espagne ? Ils sont cinglés ? On tire pas sur les voitures à vue comme ça, surtout quand on est arrêtés sur le bas-côté ! s'exclama Paul.

- Heureusement qu'ils sont arrivés qu'après que j'ai été chercher la carte dans le coffre. Oh ! La carte, se rappela Maurina. Pour l'instant, il y a pas dix milliards de possibilités, il n'y a qu'une seule route, mais peut-être que ça va pas durer. Et bizarrement, j'ai pas envie de m'arrêter dans un endroit paumé. Je préfère qu'on continue à rouler.

Tout à fait d'accord, le jeune homme déplia la carte. Toute la zone dans laquelle ils étaient avait été cartographiée, et certaines zones étaient marquées en noir, en bleu ou en rouge. Ce code couleur le laissa perplexe. Il se saisit de son téléphone, prit une photo et rangea tout.

- C'est bon, je sais où on est et où on va, déclara le cadet après plusieurs minutes. Mais il y a quelque chose qui me chiffonne... Tu as été chercher quelque chose dans le coffre, et après on a essayé de nous tirer dessus... Qu'est-ce qu'il y a dans ce coffre ? Tu ne trouves pas ça étrange, tout ces évènements qui nous arrivent après qu'on ait accepté l'offre de Jack ? J'ai l'impression qu'il est pas net et qu'il nous a embarqué dans ses trucs louches.

Avant que la jumelle ne puisse répondre à cette question, le téléphone de Paul se mit à sonner, tout en affichant Maman.

- Paul,on fait quoi ? demanda Maurina d'une voix blanche.

La voiture nous a quittés...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant